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Il a considéré combien seront grands les avantages d'une marche ferme, mais tranquille. C'est par une sagesse courageuse que nous pouvons rendre à la République tous les événemens favorables, profiter des fautes de nos ennemis, et faire triompher l'unité et l'indivisibilité.

» La poste a été arrêtéé, et l'alarme générale pouvait en résulter. Le comité s'est occupé deux fois de rétablir la marche ordinaire; il vous propose une mesure à ce sujet.

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» Les journaux ont été arrêtés, et l'alarme générale pouvait encore s'accroître par cette lacune dans les nouvelles, publiques; et aussitôt nous avons cru devoir en déférer à la Convention assemblée. En vain dirait-on qu'il est quelques journaux qui se sont plus ou moins écartés du but utile que doit se proposer tout homme qui écrit pour ses concitoyens ; la vérité jaillit de la diversité et du choc des opinions; et d'ailleurs, citoyens, que penseriez-vous d'une liberté qui dépendrait de quelques journaux ?

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Que devient la liberté de la presse si les productions de la presse ne circulent pas? Que devient le droit de communiquer sa pensée si les communications sont arrêtées ? Que devient le droit d'écrire et d'imprimer son opinion si l'imprimé ne peut se distribuer ou se vendre ? La police du despotisme usait de ces petits moyens ; voudrions-nous imiter les tyrans, nous qui les combattons ?

» Il faut briser ces misérables entraves données à la presse et aux journaux! Ce n'est pas avec des entraves et des contraintes que l'on défend la cause de la liberté; c'est avec du courage et de bonnes lois que les calomnies ou les erreurs des journalistes sont sans effet!

» Il est une autre mesure que le comité a déjà indiquée dans un de ses rapports, que le ministre des affaires étrangères a souvent réclamée, et qu'il est instant de mettre à exécution; c'est l'expulsion des étrangers. Voilà une des grandes causes de nos maux, de nos divisions, de ces mouvemens préparés, de ces convulsions qui fatiguent la liberté! Si c'est Pitt ou Cobourg qui nous agite, qui nous corrompt, rompons du même coup tous les fils de cette détestable intrigue, et que les étrangers disparaissent du sol de la liberté jusqu'à ce qu'elle soit établie !

Le comité doit terminer son rapport par quelques faits importans, et qui doivent être présens à vos délibérations. L'affaire de Marseille vous sera rapportée : les renseignemens que nous avons jusqu'à ce jour nous font penser que ce n'est pas un désir de fédéralisme qui l'a produite.

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» L'affaire de Lyon se présentait sous les couleurs les plus alarmantes il y a eu combat entre la municipalité et les sections. Il paraît que c'est la municipalité qui a donné le signal du combat; elle a été vaincue. Il faut déplorer le sang des citoyens qui a été versé; mais les témoignages réunis de deux commissaires de la Convention et des administrateurs annoncent que les vainqueurs n'ont cessé de crier vive la liberté, l'unité et l'indivisibilité de la République! Deux autres de vos commissaires voient cette affaire sous d'autres rapports. Nous en mettrons les pièces sous vos yeux.

» Des nouvelles se répandent que des suppléans vont s'assembler à Bourges, d'après le vœu imprudent et impolitique de quelques départemens. C'est à votre sagesse et à votre fermeté à déjouer cette fatale démarche, qu'on cherchera sans doute à couvrir du prétexte de sauver la République, mais dont nous ferons rechercher les auteurs. Des suppléans vont s'assembler! 'dit-on; mais c'est nous qui avons juré de la sauver, et qui la sauverons! Les suppléans ne peuvent paraître que sur notre tombeau !

» Des bruits multipliés de fédéralisme le long des côtes maritimes sont répandus : l'intrigue anglaise s'acclimate partout; mais la liberté s'y est établie avant l'intrigue, et nous espérons que tous les projets liberticides avorteront.

»

Quant à nos collègues mis en état d'arrestation, nous avons plusieurs fois demandé des actes et des pièces aux autorités constituées qui les avaient dénoncés. Voici la réponse reçue hier à minuit de la commune.

COMMUNE DE PARIS. - Le 5 juin 1793, l'an 4 de la liberté, le 1er de l'égalité.

«< Citoyen président, le conseil général nous fait parvenir à l'instant votre lettre de ce jour, adressée aux citoyens composant la commune de Paris, avec charge d'y répondre.

» Lorsque le conseil général des communes du département de Paris

a annoncé à la Convention qu'il existait un grand complot, des lettres annonçaient que des troupes de plusieurs départemens allaient marcher sur Paris.

» Des lettres annonçaient que plusieurs départemens, du Jura et environs, se réunissaient pour former une Assemblée nationale particulière.

>> Ces deux faits prouvent d'une manière incontestable qu'il existe un complot pour former une nouvelle Assemblée, dissoudre celle qui existe, marcher sur Paris, et anéantir cette ville.

» L'existence de ce complot se rencontre parfaitement avec les vœux, les menaces des députés mis en état d'arrestation à la sollicitation du peuple de Paris, spectateur de leur conduite. A l'instant où le décret a été rendu le comité central révolutionnaire s'est occupé de rassembler tous les faits et toutes les pièces qui provoquent le décret d'accusation.

» Les mouvemens qui ont agité cette grande ville sont cause que le travail n'a point encore été achevé; il le sera sous quelques jours, et adressé de suite au comité.

