lemand ait été pour l'Allemagne sans intérêt politique et se borne à dire que ce projet fut à l'origine « une affaire privée ». 2o. Il renonce à insinuer que si l'Allemagne demanda des compensations congolaises, la faute en fut « aux intrigues des financiers et du journal Le Temps », et se borne à accuser ce journal d'avoir fait, au moment d'Agadir, une campagne intéressée. 3o. I reconnaît avoir écrit qu'il valait mieux céder des territoires à l'Allemagne que d'accepter le projet de consortium. Ce sont là d'importantes concessions. Quant aux derniers points en litige, je me borne à renvoyer vos lecteurs à l'ouvrage de M. Pierre Albin et au rapport de M. Pierre Baudin, sénateur, sur le traité franco-allemand du 4 novembre 1911, puisqu'aux yeux de M. Challaye, le Mystère d'Agadir, d'André Tardieu, sent le fagot. Veuillez agréer, mon cher Directeur, l'assurance de mes sentiments les plus distingués. PHILIPPE MILLET. II LE BUDGET DU HOME RULE Nos lecteurs n'ont pas oublié les principaux incidents de la longue lutte historique qui se poursuit au Parlement de Westminster, surtout depuis 1886, sur le meilleur moyen de gouverner l'Irlande et qui, dans sa phase la plus récente, a produit le mouvement en faveur du Home Rule. Cette phase est inséparable du nom auguste de W. E. Gladstone qui pendant les douze dernières années de sa vie voua à cette cause ses facultés sans rivales et présenta à la Chambre des Communes les deux célèbres projets de loi de 1886 et de 1893. On connaît aussi la profonde scission qui survînt dans le parti libéral, dont M. Gladstone était le chef. Grâce à cette rupture le parti conservateur garda le pouvoir de 1895 à la fin de 1905. L'Irlande fut d'abord l'objet de mesures coercitives (1886-1902), puis, de 1895 à 1905, le cabinet unioniste s'efforça d'étouffer lentement le Home Rule par un excès de sollicitude. Mais les leaders du parti nationaliste restèrent inébranlables dans leurs desseins. Successivement M. Isaac Butt, M.Parnell, M. Justin Mac Carthy et, depuis quelques années, M. John Redmond, chef de ce parti, ont également refusé de modifier leurs demandes. Ils ont toutefois accepté les indemnités, les <«< dons gratuits » et les mesures législatives spéciales qui ont fait de l'administration de l'Irlande un synonyme d'extravagance et de futilité, quoique, grâce à elle, les conditions économiques du pays se soient considérablement améliorées. Ils ont néanmoins insisté pour obtenir le Home Rule, et par Home Rule ils entendirent l'autonomie de l'Irlande pour toutes les questions qui concernent ses affaires intérieures. Le parti conservateur prétend qu'une concession telle que la création d'un Parlement à Dublin, constituerait en réalité la « séparation » complète de l'Irlande. Les libéraux, soutenus actuellement par le Labour Party et par les Nationalistes Irlandais (au nombre de 84 sur les 103 députés de l'Irlande au Parlement) déclarent que l'« Union » n'a jamais été, depuis 1801, qu'une simple union législative et qu'en accordant le Home Rule aux Irlandais on la transformerait en une réelle union des cœurs dont tous les partis seraient bientôt satisfaits. Lorsque M. Asquith consulta deux fois le pays, en 1910, sur le Parliament Bill par lequel il se proposait de restreindre le Visa de la Chambre des Lords, on savait que le ministère utiliserait à très bref délai la situation politique produite par la nouvelle loi pour présenter à la Chambre des Communes un troisième projet de Home Rule. Ce projet fut en effet soumis à l'approbation du Parlement par le Premier Ministre lui-même, le 11 avril 1912, et après une vive discussion il fut accepté « en première lecture », le mardi 16 avril, par une majorité de 94 voix, dans une Chambre qui comptait 626 députés présents et le Speaker. La « seconde lecture » considérée, dans la législation britannique, comme l'affirmation définitive du principe du projet de loi fut votée par 372 voix contre 271, (on sait que la Chambre des Communes comprend 670 membres, y compris le Speaker ou