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sauvetage d'un type nouveau, le Vulkan, tenant à la fois du dock flottant par sa double coque et ses treuils de levage, et du navire par la forme de chaque coque et la présence d'hélices lui permettant de se mouvoir par ses propres moyens.

Les deux coques jumelles et parallèles sont solidarisées par une charpente surélevée au-dessus de leurs ponts, laquelle porte les treuils; l'ensemble constitue une sorte de fer à cheval qui vient se placer au-dessus de l'épave, de façon que celle-ci soit entre les deux coques; puis on doit l'amarrer et la soulever avec des treuils (1) hors de l'eau, ce que ne permettent de faire ni les docks flottants ordinaires à cause de leur fond, ni les simples chalands auxquels on dut attacher le Pluviôse. Ajoutons que, l'épave une fois hors de l'eau, on se hâte de passer sous elle de fortes pièces de charpente s'appuyant sur des rebords de chaque coque, de façon à la supporter indépendamment des câbles de relevage, et à en faciliter l'accès pour les travaux de sauvetage et de réparation.

Chaque coque est munie d'une machine à vapeur, avec sa chaudière, et d'une dynamo électrique qui commande un moteur de même nature; celui-ci est monté sur l'arbre de l'hélice correspondante. La commande de toute la machinerie se fait à partir d'une cabine située sur le portique des treuils, et permet toutes les combinaisons de vitesse et de sens de marche pour les deux hélices. En outre, le navire est naturellement pourvu de tout ce qui peut servir au renflouement d'un sousmarin.

L'Allemagne avait donc, en réserve à Kiel, son Vulkan, que tout le monde admirait, et qu'aucun pays, d'ailleurs, ne se hâtait d'imiter; mais les douze submersibles de la marine' allemande ne lui donnaient aucun travail, et depuis environ trois ans, on attendait sans le désirer qu'il fit ses preuves dans des conditions décisives. Ce jour arriva le 16 janvier

(1) Il convient de remarquer que les sous-marins allemands actuels sont de tonnage moyen, environ 500 tonnes; les difficultés du relevage d'une épave seraient bien plus grandes avec les submersibles récents, tels que le Mariotte et l'Archimède français, dont le déplacement en plongéé atteint 900 tonnes, sans parler des Gustave Zédé et analogues, actuellement en construction, qui dépassent tous leurs devanciers. Aussi la marine allemande a-t-elle adopté récemment un type de dock flottant plus robuste, dont nous parlerons plus loin.

1910, quand le submersible Us, manœuvrant dans les environs de Kiel, fut tout à coup aperçu dans une position critique, dressé verticalement et sombrant par l'arrière, à la suite d'une introduction d'eau (mauvaise étanchéité d'une fermeture). Le croiseur Augsbourg lui porta secours aussitôt ; il parla à l'équipage par la bouée téléphonique, télégraphia (sans fil) à Kiel, qui envoya d'abord des torpilleurs avec des scaphandriers, puis une grue flottante, et enfin le Vulkan (qu'on avait dû remorquer, ses machines étant en réparations). Comme la grue flottante opérait déjà quand le Vulkan arriva, on le garda en attente. La grue put soulever l'avant du sous-marin jusqu'à dégager le tube lance-torpille, et 27 hommes furent sortis par cette issue; mais les deux officiers et le timonier restaient enfermés dans la tourelle centrale. La grue ne pouvant plus rendre de services, le Vulkan fut utilisé; néanmoins, le submersible ne put être dégagé complètement que le lendemain, et les trois hommes étaient morts !

Ainsi, dans des conditions relativement faciles, avec des moyens puissants et dont on disposait sans délai, le sauvetage de l'U, n'a pas été complet; le Vulkan aurait peut-être pu mieux faire s'il avait travaillé dès le début, mais il semble décidément douteux que les engins de ce genre puissent assurer la sécurité des équipages.

C'est cependant de ce côté que les administrations ont cherché à perfectionner leur outillage, aussi bien en France qu'en Angleterre et en Autriche. Depuis plusieurs années déjà, la marine anglaise dispose d'un ponton de 800 tonnes, long de 35 mètres, et muni d'un outillage approprié : quatre treuils à vapeur, des pompes, un compresseur d'air, des projecteurs électriques, etc. Ce ponton n'a pas d'appareil propulseur et doit être remorqué en cas de besoin.

Il n'en est pas de même de la grue-ponton à vapeur que la marine autrichienne a fait construire l'année dernière pour l'arsenal du port de Pola, sur l'Adriatique. Ce puissant engin est conçu, fort ingénieusement, à double fin: habituellement, il sert à la manutention des grosses pièces, canons, chaudières, etc., et il est agencé, d'autre part, de façon à soulever aussi rapidement que possible un bateau coulé. L'Autriche

possédant un petit nombre de sous-marins, il aurait été inutilement onéreux de construire un appareil uniquement destiné aux secours, en vue d'un accident qui peut-être n'arrivera que dans bien des années.

La grue-ponton de Pola possède une charpente en acier fort élevée, sur laquelle circulent deux treuils à vapeur de 120 tonnes chacun; suivant les cas, on pourrait les atteler tous deux sur le même point de l'épave, ou bien la saisir par chaque extrémité avec un treuil. Des moteurs à vapeur, distincts de celui des treuils de levage, actionnent deux hélices de propulsion, des cabestans pour les manœuvres de halage et d'ancrage, etc.

La marine allemande, sur ces entrefaites, a fait construire pour le port de Kiel un second engin de relevage, un dock flottant fort différent du Vulkan, et sans doute notablement moins coûteux, car les deux coques de navire accouplées qui forment la base de celui-ci, ont dù être construites très solidement et par conséquent coûter fort cher.

