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Aussi bien le principe même de l'emprunt n'a-t-il pas été contesté. Aucune objection sérieuse non plus ne s'est produite quant à son chiffre qui, dans un projet établi l'an dernier par M. le gouverneur général Sarraut, avait été fixé à 200 millions et que le Gouvernement, désireux de proportionner l'effort à faire aux ressources financières et aux moyens d'exécution techniques dont dispose la colonie, a, d'accord d'ailleurs avec M. Sarraut luimême, très sagement réduit à 90 millions. La Chambre a également admis sans discussion la garantie de l'Etat pour l'emprunt projeté, garantie dont le bénéfice avait été, par une anomalie inexplicable, refusé à l'Indo-Chine pour son emprunt de 1898, alors que toutes nos autres colonies se l'étaient vu accorder pour ceux qu'elles ont contractés. Enfin, et comme le lui proposait le Gouvernement, elle a, par une réduction de 3.650.000 francs sur le chiffre de la contribution de l'Indo-Chine aux dépenses militaires effectuées pour elle, créé les disponibilités nécessaires en vue du service des annuités de l'emprunt, qui dès lors n'entraînera pour la colonie aucune charge nouvelle. Cette réduction ne constitue pas d'ailleurs un cadeau de la métropole à notre possession asiatique; elle est simplement un acte de justice envers l'Indo-Chine dont, contre toute équité, on avait continué à exiger la même contribution au titre des dépenses militaires, bien que les effectifs stationnés sur son territoire eussent été sensiblement réduits depuis plusieurs années. Ajoutons que, malgré cet allègement des charges, l'Indo-Chine se trouvera encore, à ce point de vue, moins bien traitée que nos autres colonies et notamment que Madagascar et l'Afrique Occidentale française, qui ne contribuent aux dépenses militaires qu'elles occasionnent à la métropole que dans une proportion beaucoup moindre.

Mais si les lignes générales du projet n'ont soulevé aucune discussion, il n'en a pas été de même de l'affectation des fonds à provenir de l'emprunt. M. Paris, député de la Cochinchine a vivement insisté pour obtenir le rétablissement de la construction du chemin de fer de Mytho à Cantho, qui intéresse spécialement celle nos possessions indo-chinoises qu'il représente, au programme des travaux à entreprendre. Il a, sur d'autres points, critiqué ce programme et notamment demandé qu'une prévision y fût inscrite pour la mise en état et le prolongement de la voie ferréc destinée à permettre l'accès du plateau du Lang Bian, où l'établissement d'un sanatorium avait été décidé naguère par M. Doumer. Tous ses efforts se sont heurtés à l'opposition irréductible de la Commission des affaires extérieures et coloniales et de la commission

du budget qui, d'accord avec le Gouvernement, se sont refusés à toute modification d'un programme laborieusement échafaudé, avec la préoccupation de subordonner les intérêts particuliers à l'intérêt général et de donner le pas aux entreprises les plus immédiatement urgentes sur celles qui pourraient, sans inconvénient majeur, être ajournées à des temps meilleurs.

Ce programme prévoit une dépense de 22.600.000 francs pour l'achèvement des lignes de chemin de fer comprises au projet d'emprunt de 1898 qui sont actuellement en cours de construction. Les travaux d'irrigation, dont l'utilité n'est plus à démontrer et à l'exécution desquels les populations indigènes attachent un prix particulier, reçoivent une dotation de 19.100.000 francs, répartie entre le Moyen-Tonkin et l'Annam. Une somme de 9.500.000 fr. est affectée à la construction de routes, savoir en Cochinchine, pour la mise en valeur des terres à caoutchouc ; au Tonkin, pour l'exploitation des richesses minérales de la haute région; en Annam et au Laos pour la mise en communication du Mékhong avec la côte. Au chapitre Chemins de fer nouveaux, est inscrite une prévision de 28.300.000 francs, destinée à permettre, d'une part, le prolongement de la ligne de Lang-Son jusqu'à Na cham Dang, en vue de faciliter l'écoulement des produits miniers de la province de Caobang, et, d'autre part, la continuation du Transindo-chinois, dans sa partie septentrionale, entre Dong-Ha et Vinh, dans le double but d'améliorer le rendement des sections déjà construites et d'arracher à leur isolement les populations d'une fraction importante du Nord-Annam, actuellement privées de toute communication avec l'extérieur. Les installations scolaires et les installations sanitaires se partagent, à raison de 1.500.000 pour les premières et de 2.000.000 pour les secondes, une somme de 3.500.000 francs. Enfin, une somme de 600.000 fr. est prévue pour l'installation d'un poste central de télégraphie sans fil à Saïgon.

