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zer, étant à portée de voix de Khoulda, ne pouvait en être guère éloigné; même en accordant aux hurlements poussés dans cette sanglante fantasia par les gosiers bédouins une extraordinaire intensité, je ne pouvais tourner autour de Khoulda que dans un rayon assez restreint.

Je me mis donc en chasse sur cette piste, et, après quelques quêtes dans ces parages, je découvris mon Gezer à moins de trois milles de Khoulda, tout près d'un village figurant dans les cartes sous le nom d'AbouChouché. J'y constatai l'emplacement d'une grande cité présentant tous les caractères d'une ville forte et répondant à toutes les conditions requises. Ce ne fut pas sans peine, du reste, que j'arrivai à la réalisation matérielle de mes calculs; le nom de ce Tell el-Djezer, conservé par tous les habitants d'Abou-Chouché qui en fait partie, était inconnu aux gens de Khoulda, leurs voisins, à qui je m'adressai tout d'abord. C'est au moment où je désespérais du succès, et où je commençais même à douter de la justesse de mes conjectures,

qu'une vieille paysanne me dit que c'était à Abou-Chouché que je devais aller chercher Tell el-Djezer.

Messieurs, entre autres reproches, on m'a fait plusieurs fois l'honneur, en France surtout, de m'accuser d'avoir la main heureuse; le hasard, à qui j'abandonne très-volontiers tout le mérite de cette trouvaille accidentelle, me réservait la bonne fortune complémentaire d'en rencontrer la confirmation la plus inespérée, une preuve unique jusqu'ici et qu'on ne possède pour aucune autre ville de la Judée, sans en excepter Jérusalem.

Quatre ans après être arrivé à cette solution, que je fus admis à exposer devant notre Académie des inscriptions et belleslettres et qui ne fut pas accueillie au dehors sans quelque incrédulité, je revenais sur ce lieu même chargé par vous d'une mission, et j'y découvrais, avec une émotion que vous comprendrez, des inscriptions bilingues, grecques et hébraïques, profondément entaillées dans le roc et marquant le périmètre hiératique, la zone

sabbatique qui enveloppait Gezer, avec son nom biblique écrit en toutes lettres et répété deux fois.

Je n'ai pas le temps d'insister sur la valeur inappréciable de ces inscriptions, dont la lecture est tenue pour indiscutable par les savants les plus autorisés de votre pays et du nôtre, et qui restent, dans leur laconisme, un des principaux monuments de l'histoire juive. Il me suffira de vous dire que trois de leurs pius grands avantages sont de nous faire connaître exactement ce qu'était le chemin sabbatique du Nouveau Testament, ódós Gx6bátoυ, d'établir ὁδός σαββάτου, d'une manière décisive position, de la cité qui constituait la dot de la femme de Salomon et la détermination des ter

ritoires limitrophes de Dan, d'Ephraïm et de Juda; enfin de fournir aux méthodes purement inductives de la topographie biblique une justification qu'elles n'avaient jamais pu invoquer, une authentification épigraphique qui fait rejaillir en général sur toutes les identifications issues du même procédé l'évi

dence exceptionnellement obtenue pour celle-ci.

Voilà donc où peut mener une simple ligne échappée au kalam d'un méchant écrivain arabe!

III

Mais ce ne sont pas seulement les textes arabes qu'il faut consulter pour faire avancer les études bibliques, c'est aussi, c'est surtout la tradition conservée par les fellahs sédentaires de la Judée. Et par là je n'entends pas de simples questions posées à des paysans abrutis et soupçonneux sur le nom de tel ou tel endroit, de ce village, de cette ruine, de cette vallée, de cette montagne, mais l'observation directe, minutieuse et méthodique de leurs mœurs, de leurs coutumes, de leurs légendes, de leurs superstitions. L'interrogation est en Palestine et parfois ailleurs — le pire des moyens pour recueillir la vérité ; l'art consiste à savoir fermer la bouche pour ouvrir les yeux et prêter l'oreille, à pro

voquer passivement les récits, à faire naître, pour ainsi dire, les révélations en s'abstenant soigneusement de demandes qui soient de nature à projeter sur ces esprits prompts à s'effaroucher, faciles à obscurcir, l'ombre de ses propres idées.

L'illustre Robinson et ses successeurs ont su, en bien des cas, faire de la tradi.. tion orale, pour l'onomastique topographique, le plus heureux usage. Il ne faut pourtant pas oublier que cette source unique où l'on puise tous les jours, sans être près d'être tarie, s'amoindrit néanmoins progressivement et, chose plus grave, est souvent troublée par des suggestions intempestives qu'y laissent maladroitement choir d'imprudents chercheurs, et qu'un nouveau venu inexpérimenté est expɔsé à pêcher ensuite comme autant de souvenirs spontanés, de traditions genuines.

Si à cette cause d'erreur, qui rappelle la mésaventure d'Antoine mystifié par Cléopâtre et ramenant, au bout de sa ligne jetée dans le Nil, le poisson salé que vous savez, on ajoute celle qui dérive trop fré

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