Imágenes de páginas
PDF
EPUB

mer, plus les difficultés de ce genre de sauvetage grandiront,

Dans ces conditions, l'idée qui s'impose est celle de faciliter par tous les moyens l'exode individuel de l'équipage, par l'issue la plus voisine de chaque homme, dans des conditions telles qu'il soit ramené à la surface comme un bouchon lâché au fond de l'eau, et dans des conditions hygiéniques évitant l'asphyxie ou la mort par décompression brusque des vaisseaux sanguins.

L'un des systèmes qui semblent les plus pratiques consiste dans l'emploi d'un casque respiratoire dont chaque homme se revêt, et qui lui permet de remonter au jour, comme nous allons l'expliquer. Ce casque, réglementaire dans la marine anglaise, est en réalité d'invention française, comme l'ont fait remarquer plusieurs savants quand on l'a présenté à l'Académie des Sciences, en juin 1910. Les docteurs Desgrez et Balthazard ayant étudié la régénération de l'air confiné par le bioxyde de sodium, en vue de faciliter la respiration des scaphandriers, avaient établi, il y a quelques années déjà, un vêtement de scaphandrier qui a servi de prototype à celui dont nous allons parler. C'est un produit inventé par M. Jaubert, l'oxylithe (mélange de peroxydes de sodium et de potassium), qui sert ici à donner aux marins de l'air respirable, en fournissant de l'oxygène à l'air vicié contenu dans leur casque cet oxygène se dégage de l'oxylithe sous l'effet de l'acide carbonique exhalé par la respiration.

L'appareil comprend deux parties: 1° un vêtement à manches, en tissu caoutchouté parfaitement imperméable, descendant jusqu'à la ceinture autour de laquelle il se serre, et complété par un casque métallique très léger, revêtu de tissu caoutchouté; 2° un appareil purificateur d'air, garni d'oxylithe, et disposé à l'intérieur du vêtement sur la poitrine de l'homme; cet appareil lui permet de respirer pendant une heure dans une enceinte close.

L'appareil constitue donc une sorte de scaphandre indépendant de toute source extérieure d'oxygène il permet à l'homme, non seulement de respirer, mais de remonter à la surface, comme un bouchon, grâce au pouvoir ascensionnel de cette espèce de flotteur.

Chaque homme de l'équipage possédant un tel casque, qu'il

revêt à la première alerte, on peut, en cas de sinistre, ouvrir le capot quand tout le monde est prêt, et par cette issue, chaque homme passe successivement pour remonter à la surface; il peut d'ailleurs, en attendant les secours, insuffler de l'air avec sa bouche dans la double enveloppe étanche de son vêtement, de façon à flotter plus aisément, et dans ces conditions il peut aussi ouvrir la fenêtre vitrée dont le casque est muni, pour respirer à l'air libre.

Les submersibles anglais possèdent des centaines de ces casques, et les équipages sont habitués à s'en servir, notamment à Portsmouth, par des essais de sauvetage effectués dans des bassins, à faible profondeur, ou, pour les novices, dans une grande cuve pleine d'eau dont les parois métalliques portent des hublots tels qu'on puisse, du dehors, suivre les évolutions des matelots. Depuis 1910, une cinquantaine de ces casques ont été mis en service dans la marine française et on peut en espérer d'excellents résultats. Il reste toutefois un point délicat à résoudre les hommes remontant brusquement de profondeurs notables courraient un sérieux danger, du fait de la rapide décompression de leurs organes (analogue à celle des ouvriers qui travaillent dans les caissons à air comprimé).