» Il y aurait de l'injustice à ne pas accorder ce délai à un comité accablé d'un travail immense; et sans doute les députés qui pressent le rapport ne sont pas ceux qui se sont soustraits à l'exécution du décret d'arrestation.

Signé MARQUET, président. »>

» Toutes les mesures que le comité m'a chargé de vous présenter jusqu'à présent sont propres à rétablir l'ordre, mais dans Paris seulement, et autour de la Convention nationale; et les ébranlemens du mouvement qui dimanche a environné la représentation nationale d'une force armée retentissent au moment où je vous parle dans toute l'étendue de la République. Paris s'est mis debout; mais la France entière pourrait se méprendre, et se mettre debout aussi; et voilà ce qu'il faut éviter, et pour la France et pour Paris, car leurs destinées sont inséparables..

» Hommes de la montagne, vous ne vous êtes pas placés sans doute sur ce point élevé pour vous élever au dessus de la vérité; entendez donc la vérité, que le comité m'a chargé de vous présenter! L'opinion que la France prendra, et le jugement que les lois de la France porteront sur les inculpations politiques qui pèsent sur les membres qui sont arrêtés, sont des choses encore incertaines : c'est à la France, c'est à la République tout entière qu'appartient un tel jugement. Hé bien, représentans, le comité vous déclare qu'en attendant que la

France prononce dans un si grand procès il est digne de votre dévouement de lui offrir, de lui donner une espèce de garantie personnelle, des otages!

>> Quelque persuadés que vous soyez que la France, juge unique et souverain de cette grande cause, ne désavouera pas votre jugement, vous n'en devez pas moins, pour vousmêmes et pour le salut de la patrie, prendre cette mesure. Elle est juste; elle est donc nécessaire : elle a de la grandeur; elle doit donc vous plaire : cette mesure est généreuse; elle est donc propre à toucher une nation qui peut se croire outragée, mais qui est magnanime. Députés, citoyens, hommes, votre comité de salut public ne découvre pas d'autre moyen de sauver la France.

>> Danton a ouvert le premier cet avis; Couthon, qui a demandé le décret d'arrestation, se présente pour aller en otage à Bordeaux.

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» Tous les membres de votre comité s'offrent les premiers pour être les nouveaux garans de la justice que vous devez présenter à la nation; et ils n'ont qu'une crainte, c'est que vous ne les jugiez pas assez dignes de la préférence qu'ils sollicitent. Voyez combien seront réels et grands les avantages de cette mesure! Chaque otage que vous enverrez à un département prêt à s'indigner et à se diviser est une chaîne sacrée par laquelle vous le retenez lié à Paris et à toute la France; les opinions de la République, flottantes sur les événemens, vont se fixer à l'instant sur ce point que tous les membres de la Convention sont également capables de tous les dévouemens pour la République, et le moment où la représentation nationale paraissait comme effacée sera celui où elle prendra le plus de splendeur! Un nouveau sentiment, un sentiment sublime, va pénétrer à cette nouvelle dans tout le corps de la nation pour la rendre plus digne des hautes destinées vers lesquelles elle s'avance à travers les tempêtes, et les rois conjurés de l'Europe, qui comptent bien plus sur vos divisions que sur leurs armées, quand cette nouvelle frappera leurs oreilles vont s'écrier avec désespoir quels sont donc ces hommes, qui au milieu de leurs divisions et dans leurs haines mêmes ont tant de justice et de générosité! Non, il ne faut

phis songer à vaincre des hommes à qui la liberté a déjà donné des vertus si grandes et si nouvelles!......

» Nous, membres du comité de salut public, nous prenons acte, en présence du genre humain et des siècles, de la proposition que nous venons de vous faire! Représentans de la nation, prenez acte, en présence des nations et du siècle, que vous avez sauvé la France !

>> Dans trois jours la Constitution va paraître, et, quelques jours encore, les républicains de tous les départemens vienment fraterniser avec nous, jurer sur l'autel de la patrie l'unité et l'indivisibilité de la République! »

Le décret proposé par Barrère portait : 1° Tous comités révolutionnaires sont supprimés; 2° les autorités ne devront pas les reconnaître, et les citoyens obéir à leurs réquisitions; 3o la Convention nationale, lorsqu'elle le croira nécessaire, requerra directement la force armée; 4° demain les sections de Paris assemblées nommeront un commandant général; 5° le signataire de l'ordre d'arrêter le service habituel des postes sera puni de huit années de fers; 6o il sera envoyé aux départemens dont les députés sont détenus un nombre égal d'otages pris dans le sein de la Convention.

Le rapport avait fait une vive impression sur l'Assemblée. Lecture faite du projet, tout le côté droit se lève pour en voter l'adoption : ce mouvement est aussitôt comprimé par la gauche, et la discussion remise à deux jours. Le 8 même empressement de la droite; mais la plupart des montagnards s'étaient inscrits contre le projet, dans lequel ils voyaient la continuation des troubles, des divisions, un retour indigne des législateurs, une ingratitude profonde pour les autorités et les citoyens de Paris, enfin l'organisation complète d'une affreuse réaction. Barrère retira le projet en disant : l'histoire et la postérité le jugeront! Et le 13 juin, sur la proposition de Danton, la Convention rendit ce décret solennel :

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La Convention nationale déclare que dans les journées des 31 mai, 1er et 2 juin, les citoyens de Paris ont puissamment

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