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Barbaroux,

Membre de la Convention, né à Marseille, mort (quillotine) en Juir) 1814

» Je me déclare volontairement suspendu de mes fonctions. Si je sentais ma détermination influencée par le mouvement qui nous entoure, si je doutais de l'effet salutaire de mon sacrifice et de mon dévouement, ne doutez pas que je n'attendisse plutôt mille morts au poste honorable où la confiance de mes concitoyens m'a placé!

» Quelque victime que je sois des préventions les plus injustes et les plus déplorables, je vous prierai de m'accorder la parole pour vous parler non de moi, mais des moyens de salut public que je regrette chaque jour davantage de ne vous avoir point présentés plus tôt. >>>

Fauchet. « Non seulement je consens à la suspension de mes pouvoirs, mais ma vie est à la République! Les sacrifices, quels qu'ils soient, ne me coûteront jamais rien pour sauver la patrie. >>

Lanjuinais. « J'ai, je crois, jusqu'à ce moment montré quelque courage et quelque énergie; n'attendez donc de moi ni suspension ni démission !,... (Rumeurs. L'orateur arréte un moment ses regards sur ceux qui l'ont interrompu.) Sachez qu'une victime ornée de fleurs, et qu'on traîne à l'autel, n'est pas insultée par le prêtre qui l'immole!... On parle du sacrifice de mes pouvoirs! Quel abus de mots! Les sacrifices doivent être libres, et vous ne l'êtes pas! La Convention est assiégée; des canons sont braqués contre ce palais; il est défendu de se mettre à la fenêtre; on ne peut sortir; les fusils sont chargés, Je vous déclare donc que je ne puis émettre aucune opinion en ce moment, et je me tais. »

Barbaroux. « Si mon sang était nécessaire à l'affermissement de la liberté je demanderais qu'il fût verse; si le sacrifice de mon honneur était nécessaire à la même cause je dirais: enlevez-le moi; la postérité me jugera! Enfin, si la Convention croit la suspension de mes pouvoirs nécessaire, j'obéirai à son décret. Mais comment de moi-même déposer des pouvoirs dont j'ai été investi par le peuple? Comment puis-je croire que je suis suspect quand je reçois de mon département et de trente autres, et de plus de cent sociétés populaires, des témoignages de confiance, des témoignages consolateurs de l'amertume dont je suis abreuvé chaque jour ici! Non! n'attendez de moi aucune démission! J'ai juré de mourir à mon poste; je tiendrai mon serment!»

Dussaulx. « J'offre ma démission. »

Marat. « Je désapprouve la mesure proposée par le comité, en ce qu'il donne à des accusés de conspiration les honneurs du dévouement. Il faut être pur pour offrir des sacrifices à la patrie! C'est à moi, vrai martyr de la liberté, à me dévouer! J'offre donc ma suspension du moment où vous aurez ordonné la détention des contre-révolutionnaires, en ajoutant à la liste Fermont et Valazé, qui n'y sont pas, et rayant Ducos, Lanthenas et Dussaulx, qui n'y doivent pas être.

» J'ai déjà témoigné aux pétitionnaires mon étonnement d'avoir vu sur leur liste Dussaulx, vieillard radoteur, incapable d'être chef de parti; Lanthenas, pauvre d'esprit qui ne mérite pas qu'on songe à lui; et Ducos, qui, n'ayant eu que quelques opinions erronées, dont on ne saurait lui faire un crime, ne peut pas être regardé comme un chef contre- révolutionnaire. Je demande qu'on se borne à poursuivre les complices de Dumourier, les calomniateurs de Paris et de la montagne. »

Billaud-Varennes. « Pour être juste il ne faut point excéder ses pouvoirs; or la Convention n'a pas le droit de provoquer la suspension d'aucun de ses membres. S'ils sont coupables il faut les renvoyer devant les tribunaux; s'ils sont innocens il faut se taire sur des mesures toujours dangereuses à provoquer. Je demande donc la question préalable sur le projet de décret proposé par Barrère, et le décret d'accusation par appel nominal motivé contre les trente membres dont il s'agit. >>>