Le nouveau dock, au contraire, se compose simplement de deux vastes caissons rectangulaires qui flottent à un niveau variable suivant le lest d'eau qu'on y introduit; ils sont entretoisés, à leur partie supérieure, par une forte charpente qui porte les treuils et leurs moteurs, ainsi que les passerelles de service; la partie inférieure des caissons, au contraire, ne porte aucune charpente de liaison, ce qui se comprend immédiatement, puisque le dock doit venir se placer au-dessus de l'épave, comme le Vulkan, et la soulever entre ses caissons. Ce dock, de 800 tonnes, a déjà permis de relever un navire marchand qui avait coulé dans le canal de Kiel.

La marine française, enfin, à la suite de l'accident de Calais, s'est engagée dans la même voie en commandant, pour le port de Toulon, un dock flottant assez analogue à celui de Kiel. Cet engin, construit par la Société des Chantiers de la Loire, a été lancé à Saint-Nazaire le 22 septembre 1911, et il est à Toulon depuis le printemps dernier. Il représente, en somme, un intermédiaire entre le Vulkan et le dock à caissons de Kiel, car il a, comme le premier, deux coques à étra

ves et une charpente d'entretoisement surélevée au-dessus de ces coques; d'autre part, il n'a pas de moyens de propulsion et ses treuils sont nombreux (10), comme c'est le cas pour le dock de Kiel, avec lequel il a, en somme, plus de points communs qu'avec le Vulkan. Ajoutons que sa longueur est de 98 mètres, et qu'il peut soulever 1.000 tonnes; son tirant d'eau varie de 2 m. 50 à 3 m. 50 environ. C'est incontestablement un appareil qui fait honneur à l'industrie française.

Cependant, d'autres systèmes ont été proposés. L'un d'eux, fort intéressant en principe, consiste simplement à utiliser l'électro-aimant comme moyen de levage. On sait que, dans les grandes usines métallurgiques, les grues sont souvent munies maintenant (au lieu de crochets et d'élingues supportant les pièces métalliques à transporter), d'énormes électroaimants dans lesquels passe un courant puissant leur attraction sur le métal est alors assez forte pour suffire à enlever des charges considérables. Cette combinaison simplifie singulièrement les manœuvres : l'électro-aimant, posé sur la pièce, la happe en quelque sorte aussitôt qu'on y lance le courant, et la laisse tomber dès qu'on coupe le courant; deux mouvements d'une manette dispensent de tout le travail d'accrochage et de décrochage qui exige une main-d'œuvre de plus en plus coûteuse. L'intérêt du système est plus grand encore quand il s'agit d'enlever des ferrailles, des objets sans forme définie qu'on ne peut enlever avec un crochet qu'en les mettant dans un récipient : ici, sous l'action du courant, tout le paquet se colle à l'électro comme les parcelles de limaille de fer qu'un enfant s'amuse à ramasser au bout d'un aimant. On conçoit donc qu'avec des électro-aimants à surface concave, au besoin articulée et capable de se mouler sur la coque, on éviterait en grande partie ce travail si pénible, si long, si dangereux même, de l'amarrage de l'épave au moyen de chaînes.

On a préconisé, d'autre part, le renflouement au moyen de l'air comprimé, et si (à notre connaissance du moins) l'emploi des électro-aimants n'a pas été expérimenté, celui de l'air

comprimé a fait l'objet, à Cherbourg, d'essais intéressants. Dans une première série, en février 1910, on s'est servi du petit submersible Narval (200 tonnes seulement), qu'on avait coulé dans le port: des scaphandriers adaptèrent à sa coque des tubulures reliées à de fortes pompes-compresseurs d'air, installées sur d'autres submersibles de la division de Cherbourg (ce sont les pompes qui servent à chasser l'eau des water-ballasts, et à charger les réservoirs à air des torpilles). L'air refoulé par ces pompes refoulait l'eau de la coque du Narval et, par conséquent, la délestait considérablement, facilitant beaucoup le relevage par des chaînes suspendues à des pontons. Mais ce procédé suppose que l'air comprimé ne s'échappe pas lui-même par des brèches de la coque et du compartiment du navire sans expulser l'eau : il est à craindre que précisément ce soit un cas fréquent, les abordages par exemple devant le plus souvent déchirer le dessus de la coque et non le dessous.

Aussi paraît-il préférable d'étudier le système Surcouf, expérimenté également à Cherbourg, en avril dernier, sur des chalands et caissons coulés en rade. Il consiste à amarrer à l'épave quelques ballons de 4 à 5 mètres de diamètre, dont l'enveloppe robuste est entourée d'un filet en fils d'acier auquel s'attachent des câbles de relevage; ces ballons, immergés et gonflés à l'air comprimé, jouent le rôle d'un dock flottant dont on a épuisé l'eau des water-ballasts, et soulèvent l'épave sous la poussée de l'eau extérieure. La commodité d'emploi résulte de la légèreté et de la facilité de transport de ces ballons, dont il faudrait, à dire vrai, un nombre assez élevé pour soulever un grand submersible; quand à l'air comprimé, il peut être emprunté, soit à un submersible, soit à un compresseur monté sur le navire de secours qui serait chargé du matériel des ballons, câbles et autres engins.

Tous ces procédés, il faut bien le reconnaître, ne sont pas de nature à assurer promptement et avec peu de risques, la délivrance de l'équipage; et plus les submersibles prendront une importance comparable à celle des torpilleurs de haute

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