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told, ministre des Affaires étrangères d'Autriche-Hongrie, a pris l'initiative d'une proposition qui, si elle n'a pas jusqu'ici donné beaucoup de résultats, aura fait du moins couler beaucoup d'encre. Les représentants de l'Autriche auprès des grandes Puissances ont été chargés de consulter les Gouvernements, sur l'utilité qu'il y au rait 1° à conseiller à la Turquie l'application d'un programme progressif de décentralisation, 2° à recommander la modération et la paix aux petits Etats balkaniques.

Cette proposition autrichienne a provoqué de nombreux commentaires. Il est à remarquer que l'Autriche aime à prendre nettement l'initiative dès qu'il s'agit des affaires balkaniques. Elle entend marquer par là le vif intérêt qu'elle porte à ces questions et l'influence prépondérante qu'elle se croit à même d'exercer dans les Balkans; on s'est demandé si cette communication subite ne cachait pas quelque arrière-pensée. Rien ne permet de le supposer, pour le moment du moins .Au demeurant, l'on n'en est encore qu'aux généralités les plus vagues. A cette invitation qui ne précise rien, les divers gouvernements ont répondu par un acquiescement, aussi imprécis. Nous saurons bientôt si le gouvernement autrichien, à la suite de cette acceptation, mettra en avant un programme détaillé de réformes macédoniennes. Car il ne s'agit évidemment que de la Macédoine et de l'Albanie. Comment imposer ces réformes aux Tures sans trop s'immiscer dans leur politique intérieure et blesser leur amour-propre ? La chose n'est pas impossible, à priori. C'est une question d'opportunité, de mesure et de tact, mais elle est cependant assez difficile !

Pour le moment, avant de songer à réaliser aucune réforme en Macédoine, il faut se préoccuper d'y maintenir la paix ;il faut donner dans toutes les petites capitales des états chrétiens d'énergiques conseils de modération. C'est la chose essentielle. Souhaiter que, toutes les grandes Puissances exercent nettement leur influence dans ce sens.

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Le voyage de M. Poincaré en Russie. Les premiers jours du mois dernier, M. R. Poincaré, président du Conseil, ministre des Affaires étrangères, s'est embarqué à bord du croiseur-cuirassé Condé pour Saint-Pétersbourg. Au sortir des détroits du Danemark, le hasard voulut que le navire français rencontrât toute une division de la flotte allemande. Trois des cuirassés allemands tirèrent aussitôt la salve réglementaire en l'honneur du chef de notre gouvernement. Chose curieuse, une rencontre toute pareille se produisit au retour. Certains journaux d'outre-Rhin ne manquèrent

de souligner cette étrange coïncidence et d'en tirer quelques conclusions. Ils insinuèrent, non sans un peu de lourdeur, qu'il n'est pas très facile d'aller de France en Russie, sans trouver devant soi quelque chose de l'Allemagne, soit sur terre, soit sur eau.

M. Poincaré fut reçu par nos amis et alliés avec un éclat et une cordialité qui ont été vivement ressentis chez nous.

Il a passé une journée à Péterhoff, auprès de l'Empereur, qui a donné un déjeuner en son honneur. Il a assisté le lendemain à une imposante revue des troupes au camp de Krasnoie-Selo. Il a eu des entretiens répétés avec MM. Kokovtsof et Sazonoff, le président du Conseil et le ministre des Affaires étrangères.

A la suite de cette visite, on a communiqué cette note à la presse.

« Le Président du Conseil de la République française a eu, pendant son séjour à Saint-Pétersbourg, plusieurs longs entretiens avec le Président du Conseil et le ministre des Affaires étrangères du gouvernement impérial.

« Ces conversations ont été empreintes de la grande cordialité qui a toujours caractérisé les relations personnelles des hommes d'Etat russes et français.

« Elles ont en outre permis aux gouvernements des deux nations amies et alliées de traiter, dans un esprit de confiance absolue et de sincères amitiés, toutes les grandes questions sur lesquelles ils ont coutume non seulement d'échanger des vues, mais de concerter pratiquement leur action. «Les deux gouvernements ont constaté que l'accord est complet entre eux et que les liens qui unissent les deux nations n'ont jamais été plus solides.