On cherche actuellement, en France surtout, à obtenir mieux encore que tous les moyens de sauvetage indiqués plus haut. C'est qu'un généreux anonyme a mis à la disposition du Ministre de la Marine un prix de 100.000 francs qui doit récompenser l'inventeur d'un dispositif répondant aux conditions du concours actuellement ouvert à cet effet (Journal officiel du 8 décembre 1910). Il nous paraît utile d'en rappeler ici au moins les conditions principales:

CONDITIONS A RÉALISER. Le procédé de sauvetage pourra être, soit collectif, soit individuel. Dans le premier cas, la totalité du personnel doit avoir les moyens de gagner la surface et de s'y maintenir dans un appareil pouvant être détaché, en immersion,de la coque principale. Dans le second cas, chaque homme doit être à même de remonter à la surface et de s'y maintenir.

La manœuvre entière de sauvetage doit être accomplie par les sinistrés seuls, le sous-marin étant coulé à une profondeur de 40 mètres.

La remontée en surface ne doit pas être pratiquée avec une vitesse supérieure à 2 mètres à la minute.

Les appareils devront être établis : soit pour un sous-marin de 400 ton

nes, avec 26 hommes, soit pour un sous-marin de 700 tonnes, avec 40 hommes.

Appareils de sauvetage collectifs.

[ocr errors]

L'emploi de ces appareils ne doit pas entraîner de réduction notable de la vitesse, de l'armement, de la solidité, de l'habitabilité.

La visite et l'entretien des organes de déclenchement doivent être faciles. Le fonctionnement de l'appareil doit être assuré pour des inclinaisons transversales et longitudinales pouvant atteindre chacune 45 degrés.

L'appareil doit être établi de façon à donner au personnel un cube d'air suffisant pour assurer sa respiration pendant la durée des opérations de sauvetage.

Appareils de sauvetage individuels.

L'étude de ces appareils devra être faite en supposant que le personnel valide est rassemblé à une des extrémités du sous-marin dans un compartiment clos. Les appareils doivent permettre de respirer sous l'eau et d'effectuer un travail correspondant à la série des opérations nécessitées par le sauvetage, pendant une durée minimum de deux heures, sans risque d'asphyxie. Ils doivent pouvoir être endossés rapidement, par les seuls moyens de l'intéressé, soit à sec, soit dans l'eau, permettre la vision et réserver les mouvements des bras et des jambes. Leur disposition doit être telle que les hommes puissent se maintenir, la tête surélevée par rapport au reste du corps, sous l'eau ou en surface.

Ils doivent pouvoir se conserver facilement emmaganisés à bord et être suffisamment robustes. Ils doivent être à l'abri du danger d'explosion par suite d'une rentrée d'eau anormale.

Toute installation de sauvetage présentée doit comprendre, non seulement l'appareil permettant la respiration sous l'eau, mais encore tous les dispositifs accessoires nécessités par la série complète des opérations à effectuer depuis l'accident jusqu'à l'arrivée en surface.

Les essais se feront avec le concours de l'administration de la marine, devant une Commission de trois officiers de marine, deux ingénieurs de la marine, et deux médecins.

Il n'est pas douteux que l'ingéniosité des inventeurs, ainsi stimulée, vaincra enfin les obstacles nombreux et souvent contradictoires qui rendent si complexe le problème du sauvetage intégral d'un submersible coulé : l'équipage avant tout, le bateau ensuite. En attendant ces moyens nouveaux, nos marins de tout grade continuent quotidiennement leurs périlleux exercices, et pour n'en citer qu'un exemple, le lendemain de la perte du Vendémiaire, les autres submersibles de Cherbourg reprenaient la mer sans hésitation.

A. DES CHAUMES,

Ingénieur des Arts et Manufactures.

VARIÉTÉS

JEAN-JACQUES ROUSSEAU (1)

La France vient de célébrer le bicentenaire de Rousseau et d'inaugurer solennellement, dans la nef du Panthéon, le monument funéraire consacré à l'auteur de l'Emile. C'est M. Joseph Fabre qui fut jadis au Sénat le rapporteur du projet relatif à ce monument et le défendit éloquemment à la tribune contre les attaques de la droite. A ce double titre, il était qualifié pour dire son mot sur Jean-Jacques Rousseau.

