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que le président a accordé la parole à un membre il n'a pas la faculté de se faire entendre, je déclare à la France entière que la Convention nationale n'est pas libre! >>>

Levasseur. « Afin de ne pas interrompre la délibération, j'invite les députés de la montagne à passer de ce côté (cóté droit). Leur place sera bien gardée par les pétitionnaires. »

Les membres de la montagne passent à droite; le côté gauche n'est plus occupé que par les pétitionnaires et les autres citoyens. Le président met aux voix l'impression de l'adresse du département; elle est décrétée.

Dufriche-Valazé. « Je déclare, au nom des quatre cent mille hommes qui m'ont envoyé, que je proteste contre toute délibération de l'Assemblée ! »

Plusieurs membres. « Aux voix le décret de Barrère! >>> D'autres. « Nous ne sommes point libres !... Nous sommes environnés d'individus que nous ne connaissons pas!... (On rit.) L'asile des représentans du peuple est violé !... » (Murmures.)

Vergniaud. « La Convention nationale ne peut pas délibérer dans l'état où elle est. Je demande qu'elle aille se joindre à la forcearmée quiest sur la place, et se mettre sous sa protection. >>>

Vergniaud sort; plusieurs de ses collègues le suivent : les citoyens applaudissent.

Chabot. « Je demande l'appel nominal, afin de connaître les absens. » (Agitation générale.)

Robespierre. « Citoyens, ne perdons pas ce jour en vaines clameurs et en mesures insignifiantes; ce jour est peut-être le dernier où le patriotisme combattra la tyrannie! Que les fidèles représentans du peuple se réunissent pour assurer son bonheur ! >>>

»

Vergniaud rentre dans l'Assemblée. (Rumeurs.) Robespierre. « Je n'occuperai point l'Assemblée de la fuite ou du retour de ceux qui ont déserté ses séances... »

Vergniaud. « Je demande la parole...» (Murmures.)

Robespierre. « Je vous ai déjà dit que ce n'était pas par des mesures insignifiantes qu'on sauvait la patrie. Votre comité de salut public vous a fait plusieurs propositions : il en est une que j'adopte; c'est celle de la suppression de la commission des douze. Mais cette mesure a-t-elle assez d'importance pour contenter les amis inquiets de lapatrie? Non! Déjà cette commission a été supprimée, et le cours de ses trahisons n'a pas été interrompu, car le lendemain on a osé faire rapporter ce décret salutaire, et l'oppression a pesé sur la tête des patriotes. Supprimez donc cette commission; mais prenez des mesures vigoureuses contre ceux qui la composent, et à cet égard les pétitionnaires qui viennent d'être entendus vous ont indiqué la marche que vous deviez suivre.

» Quant à la force armée qu'on propose de mettre à la disposition de l'Assemblée, en rendant justice aux motifs patriotiques qui ont dicté cette mesure au comité de salut public, je dois à ma conscience de la combattre. En effet, qu'est-ce que la force armée qu'on veut mettre à la disposition de la Convention? Ce sont des citoyens armés pour défendre leur liberté. contre les scélérats qui les trahissent, etil y en a dans l'Assemblée. De quoi se composent les délibérations de la Convention? N'estce pas des individus dénoncés par les sections de Paris? Et nous avons trop d'exemples que nos délibérations ont été dirigées par ces mêmes hommes. Mais n'ai-jepas aujourd'hui même entendu faire la proposition de poursuivre les auteurs de l'insurrection qui vient d'éclater ? Il est donc ici des hommes qui voudraient punir cette insurrection! Ce serait donc une absurdité de remettre entre leurs mains la force armée. Mais les mesures proposées par le comité sont-elles les seules que vous deviez adopter ? Les pétitionnaires ne vous en ont-ils pas proposé de capables de sauver la chose publique ? Les propositions que j'ai combattues peuvent-elles empêcher l'armée d'être trahie ? Non! Il faut purger l'armée; il faut... (Vergniaud: Concluez donc! Violens murmures.)

» Oui, je vais conclure, et contre vous! contre vous, qui après la révolution du 10 août avez voulu conduire à l'échafaud ceux qui l'ont faite! contre vous, qui n'avez cessé de provoquer la destruction de Paris! contre vous, qui avez voulu sauver le

tyran! contre vous, qui avez conspiré avec Dumourier! contre vous, qui avez poursuivi avec acharnement les mêmes patriotes dont Dumourier demandait la tête ! contre vous, dont les vengeances criminelles ont provoqué ces mêmes cris d'indignation dont vous voulez faire un crime à ceux qui sont vos victimes! Hé bien, ma conclusion c'est le décret d'accusation contre tous les complices de Dumourier et contre tous ceux qui ont été désignés par les pétitionnaires.» (Les citoyens applaudissent.)

Le projet présenté par Barrère est mis en délibération, et adopté en ces termes :

« Art. 1. La force publique du département de Paris est mise jusqu'à nouvel ordre en réquisition permanente. Les autorités constituées rendront compte à la Convention nationale tous les jours des mesures qu'elles auront prises pour la sûreté des personnes et des propriétés, et le maintien de la tranquillité publique.