Tel quel, ce programme est loin d'épuiser la liste des travaux qui s'imposeraient pour donner satisfaction complète aux besoins de l'Indo-Chine. Mais, encore une fois, les ressources dont elle dispose actuellement ne permettaient pas de faire davantage et on a dû aller au plus pressé. La Chambre l'a compris et a résisté à la tentation de toucher en quoi que ce soit au projet sur lequel ses commissions compétentes et le Gouvernement s'étaient, non sans peine, mis d'accord. Il faut souhaiter que le Sénat suive cet exemple et, par désir du mieux, ne retarde pas une solution impatiemment attendue, et depuis trop longtemps, par nos compa

triotes et par les populations indigènes de l'Indo-Chine. Aussi bien le projet actuel n'est, si on peut ainsi parler, qu'une pierre d'attente. Si l'on ne peut qu'approuver la prudence dont le Ministre des Colonies a fait preuve en limitant à 90 millions le chiffre de l'emprunt, il n'est pas interdit d'espérer que la situation financière de l'Indo-Chine qui, en dépit de tout ce qu'on a dit et écrit, reste bonne et ne cesserait de l'être que si une politique fiscale aventureuse venait, sous prétexte de réformes, remettre en question l'équilibre du budget général, laissera à brève échéance apparaître des disponibilités qui permettront, sans désemparer, de passer à l'exécution d'un nouveau programme où trouveront naturellement place les travaux qu'on est obligé aujourd'hui d'ajour

ner.

L'expression de ce voru n'est pas d'ailleurs une fiche de consolation donnée pour la forme à ceux qui regrettent l'ajournement de ces travaux. Le projet de loi voté par la Chambre le consacre effectivement par l'affectation d'une somme de 3.400.000 francs aux études de voies ferrées, d'irrigation et autres travaux d'hydraulique, de routes et de ports. Ainsi l'exécution du programme qui vient d'être adopté et la préparation d'un nouveau programme se poursuivront parallèlement, et, le moment venu, qui sera prochain, nous en sommes convaincus, si l'on sait se garder des expériences fiscales improvisées, l'Indo-Chine se trouvera prête pour un nouvel accroissement de son outillage économique.

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La délimitation franco-allemande en Afrique équatoriale. On sait que le tracé de la nouvelle frontière entre l'Afrique équatoriale française et le Cameroun, telle qu'elle résulte du traité du 4 novembre 1911, n'avait pu être indiqué par ce traité que d'une façon générale et que les deux gouvernements étaient convenus de confier à une commission spéciale le soin de procéder sur le terrain à la détermination de cette frontière. Toutefois, il leur a paru indispensable, au préalable, de se concerter sur la manière dont cette commission devrait opérer. Une conférence où les deux pays étaient représentés s'est réunie, à cet effet, à Berne en juin et en juillet dernier. Outre la préparation technique des travaux de la mission de délimitation, elle avait à étudier la procédure de remise des territoires échangés et le statut des sociétés concessionnaires établies dans ces mêmes territoires. Grâce à la com

