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car, depuis longtemps, le paysan japonais s'adonne à l'agriculture intensive. Une bonne récolte ne suffit point à nourrir ses 50 millions d'habitants; une mauvaise, comme celle de 1905, amène la famine. Ce peuple considère à bon droit l'émigration comme une soupape de sûreté indispensable, et ce mouvement expansif s'irradie sur tout l'horizon. Vers l'Est, une haute vague humaine a déferlé sur le Pacifique, submergeant les îles, avant de se briser à la côte américaine où, la juxtaposition de groupes ethniques très divers, crée entre blancs, noirs, jaunes et rouges, des conflits permanents, qui, selon la couleur, aboutissent à des lynchages, à des bills d'exclusion ou à l'internement dans les réserves, qui est une mort lente assurée.

A la côte californienne, le Chinois représentait l'élément jaune, quand, attiré par la richesse du pays, le Japonais se présenta en concurrent, comme blanchisseur, menuisier, peintre, banquier, tailleur, jardinier surtout il excelle, comme le Mallais, dans la culture des fruits et des légumes.

L'ouvrier blanc manifesta tout de suite une aversion instinctive pour cet intrus qui, non content de s'imposer par des salaires de famine, s'ingénie à surprendre les secrets de fabrication, les tours de main pour les importer au Japon et perfectionner l'industrie de son pays. Ceci soit dit pour les simples soldats de l'armée immigrante; les généraux, planant sur un horizon plus vaste, exploitent, en mathématiciens, la loi de l'offre et de la demande.Par exemple, ils accaparent les pommes de terre, en råflant ces tubercules sur les marchés de toute une région. Les prix montent et ils revendent peu à peu, à gros bénéfices.

D'abord, les Nippons considéraient les îles Hawaï comme une simple escale sur la route de Californie. L'archipel hawaïen (16.702 kilomètres carrés) comptait, en 1906, 192.400 habitants, 12 par kilomètre carré. Les jaunes y ont apporté la main-d'œuvre indispensable à l'industrie sucrière, en chassant devant eux les indigènes, ouvriers médiocres, intermittents, capricieux, qui n'ont point besoin de travailler pour vivre. La pêche dans les récifs, la cueillette des féïs (1), au

(1) Bananes sauvages.

hasard de leurs déplacements, suffisent à tous leurs besoins. Ce furent, en premier lieu, des coolies chinois qui s'abattirent par milliers sur l'archipel. On leur ouvrit les champs de cannes à sucre. Mais, peu à peu, ces immigrants rusés demandèrent au petit commerce une existence plus lucrative. Incapables déjà de couper toutes leurs cannes en tempsutile, les planteurs durent laisser pourrir sur place une partie des récoltes et ils s'adressèrent aux Japonais, qui répondirent en masse. On comptait, en 1905, aux Hawaï, 87.000 Japonais et Chinois, contre 89.000 indigènes.

Plusieurs groupes nippons organisèrent scientifiquement l'émigration en réunissant leurs capitaux. Si bien qu'en 1908, les îles comptaient 110.000 Japonais (dont 35.000 anciens soldats), 66 0/0 du nombre des travailleurs.

Cette marée montante inquiéta les Américains, à tel point, qu'ils songèrent à importer des blancs, Italiens, Espagnols ou Portugais, comme contre-poids aux terribles jaunes. Ce n'est point chose aisée, car le pays des dollars exerce sur les jaunes une véritable fascination. Pour tourner les prohibitions, ils débarquent au Mexique, et s'infiltrent un à un, par la frontière du Sud, dans la « Terre promise ».

En février 1908, l'Amérique et le Japon signèrent un premier traité aux termes duquel peuvent seuls immigrer aux Hawaï les Nippons qui retournent dans l'archipel et les proches parents de ceux qui y résident. Enfin, la question des écoles californiennes, grave incident de la campagne anti-japonaise, a reçu une solution au moins provisoire, l'assemblée californienne, vivement pressée par M. Roosevelt, ayant rejeté, par 41 voix contre 37, le projet tendant à parquer les Japs dans des écoles particulières.

Délivré des soucis du pouvoir, l'ancien président continua à combattre le bon combat il écrivait dans l'Outlook: « Si l'exode des Japonais continue, les Etats-Unis auront à se protéger, soit par voie de traité, soit par voie législative. Mais, avant tout, il faut éviter un motif quelconque de conflit entre les deux races. >>

Cette affaire des écoles, cause de tension prononcée entre Washington et Tokio, dévoila les inconvénients d'un système politique incapable d'empêcher un seul Etat de troubler.

les rapports de l'Union tout entière avec une puissance étrangère. M. Roosevelt a signalé l'urgente nécessité de réviser ce régime archaïque et d'imposer aux Etats américains le respect des relations étrangères de l'ensemble de la Grande République.

Depuis l'accord avec l'Amérique, les Nippons exéculant un changement de front, reportent leur courant migratoire à l'Ouest, vers Séoul, Formose, Port-Arthur, Dalny, Moukden. Une avant-garde d'espions a déjà pénétré en Sibérie; car, le service des renseignements », où ils excellent, est la base de leurs succès et le commencement de leur sagesse.