Le livre qu'il vient de lui consacrer est comme un écho de son grand ouvrage sur les Pères de la Révolution, de Bayle à Condorcet.

Dans cette substantielle étude, l'illustre Génevois revit «< sous ses deux faces d'ennemi et de réformateur de la civilisation ».

Tout en admirant son génie, M. Fabre ne lui fait grâce d'aucune critique il flétrit ses tares et plusieurs de ses actes. Il relève ses erreurs sur l'omnipotence du peuple, sur le droit de propriété, sur la liberté de conscience; il recherche avec pénétration les causes psychologiques des paradoxes de sa doctrine et des fautes de sa vie.

En même temps, il défend Rousseau contre des accusations injustes, notamment dans les intéressants chapitres intitulés : Rousseau adversaire du terrorisme; Les vrais et les faux plébiscites ; Les vues pratiques de Rousseau; Rousseau et la question sociale; et il montre en lui, en l'opposant à Voltaire, le principal inspirateur de la Révolution.

On remarquera, outre les rapprochements entre Rousseau et les grands éducateurs suisses, des pages curieuses sur un plan d'édu

(1) Jean-Jacques Rousseau, par JOSEPH FABRE. In-16, 252 p. Paris, Alcan, 1912. Prix: 2 francs.

cation tracé par Rousseau avant qu'il entreprît l'Emile. Ce plan a été récemment retrouvé dans les papiers de la famille Dupin. On s'intéressera aux efforts de M. Fabre pour reconstituer dans ses grandes lignes le traité de Rousseau sur les associations fédé rales, dont le comte d'Antraigues a avoué qu'il brûla le manuscrit. On constatera que, dans le parallèle entre Montesquieu et Rousseau, M. Fabre oppose le vrai Montesquieu au Montesquieu de convention et nous révèle en lui un socialiste non moins hardi que Rousseau. On sera frappé de la multiplicité des détails établissant que Rousseau fut le maître de Kant dans les questions morales et religieuses. Enfin, on reconnaîtra l'actualité des études de M. Fabre, sur la polémique de Rousseau contre les religions existantes, sur son théisme moral et sur son épuration du christianisme.

A propos de la femme telle que la comprend Rousseau, M. Fabre a traité amplement la question féministe, de même qu'ailleurs il a été amené à examiner le problème de la désertion des campagnes. Inutile de dire que l'auteur des Confessions est aussi envisagé comme père de l'individualisme littéraire et du romantisme.

Ce livre, de lecture facile et attachante, est animé d'un beau souffle philosophique et littéraire. On y retrouvera les qualités qui ont fait la réputation de l'auteur sincérité d'une pensée toujours haute, vivacité et noblesse des sentiments, style vivant et imagé.

Pour donner une idée de la manière de l'auteur, citons ce court parallèle de Rousseau et de Voltaire.

«Voltaire eut, comme Rousseau, son apothéose. Ses vivants écrits étaient dans toutes les mémoires. C'est lui que les hommes de la Révolution mettaient immédiatement après Rousseau. Ils préconisaient dans ces deux génies les deux évangélistes de la pensée. Il était juste que la postérité réconciliât dans une commune admiration ces deux hommes qui, de leur vivant, furent ennemis et pourtant se complètent. L'optimiste de Rousseau et le pessimisme de Voltaire se tempèrent utilement l'un l'autre. Tantôt la verve enflammée de Rousseau supplée aux tiédeurs du scepticisme de Voltaire, tantôt le lumineux bon sens de Voltaire sert de correctif aux fumeuses déclamations de Rousseau. Voltaire apprend aux démocrates à être libéraux Rousseau apprend aux libéraux à être démocrates.

«Ne nous étonnons pas si les admirateurs de la théocratie et de la féodalité, tels que Joseph de Maistre et Auguste Comte, ont jeté la pierre à ces deux philosophes. Dans les cénacles de la

« AnteriorContinuar »