président). Je voudrais résumer ici le projet de M. Asquith, en insistant spécialement sur les clauses financières de cette mesure. En Grande-Bretagne et en Irlande (exception faite pour une partie de la province d'Ulster) la pensée d'accorder à l'Irlande une certaine autonomie est devenue un lieu commun qui ne suscite plus ni les passions ni les craintes de la généralité des habitants et rien n'est plus significatif, à l'heure actuelle, que l'absence totale de toute excitation au sujet du Home Rule, contraste frappant avec l'état des esprits en 1886 et même en 1893. Le projet de M. Asquith attire une énorme foule de curieux au Parlement, mais la salle des séances ne ressemble guère qu'à an théâtre où de nombreux spectateurs s'entassent pour assister à la représentation d'une pièce à grand succès. Le « Government of Ireland Bill » pour lui donner son titre officiel, remplit 43 pages de papier grand format et se compose de 48 clauses et de 4 annexes traitant de l'attribution des sièges dans la future Chambre des Communes Irlandaise et de l'élection des députés, d'une réserve concernant le droit de timbre, de compensations à certains fonctionnaires irlandais, et de compensations à la police semi-militaire de l'Irlande dont le projet prévoit le licenciement. Le « bill » propose l'institution d'un gouvernement irlandais formé par le roi et deux Chambres le Sénat et la Chambre des Communes. Le pouvoir suprême du Parlement du Royaume-Uni est expressément affirmé « sur toutes les personnes et questions comprises dans les domaines de Sa Majesté ». Sous cette réserve très importante, le Parlement Irlandais peut faire les lois destinées à gouverner l'Irlande. Toutefois les questions suivantes restent hors de son ressort : 1o La couronne, une régence, et les attributions du Lord Lieutenant lorsque celui-ci n'use pas de son pouvoir pour toucher aux services essentiellement irlandais ; 2o La paix ou la guerre ; 3o La marine, l'armée et tout ce qui se rapporte aux forces militaires et navales ; 4° Traités avec les puissances étrangères; 5° Titres ou dignités ; 6° Trahison; 7° Commerce extérieur à l'Irlande (excepté lorsqu'il affecte les impôts de l'Irlande), quarantaine, navigation (exception faite pour les eaux intérieures, et les réglements sanitaires); 8° Phares, bouées et balises; 9° Monnaies ; 10° Marques de fabrique, droits d'auteurs, brevets d'invention; 11o Les questions spéciales suivantes : (a) Land Purchase Act. in Ireland, Old Age Pensions Acts, 1908 et 1911; National Insurance Act. 1911, the Labour Exchange Act.1909;- b) Perception des impôts; c) police-gendarmerie royale irlandaise; d) Post office Savings Banks, Trustee Savings Banks and Friendly Societies; e) Emprunts publics en Irlande émis avant le vote de la loi. Toute loi contrevenant à ces réserves sera nulle et non avenue. Le Parlement Irlandais n'aura pas le droit de porter atteinte à la liberté religieuse et toute loi touchant à cette liberté ou stipulant des cérémonies spéciales pour le mariage sera nune. Le pouvoir exécutif appartiendra au roi représenté par le Lord Lieutenant ou tout autre fonctionnaire supérieur qui exercera ce pouvoir en vertu d'une délégation de Sa Majesté. Ce pouvoir sera exercé par l'intermédiaire de corps constitués par acte du Parlement irlandais auxquels le Lord Lieutenant pourra nommer de temps à autre des fonctionnaires. Les fonctionnaires ainsi désignés en aussi grand nombre que le Lord Lieutenant jugera nécessaire d'en nommer, seront les ministres d'Irlande. Un ministre irlandais doit remplir les conditions suivantes : a) Etre membre du Conseil Privé d'Irlande ; b) Etre membre du Parlement Irlandais, où devenir membre de ce parlement dans l'intervalle de six mois ; c) Ou encore, être directement nommé par le Lord Lieutenant. Certains services, réservés par le projet de M. Asquith à l'administration impériale pourront être transférés, sous certaines conditions, à l'administration irlandaise. Les forces de la police, ou plus exactement de la gendarmerie