pétence de leurs membres et à leur esprit de conciliation, les deux délégations française et allemande ont pu arrêter dès le 18 juillet les termes d'un protocole de clôture dont le texte comprend trois projets d'arrangement portant sur les trois questions envisagées. En ce qui concerne la délimitation des territoires, il a été décidé qu'elle se ferait par sections distinctes; les commissions qui en seront chargées auront une certaine liberté d'appréciation; en cas de désaccord, elles en réfèreront à leurs gouvernements qui, au besoin, recourront à l'arbitrage de la Cour de La Haye. Il n'y aura pas de remise solennelle des territoires; elle s'effectuera par fractions et successivement, de manière à écarter les incidents et à sauvegarder le prestige des nations européennes aux yeux des indigènes. Elle ne devra pas commencer avant octobre. Restait le statut des sociétés concessionnaires. C'était le point le plus délicat à régler. Le système concessionnaire, en effet, même sous la forme simple que nous lui avons donnée au Congo français, n'existe pas au Cameroun. Aussi un certain nombre de coloniaux allemands avaient-ils réclamé, au nom de l'Acle de Berlin, la suppression immédiate, dans les nouveaux territoires, d'un mode de concession qui inquiète leurs intérêts. Après de longs débats, les deux délégations se sont mises d'accord sur un régime provisoire qui, tout en maintenant les droits acquis aux sociétés françaises, les adapte à la situation nouvelle née du traité du 4 novembre 1911. Il a été décidé, en particulier, que les sociétés qui seront désormais à cheval sur les deux colonies paieraient l'impôt à chacune de ces colonies proportionnellement à l'étendue de leur territoire. Quant à celles qui passeront entièrement sous la domination allemande, elles auront un délai d'option pour changer de nationalité, sans d'ailleurs être tenues de renoncer à la nationalité française.

Ces trois accords ont reçu l'approbation des deux gouvernements et à l'heure où nous écrivons, les commissions mixtes de délimitation, déjà rendues sur place, ont commencé leurs travaux. Nous voulons espérer que du côté allemand on y apportera l'esprit de conciliation qui a présidé aux délibérations de la conférence de Berne et que, notamment, on résistera à la pression exercée dans les milieux coloniaux de Berlin pour obtenir, sous prétexte de rectification de frontières, un nouvel agrandissement du Cameroun. Aussi bien, le recours obligatoire, en cas de différend, à l'arbitrage de la Cour de La Haye est là pour nous rassurer sur le sort réservé à ces prétentions.

Les

Le projet d'emprunt de l'Afrique équatoriale française. questions territoriales réglées entre les deux gouvernements, il restera pour la France un devoir impérieux à remplir envers la colonie à laquelle est échu le douloureux honneur de payer de l'abandon d'une partie de son territoire l'établissement de notre protectorat sur le Maroc et la consolidation de notre empire de l'Afrique du Nord. La métropole aura à mettre nos possessions du centre africain en état de vivre d'une vie normale et de tirer de ses merveilleuses richesses naturelles tout le parti qu'elles comportent. Des engagements solennels ont été pris à cet égard. Aussi bien, l'expérience que nous venons de faire démontre suffisamment que le plus sûr moyen de défendre notre domaine colonial contre les convoîtises qui le guettent est de n'en laisser aucune portion en friche. Pour cela la première condition est de le doter d'un outillage économique approprié à ses besoins. A ce point de vue, on ne le sait que trop, tout est à faire en Afrique équatoriale française, où un emprunt de 21 millions, péniblement obtenu il y a deux ans, n'a fait qu'amorcer la constitution de cet outillage. L'œuvre ainsi ébauchée doit être poursuivie.

Tel est l'objet du projet d'emprunt que M. le gouverneur général Merlin a soumis au Conseil de Gouvernement de la colonio, dans sa session de juillet dernier. Nous aurons à revenir sur ce sujet lorsque nous serons en possession du compte rendu de l'assemblée locale. Bornons-nous à mentionner pour aujourd'hui qu'il prévoit une dépense de 172 millions, dont 145 millions pour les voies ferrées : chemin de fer de Brazzaville à Pointe-Noire, 85 millions; de Ndjolé à Kandjama, 45 millions; de Bangui à Fort-Krampel (voie étroite), 15 millions; 18 millions pour l'aménagement des ports, rades et cours d'eau ; 5 millions pour les installations administratives et 4 millions pour la télégraphie sans fil et l'extension du réseau télégraphique terrestre. C'est le minimum de ce qu'exige la mise en valeur de l'Afrique équatoriale française. Nous espérons que les pouvoirs publics métropolitains ne marchanderont pas à cette colonic mutilée les moyens de le réaliser et de se relever ainsi du coup que lui ont porté les « compensations territoriales » dont elle a dû faire les frais dans l'intérêt national.

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