«Ils ont reconnu une fois de plus que l'entente des deux pays amis et alliés, fondée sur des intérêts permanents, consacrée par des sentiments invariables et progressivement adaptée à toutes les nécessités que doit prévoir une alliance, est et demeure une garantie pour le maintien de la paix et l'équilibre européen ».

Le voyage a produit tous les résultats qu'on en pouvait attendre. Il avait été précédé de la nouvelle qu'une convention navale allait être signée entre les deux gouvernements alliés, pour compléter la convention militaire. Les modes de la collaboration qui étaient prévus pour les deux armées ne l'étaient pas encore pour les deux marines. C'est cette lacune que vient heureusement combler la convention. La chose a son importance, au moment où la Russie est en train de se donner, à coups de milliards, une très puissante marine.

M. Poincaré et les ministres russes ont eu tout le temps d'examiner les grandes questions de politique étrangère qui provoquent l'attention ou les préoccupations des deux diplomates. Et certes les sujets d'entretien ne manquent point.

Les intérêts essentiels des deux pays concordent presque partout. C'est le devoir de l'un et l'autre de ne laisser s'établir, en Europe, aucune hégémonie qui les réléguerait forcément l'un et l'autre à un rang secondaire.

La prospérité extraordinaire de la Russie, la tranquillité qui règne maintenant dans tout l'Empire ne pouvaient manquer d'impressionner grandement M. Poincaré, non plus que les efforts accomplis par les Russes pour donner le maximum de puissance à leur marine et à leur armée.

C'est là un exemple dont nous ferions sagement de tenir compte, nous Français. Cela vaudrait infiniment mieux que de ratiociner, à perte de vue sur le dispositif militaire russe en Pologne et de marquer un violent découragement à la pensée que nos alliés ne pourraient nous porter secours que le vingtième jour au lieu du seizième. Franchement, si nous ne sentons pas la force de tenir vingt jours et même trente contre l'Allemagne, il n'existe pas au monde d'alliance assez forte pour nous sortir d'embarras. Accoutumons-nous donc à compter un peu moins sur les autres et un peu plus sur nous. Consacrons plus d'argent et plus de temps à notre préparation militaire et maritime. S'il est avéré, par une expérience irrécusable, que la malheureuse loi de deux ans, votée ne l'oublions pas en pleine folie combiste, par un Parlement uniquement soucieux des intérêts les plus vils et les plus bas, si cette loi ne nous donne pas l'armée dont nous avons besoin, ayons le courage de crier la vérité au pays et de modifier partiellement cette loi. Rétablissons le service de trois ans pour la cavalerie et pour l'artillerie. Ce ne sera pas la première fois en France, que la nécessité nous aura contraints de réparer les sottises passées.

La France possède la frontière la plus vulnérable qui soit au monde, avec une capitale beaucoup trop rapprochée de cette frontière; elle possède un empire colonial qui lui a coûté des milliers de vies humaines et des milliards et qui excite, au surplus, les convoitises de plus d'un. Elle passe pour le pays le plus riche du monde et cependant elle est la nation d'Europe, sans excepter la Suisse, qui, à l'heure actuelle, dépense proportionnellement à son budget, le moins d'argent pour sa marine et son armée. Je me propose d'établir, un jour prochain, chiffres en main, cette vérité.

C'est une folie sans nom. Comme toutes les folies, celle-ci, si elle se prolonge, finira par nous coûter fort cher.

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Le Panama Bill. Une fois de plus les Etats-Unis viennent de

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traiter l'Angleterre avec une extrême désinvolture: c'est dans une affaire qui affecte considérablement les intérêts du commerce britannique, les tarifs pour le canal de Panama.

Le président Taft a signé le Panama Bill, aux termes duquel tous les navires de cabotage américains pourront passer le canal, sans avoir à payer aucun droit. Le gouvernement britannique voit là une violation flagrante d'une des clauses du traité Hay-Pauncefote qui est ainsi conçue :

<< Le canal sera librement ouvert aux navires de commerce et de guerre de toutes les nations, d'après les termes d'une entière égalité, de manière qu'il n'y ait aucun privilège pour une nation, ses citoyens ou ses sujets, en ce qui concerne les conditions ou les droits de passage ».