» 2. Le comité de salut public s'occupera, de concert avec lesdites autorités constituées, de suivre la trace des complots qui ont été dénoncés à la barre dans cette séance, et qui peuvent avoir été faits contre la sûreté de la République et de la représentation nationale.

>> 3. La commission extraordinaire des douze est supprimée. » 4. Tous les actes et papiers de cette commission seront déposés par trois de ses membres au comité de salut public, après avoir été inventoriés et paraphés en leur présence par trois commissaires de la Convention, pour le rapport en être fait dans trois jours.

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5. Il sera fait dans le jour une proclamation adressée à tous les citoyens de la République; elle sera envoyée par des courriers extraordinaires, ainsi que les décrets rendus dans cette séance, aux départemens et aux armées.

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6. Le présent sera imprimé, affiché et proclamé sur le champ par les autorités constituées de Paris. »

Lacroix. « Puisque cette séance est consacrée à réformer des abus, je demande qu'on ouvre désormais au public les tribunes où l'on ne pouvait entrer qu'avec des billets. (Décrété.)

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Ces décrets sont reçus aux acclamations des citoyens, dont le nombre s'est accru considérablement, et l'on entend répéter au dehors les cris de joie qui partent de la salle.

Bazire. «Trente à quarante mille hommes environnent en ce moment la Convention nationale; ils viennent de se réunir et de s'embrasser. Je demande que la Convention nationale lève sa séance, qu'elle aille fraterniser avec eux, et qu'improvisant une fête civique elle réalise d'avance la fédération de tous les cœurs!» (Les applaudissemens recommencent.)

Le président lève la séance. Il est dix heures du soir. PROCLAMATION de la Convention nationale sur l'événement du 31 mai. (Présentée par Barrère au nom du comité de salut public; adoptée dans la séance du 1er juin.)

« Français, un grand mouvement s'est fait dans Paris. Les ennemis de la République vont se hâter de vous le dépeindre comme un grand malheur: ils vont vous dire que le tocsin et le canon d'alarme ont pendant une nuit et un jour tenu cette ville immense dans l'épouvante; que des milliers d'hommes armés, sortis confusément de toutes les sections, se sont précipités autour de la Convention nationale, et lui ont dicté leurs volontés pour loi de la République... Français, vos représentans sont persuadés que le bonheur des empires ne peut être fondé que sur la vérité, et ils vont vous la dire tout entière.

>> Des mesures plus rigoureuses que celles qui conviennent à la liberté dans une république naissante avaient excité du mécontentement; on a cru les droits de l'homme violés; et les sections d'une ville qui s'est insurgée deux fois avec tant de gloire se sont levées encore: mais avant même de se lever elles ont mis toutes les personnes et toutes les propriétés sous la sauvegarde de tous les bons républicains. Si le tocsin et le canon d'alarme ont retenti, du moins aucun trouble, aucune terreur n'ont été répandus; le bruit des ateliers n'a point été interrompu, et le cours des affaires a été le même; toutes les sections, couvertes de leurs armes, ont marché, mais pour se déployer dans le plus grand ordre et avec respect autour des autorités constituées et des représentans du peuple. La liberté des opinions s'est encore montrée, même dans la chaleur des débats de la Convention.

>> En demandant le redressement de leurs griefs, avec quelque exagération inséparable du zèle civique, mais avec cette fierté qui caractérise l'homme libre, les pétitionnaires ont juré de mourir pour le maintien de la loi, pour l'unité et l'indivisibilité de la République, et pour la sûreté de la représentation

nationale.

»

La Convention, qu'on avait voulu alarmer jusque sur la vie de plusieurs de ses membres, a vu ces alarmes disparaître au moment même où l'agitation est devenue plus générale; et c'est au milieu de ce mouvement qu'elle a senti, qu'elle a décrété que les sections de Paris avaient bien mérité de la patrie.

>> Tandis que dans l'enceinte de la représentation nationale la réparation honorable des torts préparait la réconciliation des cœurs, au dehors tout présentait l'image non pas de la confusion et du désordre, mais celle d'un peuple énergique qui défendait ses lois et sa liberté.

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C'est ainsi que chez une nation digne d'exercer elle-même sa souveraineté les orages qui menacent la liberté la rendent plus pure et plus indestructible, et que l'ordre social se perfectionne à travers les infractions passagères qu'il reçoit.

» Français, vous ne doutez pas que dans cette occasion l'ambition, la malveillance et l'aristocratie veillaient, toujours prêtes à profiter des événemens; vous ne doutez pas que de faux patriotes, stipendiés par nos ennemis, redoublaient d'efforts pour servir leurs desseins en précipitant les bons citoyens dans des excès dangereux. Mais l'immense majorité d'un peuple fortement prononcé pour l'égalité, la liberté et la propriété, a encore une fois trompé leurs espérances et déjoué leurs projets.

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Telle a été cette journée. Elle a inspiré un instant des inquiétudes; mais tous ses résultats ont été heureux. Elle a présenté l'étonnant spectacle d'une insurrection dans laquelle la vie et les propriétés ont été aussi sûrement protégées que dans be meilleur ordre social: ainsi tous les événemens profitent à la liberté! Accélérons de concert le moment de la consolider

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