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critérium d'un bon gouvernement et la raison principale de l'admiration suédoise pour la constitution anglaise.

Il y a cependant un danger pour cette stabilité ministérielle, c'est le droit de motion qui appartient, comme il est naturel à chaque membre du Riksdag mais dont on use en Suède très largement; en fait la motion remplace l'interpellation dans les habitudes parlementaires suédoises, et ce droit est si étendu qu'on peut présenter des motions relatives à des crédits, quelle que soit la destination de ceux-ci. Un gouvernement de cabinet ne poura pas comme un conseil d'état constitutionnel rester spectateur indifférent et accepter la décision du Riksdag quelle qu'elle soit il lui faudra prendre parti, défendre sa politique, poser en un mot la question de confiance. Si l'on songe qu'en 1903 par exemple le nombre de motions présentées par le Parlement était de 265 pour la session, on comprendra que la stabilité ministérielle a beaucoup à craindre de ce fait.

Et le danger est d'autant plus grand surtout au début du prochain Riksdag - que les élections nouvelles ont porté à la Chambre un très grand nombre d'hommes nouveaux qui n'auront pas l'habitude des travaux parlementaires. Ceci est la conséquence, moins du scrutin de liste avec représentation proportionnelle, car les circonscriptions sont généralement petites, que du suffrage universel qui a modifié complètement la balance des partis dans le nouveau Riksdag. Mais quelle qu'en soit la cause on peut se demander si ces hommes nouveaux se conformeront à une tradition du parlement suédois empêchant les députés de proposer une motion individuelle la première année où ils siègent. Et d'autre part, il est à présumer que le parti socialiste qui arrive cette fois très nombreux et très fort au parlement, usera sans compter de ce droit. On peut donc conjecturer sans trop de peine que le nombre des motions augmentera encore dans d'assez fortes proportions, ce qui risque d'entraver ou du moins de gêner les travaux parlementaires, puisque toutes les motions ou à peu près arrivent à se faire examiner et discuter.

Il est évidemment difficile d'apprécier par avance toute nouvelle expérience politique, et l'on risque, en vertu seulement de ses propres préférences, d'en augurer bien ou mal. Cepen

dant l'on peut dire que le peuple suédois possède non seulement de bonnes habitudes, mais des vertus parlementaires, au sens le plus large du mot, et parmi ces vertus la plus générale, mais la plus essentielle peut-être, un sens très profond de la supériorité de l'intérêt général sur l'intérêt particulier. Ce sentiment se retrouve également dans les professions libérales, ce qui n'est pas l'esprit de corps, simple égoïsme collectif, mais l'assurance universellement partagée par tous les membres d'une profession que cette profession a une utilité sociale qui doit être supérieure aux ambitions individuelles et collectives. Cette assurance, les membres du Riksdag la partagent aussi ; ce n'est pas en vain, je crois, que la constitution pose en principe que chaque député représente non sa circonscription, mais le peuple suédois tout entier, et ceci est assurément d'un bon augure en faveur d'un gouvernement parlementaire.

P. S. Les évènements qui sont survenus depuis que cet article a été écrit, n'en modifient pas, à mon avis, les conclusions.

Les partis de gauche ont obtenu, aux nouvelles élections de la première Chambre une assez forte minorité qui, s'ajoutant à la majorité de la seconde Chambre, leur donne la majorité dans le Riksdag tout entier. Mais il est encore trop tôt pour juger du fonctionnement de ce parlementarisme, car le nouveau ministre libéral qui n'est arrivé au pouvoir qu'au mois d'octobre, n'a pas eu devant lui le temps nécessaire, avant la réunion du Riksdag, pour préparer les projets de lois qu'il compte proposer. Tout au plus a-t-il fait nommer des commissions chargées d'examiner les importantes questions de la défense nationale et de la prohibition de l'alcool. La session du Riksdag de cette année est donc une session de liquidation et d'attente, celle de l'année prochaine sera certainement plus décisive.

Cependant les conservateurs, estimant que la question de la défense était trop urgente pour qu'on attendît les conclusions des commissions compétentes ont soulevé dans le pays

une intense agitation pour recueillir par souscriptions individuelles l'argent nécessaire à la construction d'un cuirassé de 6.200 tonnes. La souscription atteint à ce jour la somme de 11 millions de couronnes, et l'on espère arriver prochainement au total nécessaire, environ 12 millions 1/2. Comme le produit de cette souscription sera offert au gouvernement, il faudra que le Riksdag se prononce pour l'acceptation, ou le refus; et de cette manière, la question de la défense, se trouvera posée, non dans sa totalité, comme le désiraient les libéraux, mais de biais et par occasion. Quelle sera l'attitude du ministère ?