*

Les Américains sont, depuis un siècle et demi, en relation avec la Chine. Le 30 août 1764, l'Empress of China mouillait à Canton. C'était le premier navire américain qui jetait l'ancre dans un port du Céleste Empire. L'Amérique a depuis, entretenu avec ce pays, de constants rapports amicaux, malgré quelques nuages passagers, comme ceux qui survinrent après la guerre russo-japonaise. Hypnotisés par les victoires nippones, poussés d'ailleurs par les vainqueurs. les Chinois s'avisèrent de boycotter les produits américains (1905), comme protestation contre les entraves imposées à l'immigration jaune. Créer rapidement de nouveaux courants commerciaux à la faveur de ce relâchement, fut un jeu pour les Nippons.

Le président Roosevelt remit les choses au point. La section du câble Manille-Changhai, dernier tronçon transpacifique, à peine immergée, il félicita, selon l'usage, l'empereur de Chine d'une œuvre destinée à « rapprocher les deux gouvernements et les deux peuples ».

En 1907, M. Taft prononça de bonnes paroles à HongKong « La Chine et les Etats-Unis ont toujours entretenu les relations les plus amicales; je considère comme un devoir de poursuivre ces relations et de les rendre chaque jour plus intimes. >>

Pour y parvenir plus sûrement, l'Union réduisit de 60 mil

lions l'indemnité due par la Chine, au titre de l'insurrection des Boxers. Les petits cadeaux entretiennent l'amitié. Puis, postés sur le terrain économique, ils y exportèrent des capi taux et y créèrent des industries.

L'affaire de la ligne Hankéou-Canton montra la volonté bien arrêtée des Etats-Unis d'y participer à toute grande en treprise. Un groupe allemand consentit un prêt de 75 millions pour ce chemin de fer, sans se conformer à l'accord de Berlin (mars 1909) anglo-franco-allemand, exigeant un contrôle plus effectif. Le groupe anglo-français ayant déclaré ne pouvoir accepter le prêt proposé dans ces conditions, les banquiers allemands négocièrent séparément avec la Chine pour obtenir l'emprunt sans la clause du contrôle et sans prévenir de cette démarche les deux autres groupes. Alors, les Anglo-Français se déclarèrent libérés de toute action commune avec les financiers allemands. Finalement, ceux-ci abandonnèrent leurs prétentions et reçurent la section d'Hankéou à la frontière du Szé-Tchouen. Il fut convenu que l'emprunt serait porté à 138 millions et que les trois puissances le souscriraient par tiers.

Un mois après (juin 1909), les Américains entrent en scène, et expriment le désir de participer à l'opération. Appuyés par leur légation à Pékin, ils obtinrent le quart de l'emprunt. Le Cabinet Washington assumant le rôle de champion de l'intégrité de la Chine, avec maintien de la «< porte ouverte », M. Knox, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, prit. une initiative inattendue, en proposant la neutralisation des chemins de fer mandchous. La Chine achèterait le réseau avec des capitaux étrangers et les puissances exerceraient le contrôle des lignes. Prévoyant le cas de l'impossibilité du rachat, les Américains proposaient de construire une ligne nouvelle de Kiao-Tchéou à l'Amour (1.200 kilom.) traversant de part en part la Mandchourie et faisant la concurrence aux chemins de fer japonais et russes.

Les puissances, surtout les deux plus intéressées (Japon et Russie) repoussèrent la première proposition. Le baron Komura se déclara hostile à ce projet qui démolissait l'œuvre pénible des armées mikadonales, et la presse nippone accusa la Chine d'avoir poussé le Cabinet de Washington

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REVUE POLIT., T. LXXIII.

dans cette voie. La Russie répondit d'une manière analogue. Tel était le caractère d'intimité des relations sino-américaines, quand éclata la révolution.

Tout autres étaient les rapports nippo-chinois. L'action russo-franco-allemande ayant rogné les ongles du Japon qui venait d'anéantir la marine chinoise au combat du Yalou, le vainqueur frustré dût se contenter du groupe des Pescadores et de l'île de Formose.

Le Japon concentra ses efforts sur le port de Kelung, utilisé déjà par Courbet, dans sa mémorable campagne de 1885, et colonisa l'intérieur de l'île par la « manière forte ». Après avoir étouffé un mouvement révolutionnaire soulevé par un ancien secrétaire d'ambassade chinois et un ex-condottiére de Pavillons-Noirs, ils traquèrent dans les forêts de camphriers, entre des lignes de blockhaus, les féroces Atazals et les exterminèrent méthodiquement. Ceci fait, il fallut consIruire des routes et donner aux cultures toute l'extension possible. Quant aux dépenses, des associations indigènes, présidées par des Japonais, furent chargées de recueillir les cotisations «< obligatoires >>.

Formose, colonie d'exploitation, est devenue point d'appui de la flotte, observatoire sur la route d'Europe en Chine, et centre commercial en progrès continu. De 1895 à 1904, en huit ans, l'exportation du camphre a augmenté de 130 0/0; celle du riz, de 177 0/0 et celle du thé, de 336 0/0.

La seconde guerre terminée par le traité de Portsmouth, donna au Japon la presqu'île coréenne, si indispensable au vainqueur au double point de vue commercial et stratégique, où, d'ailleurs, il exerçait déjà sa prépondérance depuis sa victoire de 1894. Le traité nippo-coréen de 1905, que le marquis Ito arracha à l'empereur de Corée acheva d'y implanter la prééminence nippone. Pour organiser le pays, on établit le protectorat avec double administration. Ce procédé fit une faillite lamentable les dix millions de Coréens luttaient ave cl'énergie du désespoir, contre les envahisseurs

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