«Si, disent les Anglais, les caboteurs américains sont dispensés de tout droit, il est difficile d'admettre que cela ne constitue pas un énorme privilège pour les Etats-Unis. Le chargé d'affaires d'Angleterre a donc renouvelé, auprès du gouvernement américain, les protestations contre un pareil projet.

Le Président Taft, dans un message spécial au Congrès, se défend d'avance contre les critiques britanniques. Il affirme que son projet n'est nullement en contradiction avec les traités. Il ajoute que ceux qui sont d'un autre avis, ont toujours la faculté de porter leurs doléances et leur litige devant les tribunaux américains.

Seulement, les Anglais ne l'entendent pas de cette oreille. Au cas où la difficulté ne pourrait pas être réglée diplomatiquement, ce n'est point aux tribunaux d'Amérique, quelque peu suspects en la matière, qu'ils veulent avoir recours, mais bien à la Cour d'arbitrage de la Haye. Ils font observer que nul homme d'Etat ne s'est. autant que le président Taft, déclaré un partisan enthousiaste de l'arbitrage, dès qu'il se produit un différend entre deux nations. Voilà, semblent-ils dire, une occasion toute trouvée de mettre en pratique ces théories.

L'opinion anglaise, au demeurant, conserve un calme parfait. Il est visible que cette affaire est de celles qui lui tiennent à cœur ; elle est décidée à soutenir son bon droit. Mais. d'autre part, l'amitié avec les Etats-Unis est chose à laquelle l'Angleterre tient pardessus tout.

Une partie notable de la presse américaine a vivement critiqué le nouveau projet. Il paraît difficile qu'un décret basé sur un comprcmis, n'intervienne pas. C'est le désir de la France qui est étroitement liée avec chacun des deux pays intéressés.

RAYMOND RECOULY.

REVUE DES QUESTIONS POLITIQUES CONTEMPORAINES

I. REVUE DU MOUVEMENT SOCIALISTE (1)

Par J. BOURDEAU

Angleterre. Opposition du syndicalisme et du socialisme.

Les deux partis socialistes se prononcent à la fois contre les syndicalistes et contre l'alliance des députés ouvriers avec les libéraux.

Belgique. La défaite des libéraux et des socialistes alliés, aux élections de juin. Le Congrès de Bruxelles. Préparation de la grève générale pour la conquête du suffrage universel. Accord et action commune des syndicats et du parti socialiste.

Italie.

Divisés par la question ministérielle et par la guerre italoturque, les socialistes italiens se désunifient au congrès de Reggio-Emilia. M. Bissolati fonde un nouveau parti socialiste réformiste. France. Déclaration de guerre adressée par la C. G. T. aux socialistes et aux hervéistes. Le Congrès de la Fédération des instituteurs à Chambéry : l'esprit syndicaliste et libertaire de l'Ecole émancipée.

Lors de la grande grève des mineurs anglais, nous avons signalé l'apparition, l'exportation de l'autre côté du détroit, du syndicalisme révolutionnaire, dans ce pays classique du parlementarisme auquel les vieilles Unions, unies au parti libéral, s'étaient ralliées de longue date. Cette question du néo-syndicalisme et de ses tendances a été discutée aux Congrès des deux partis socialistes d'Angleterre, qui se sont réunis au mois de mai.

A Manchester, M. Hyndman, le leader du British Socialist Party, qui se rapproche le plus des théories et de la tactique du marxisme allemand, a vivement critiqué à la fois le Parti ouvrier, les députés travaillistes qui, d'après lui, n'ont pas fait leur devoir à la Chambre des Communes, qui se laissent diriger par les libéraux, et ne se montrent pas animés de l'esprit de lutte de classe, et les syndicalistes antiparlementaires. Le parti socialiste favorise les syndicats, mais ceux-ci doivent reconnaître, voire pratiquer

(1) Du 25 avril au 25 août 1912.

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