Prendra-t-il parti dans le débat ? Il ne peut guère rester neutre, puisqu'il a nettement exprimé son avis à maintes reprises, et que la construction immédiate de ce cuirassé va précisément à l'encontre de ses projets. Et s'il prend parti dans la question, pour refuser ou pour accepter la souscription, il perd une fraction de sa majorité à droite ou à gauche, si bien que l'inauguration du parlementarisme pourrait bien coïncider avec une crise parlementaire, ce qui ne serait pas pour déplaire aux conservateurs. L'état de trouble que produit cette question de la défense, et les doutes qu'on peut avoir sur son issue, proviennent uniquement du manque d'homogénéité du parti libéral et de l'incertitude où l'on est de la valeur numérique des fractions diverses qui le composent.

VIRGILE PINOT.

YANKEES ET NIPPONS

En 1513, Balboa l'épée haute,armé de pied en cap, entra dans les flots du Pacifique et prit possession de cet Océan, au nom du roi d'Espagne. Quatre siècles plus tard, les descendants des conquistadores, ayant perdu les Philippines à la suite de la guerre avec les Etats-Unis, vendirent à l'Allemagne les épaves de ce domaine si éloigné d'Europe (1899). Liquidation très favorable à la Weltpolitik du kaiser, puisque le Pacifique prendra une importance incalculable, après l'ouverture du canal de Panama, au grand avantage des puissances qui étalent sur les bords de cet océan, une fraction de leurs côtes coloniales ou métropolitaines.

Parmi ces puissances, la Russie semblait particulièrement favorisée, elle qui avait « désencombré » l'Europe, en suivant le conseil perfide de Bismarck « La Russie n'a que faire en Occident. Elle ne peut y gagner que le nihilisme et d'autres maladies. Sa mission est en Asie. Là, elle représente la civilisation. » Mais, la dernière guerre ne lui apporta que des désastres, et sa puissance navale actuelle en ExtrêmeOrient est presque nulle; à tel point, que le signal de Guillaume II à Nicolas II, en quittant Rével (1903), paraîtrait aujourd'hui plein d'ironie: « L'amiral de l'Atlantique salue, avant de partir, l'amiral du Pacifique. >> Peut-on croire, cependant, que la Russie ait abandonné toute idée de revanche ?

Passons à l'Allemagne. A part l'expédition claironnante de Kiao-Tchéou, l'expansion germanique en Extrême-Orient s'est accomplie sans bruit. « Le marchandage des grâces impériales à un taux usuraire » lui a valu en partie les Marshall, la Nouvelle-Guinée, l'archipel de Bismarck. En 1898, l'occupation de Kiao-Tchéou fut le résultat d'un plan longue

ment combiné. Ce point semblait le centre désigné d'un cercle à rayon extensible. Pourtant, après la guerre russo-japonaise, l'Allemagne a rappelé ses garnisons de l'intérieur : elle a rétrocédé ses bureaux de poste et abandonné aux Chinois les quatre cinquièmes du produit des douanes. Le tigre rentrait ses griffes; la politique des ménagements remplaçait le « gantelet de fer ». Retraite honorable? Non point, mais expectative. L'Allemagne a renforcé les ouvrages de KiaoTchéou; ce n'est point pour làcher prise.

Avec l'Australie, la Nouvelle-Zélande et de nombreux archipels (8 millions de kilomètres carrés et 6 millions d'habitants), l'Angleterre s'est taillé un pourpoint de roi dans 'Océan Pacifique, sans cesser de glaner les îlots oubliés ou inaperçus. A la fin de 1905, ses marins hissaient l'Union Jack sur les îles Ashmore (entre Timor et l'Australie).

La France, plus modeste, fait encore bonne figure avec l'Indo-Chine, la Nouvelle-Calédonie, les archipels de la Société, des Pomotou, des Tubuaï et des Marquises.

La Hollande, propriétaire en Australasie de 2 millions de kilomètres carrés avec 40 millions d'habitants, excite les appétits gloutons des pangermanistes, qui, soupesant tout héritage éventuel, considèrent comme possible celui des PaysBas outre ses riches possessions du Pacifique, ce petit royaume apporterait à l'Allemagne le port convoité de Rotterdam, si précieux au double titre de débouché de la vallée du Rhin et de base navale rapprochée de la côte anglaise.

Restent deux riverains, les Etats-Unis et le Japon.

On sait que l'impérialisme américain ne date que de la guerre d'Espagne. M. Mac Kinley, l'un des prophètes expansionnistes, disait en 1901 :

Les Etats-Unis ont inauguré la politique impérialiste. C'est la destinée manifeste de la Grande République,

Il complétait sa pensée quelques jours avant son assassinat :

Les Philippines. Porto-Rico. Hawaï, sont à nous, pour être émancipés et devenir prospères. Les abandonneronsnous ?

Non! Non !

Il faut construire encore des navires et les construire

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