irlandaise, pourront relever du gouvernement de l'Irlande six ans après l'application de la nouvelle loi. Les lois sur les pensions et les retraites (1908 et 1911); la loi sur les assurances ouvrières (1911), la loi sur les bourses du travail (1909), les caisses d'épargne postales, les caisses des fonds de tutelle, les sociétés de secours mutuels seront aussi «< transférées », un an après que le Parlement irlandais aura voté une résolution demandant ce transfert. Mais un délai de dix ans est toutefois nécessaire pour le transfert des banques et des sociétés de secours mutuels. Les fonctionnaires irlandais actuellement en exercice ne seront pas « transférés » au budget irlandais avant cinq ans. Le Parlement Irlandais se réunira chaque année de manière qu'un intervalle de douze mois n'existe pas entre deux sessions con sécutives. Il sera convoqué, prorogé et dissous par le Lord Lieutenant. Celui-ci, conformément aux instructions qu'il recevra de Sa Majesté, sanctionnera les projets de loi votés par le Parlement ou refusera son assentiment. Le Sénat Irlandais se composera de 40 membres, nommés par le Lord Lieutenant pour une période de huit années. Le quart d'entre eux se retirera tous les deux ans. Tous les sièges devenus vacants seront pourvus de titulaires par le Lord Lieutenant. La Chambre des Communes Irlandaise comprendra 164 membres élus par les circonscriptions désignées dans la première an nexe du projet. Ils seront choisis par les mêmes électeurs qui votaient dans les élections législatives du Royaume-Uni. Ils siégeront pendant cinq ans, à moins que la Chambre ne soit dissoute avant l'expiration de leur mandat. Trois ans après la date de l'application de la nouvelle loi, le Parlement Irlandais pourra modifier le mode d'élection de la Chambre des Communes Irlandaise. Celle-ci aura seule le droit de s'occuper des mesures législatives relatives aux finances, et le Sénat Irlandais ne pourra ni modifier ni rejeter une loi sur l'impôt ou sur la répartition des revenus entre les divers services administratifs. Si un désaccord se produit entre les deux Chambres, elles se réuniront en séance commune après que la Chambre des Communes aura voté une seconde fois, et au cours d'une seconde session, le projet rejeté par le Sénat. A cette séance commune, les membres des deux Chambres voteront ensemble sur le projet qui sera définitivement accepté si la majorité des votants se prononce en sa faveur. Les conditions requises des membres des deux Chambres irlandaises et les privilèges dont ils jouiront seront les mêmes que ceux des membres du Parlement britannique immunité parlementaire pendant leur présence dans la Chambre ; droit pour un membre de la paîrie d'appartenir à l'un ou l'autre des corps législatifs. Une question, qui intéresse tous les partis, est celle du nombre de représentants que l'Irlande sera autorisée à élire au Parlement du Royaume-Uni après l'institution du Home Rule. Le projet de M. Asquith accorde à l'Irlande quarante sièges à la Chambre des Communes de Westminster. Les quarante députés seront choisis par les électeurs actuels, mais dans les circonscriptions déterminées par la seconde annexe à la loi. La partie financière du projet est, de l'avis de tous, « la clef de voûte » du nouveau régime. Le problème suivant se pose découvrir un système financier applicable à une contrée relativement pauvre comme l'Irlande qui a jusqu'ici été administrée d'une façon coûteuse et rattacher ce système financier à celui du Royaume-Uni qui est lui-même riche et dont l'administration est le produit d'une évolution plusieurs fois séculaire. En somme, le Parlement Irlandais doit établir un budget dans un budget. Le parti conservateur est convaincu qu'un tel problème est insoluble, si nous en jugeons du moins par le langage bruyant des Orangistes irréconciliables de Belfast. Mais après tout, ceci n'est qu'une question « d'affaires >> et la difficulté peut être surmontée si on le veut bien. Sans doute la volonté nécessaire au succès du projet n'existe pas |