En ce moment un grand bruit se fait entendre aux portes de la salle; Lacroix se précipite à la tribune: - Nous avons juré de vivre libres ou de mourir, s'écrie-t-il; il faut savoir mourir, mais il faut mourir libres! - Lacroix dénonce des attentats à la liberté des représentans du peuple: il a voulu sortir; des hommes armés lui ont refusé le passage. D'autres membres font les mêmes déclarations. Deux soldats ont tenté d'arrêter Duperret: la Convention décrète qu'ils seront mandés à la barre. On cherche ces deux hommes; ils ont disparu. - Quel que soit l'auteur du crime qui a été commis, dit Grégoire, il doit être puni, et puni rigoureusement. Je demande que la Convention fasse venir l'officier commandant la force arinée, que l'on sache de lui qui a donné l'ordre, et, quand le coupable sera connu, qu'il soit puni sur le champ du supplice du tyran! La Convention mande le chef de la force armée.

Barrère. « Ce n'est point à des esclaves à faire des lois : la France désavouerait celles émanées d'une assemblée asservie! Comment vos lois seraient-elles respectées, si vous ne les faisiez qu'entourés de baïonnettes ? Nous sommes en danger, car des tyrans nouveaux veillent sur nous; leur consigue nous entoure, et la représentation nationale est prête à être asservie par elle ! Cette tyrannie est dans le comité révolutionnaire de la commune; et le conseil général, s'il ne prend de promptes mesures pour prévenir ces violences, mériterait de graves reproches : ce comité renferme dans son sein des membres du moral de qui je ne voudrais pas répondre.

» Le mouvement dont nous sommes environnés appartient à Londres, à Madrid, à Berlin!

» Un des membres du comité révolutionnaire, nommé Gusman, m'était connu pour être espagnol. J'ai demandé au maire de Paris comment un Espagnol pouvait avoir obtenu un caractère de représentation dans la ville de Paris : le maire m'a promis de prendre sur ce fait les informations nécessaires, et Gusman n'a pas reparu au comité.

• Peuple, on vous trahit, on vous abuse! Un prince anglais occupe le camp de Famars, et ses émissaires sont au milieu de vous! Peuple, vous voulez la liberté; vous l'aurez! Mais nous courons des dangers: en ce moment, sous nos yeux, on distribue aux bataillons qui vous entourent des assignats de 5 livres. Ils sont bien coupables ceux-là qui ont retenu les bataillons qui devaient partir pour la Vendée, sous le prétexte qu'ils n'avaient point d'armes, tandis qu'on en trouverait peut-être tant pour nous ôter notre liberté !

>> Représentans du peuple, ordonnez votre liberté ! Suspendez votre séance! Faites baisser devant vous les baïonnettes qui vous entourent! Il faut que la tête de l'audacieux qui oserait attenter à la liberté des représentans du peuple tombe, afin d'apprendre par cet exemple terrible, à ceux qui voudraient l'imiter, qu'il faut que tout fléchisse devant la volonté nationale!»

Plusieurs chefs de légion paraissent à la barre: aucun n'a donné la consigne qui fait l'objet des débats; le coupable reste inconnu.

Lacroix. « Je demande que la Convention ordonne à la force armée de s'éloigner du lieu de ses séances : quoiqu'elle ne soit ici que pour vous protéger, elle ne doit pas entrer dans cette enceinte. » (Décrété. La force armée se retire.)

Barrère. « Citoyens, je le répète, prouvons que nous sonimes libres! Je demande que la Convention se rende en corps au milieu du peuple et de la force armée qui l'entourent, pour s'assurer que ses membres n'ont rien à craindre d'eux, et témoi gner aiusi sa confiance dans la loyauté des Parisiens!» (Applaudissemens unanimes.)

L'Assemblée entière se lève, et se met en marche, le président à la tête. Elle parcourt lentement et dans le plus grand ordre le jardin du palais national et le Carrousel : un peuple immense, des haies de citoyens armés la reçoivent partout avec des démonstrations de bienveillance, d'honneur et de respect, parmi cependant quelques propos inconsidérés (1). Elle rentre ainsi dans le lieu de ses délibérations, aux cris de vive la République! vive la Convention nationale!

Couthon. « Citoyens, tous les membres de la Convention doivent être maintenant rassurés sur leur liberté. Vous avez marché vers le peuple; partout vous l'avez trouvé bon, géné

(1) Expressions du procès verbal.

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