Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ges démocrates, le président doit être désigné par les deux tiers des votants, 36 scrutins successifs n'ont pas amené de résultat.

Une fois le président accepté, la désignation du vice-président n'est guère qu'une formalité sans grande portée, qui se passe après un petit entr'acte, selon les mêmes rites que l'élection du président. On désigne généralement un candidat appartenant à la fraction du parti qui n'a pas reçu satisfaction dans la nomination précédente. De la sorte, le « ticket » est assuré de faire la concentration de toutes les nuances. Car il est entendu que tout le monde, une fois les candidats désignés et quelles que soient les préférences antérieures que l'on ait pu avoir, doit soutenir le porte-drapeau du parti comme s'il était le choix spontané de tous.

C'est ce loyalisme de parti qui est, pour un grand nombre d'Américains, une sorte de dogme politique, qui rend si difficile la création d'un troisième parti comme celui que M. Roosevelt veut créer avec les éléments progressistes des deux autres. Et lorsque, à la convention de Baltimore, M. Bryan s'élevait avec véhémence contre les éléments ploutocratiques, refusant de soutenir tout candidat suspect d'être favorisé par eux, il n'osa cependant aller jusqu'à déclarer qu'il refuserait de voter pour le candidat nommé par la convention.

Les deux dernières conventions qui viennent de se tenir semblent avoir cumulé tous les traits caractéristiques et exagéré tous les défauts souvent signalés, de ces immenses agglomérations.

Il y a eu des scènes de désordre qui, parfois, sont allées jusqu'à la violence. Il y a eu la difficulté souvent éprouvée, de bien suivre les débats dans une salle remplie de 10 à 15.000 personnes. Il y a eu, comme dans toutes les assemblées précédentes, des manifestations monstres en faveur d'un candidat: Ce charivari hurlements, chapeaux jetés en l'air, marche des délégations à travers la salle, précédées de leurs bannières, exhibition de portraits, cris d'animaux, bruit de mirlitons, sons de cor, << yells» indiens, tout cela fait

ressembler ces assemblées réunies pour une des fonctions les plus sérieuses de la démocratie, à un vaste sabbat de fous furieux. Ces «< stampedes », pour employer le mot technique, ont eu, à de certains moments, leur justification dans le délire causé par un merveilleux discours comme celui où Bryan, en 1896, défendit sa théorie sur la frappe libre de l'argent. Elles sent devenues, trop souvent, des ruses habilement machinées pour entraîner les votes. Il suffit souvent d'un nom populaire jeté par un orateur au bon endroit pour déchaîner l'orage. A Chicago, en 1908, la manifestation en faveur de Roosevelt dura, montre en main, 46 minutes 55 secondes. A Denver, la même année, le nom de Bryan fut acclamé pendant une heure vingt-cinq minutes.

Il faudrait, pour compléter le tableau de cette institution éminemment américaine, mentionner le rôle de la presse et des compagnies de télégraphe. Des journalistes, au nombre d'environ 500, télégraphient, suivant les statistiques, de 400 à 500.000 mots par jour; un grand nombre d'écrivains connus, surtout les humoristes, sont chargés de décrire les séances et de faire de l'esprit aux dépens des acteurs ; enfin, cette année, The World, le grand journal de New-York, a chargé un homme qui a été trois fois candidat, et semble désirer l'être une quatrième, de lui envoyer chaque jour ses impressions. Si bien que M. Bryan a dû faire ce tour de force d'être à la fois le principal acteur et le reporter d'une convention dont il avait des chances d'être l'élu.

Mais, après avoir tout dit, sur ce qu'il y a de primitif et de presque sauvage dans ces comices électoraux, il faut noter que la bonne humeur et le bon sens finissent, dans ce pays jeune et sain, par succéder à toutes les tempêtes et par triompher de toutes les forces de division et de désordre.

OTHON GUERLAC.

LE PARLEMENTARISME SUÉDOIS

M. Staaf, le chef du parti libéral suédois n'hésitait pas à déclarer, au cours de la dernière campagne électorale, que la réforme constitutionnelle était le point essentiel du programme des libéraux. Les conservateurs au contraire, dont le chef M. Lindman était alors au pouvoir, se posaient en champions de la constitution. « Notre constitution, disait M. Lindman dans son discours-programme de Skara, est la muraille qui protège la ville de Troie et que nos adversaires nous conseillent d'abattre pour y faire entrer le grand cheval. Serons-nous assez fous pour abattre cette muraille protectrice ? » Quoiqu'il en soit, elle est tombée aux élections dernières et les libéraux sont dans la place. M. Lindman, à la suite des élections qui donnaient une écrasante majorité aux partis de gauche (102 libéraux et 64 socialistes contre 64 modérés ou conservateurs) a dû céder le pouvoir à M. Staaf qui a pu constituer le nouveau cabinet. Le parlementarisme en Suède semble désormais triomphant.

Ce n'est pas, à vrai dire, une chose nouvelle en Suède; le parlementarisme a existé au XVIIIe siècle dans une des périodes les moins brillantes de l'histoire suédoise et c'est un peu ce qui explique l'horreur des conservateurs pour cette forme de gouvernement. Entre ce parlementarisme de «l'ère de la liberté » (frihetstiden), que les circonstances historiques avaient fait naître, et le parlementarisme moderne tel que le conçoivent les libéraux actuels, il y a bien des différences, peut-être est-il superflu de le dire, mais cette expérience politique déjà ancienne explique l'attitude actuelle du parti conservateur, et c'est à ce titre qu'elle nous intéresse..

C'était après la mort de Charles XII. Le roi-soldat, rompant avec la tradition de ses prédécesseurs et avec les coutu

mes de la constitution suédoise avait gouverné en roi absolu, levant à son bon plaisir des soldats et des impôts sans le consentement des « Etats » de Suède. S'il ne fut pas déposé pendant sa captivité en Turquie, il le dut sans doute au prestige qu'il avait conquis sur la nation suédoise et au sentiment d'orgueil national qu'il avait exalté par ses victoires. Mais la puissance populaire, légitime et traditionnelle en Suède depuis le Moyen Age, prit sa revanche après la mort de Charles XII. Par les lois constitutionnelles de 1719 et 1720, et par la loi organique de Riksdag de 1723, elle réduisit le pouvoir royal à n'être qu'une vaine représentation d'apparat, tandis que les Etats gardaient pour eux toute la réalité du pouvoir, gouvernant directement pendant les sessions du Riksdag par des comités, dans les intervalles des sessions par des commissions. gouvernant encore indirectement par le Conseil du roi dont les membres étaient en réalité choisis par eux. C'était, suivant la définition de M. Pontus Fahlbeck (1), l'historien de la constitution suédoise, un véritable parlement gouvernant.

Si l'on ajoute à cela que cette «ère de la liberté » fut marquée par la lutte politique entre les Bonnets et les Chapeaux, ces deux partis qui se disputaient le pouvoir et subissaient les influences étrangères, largement entretenues par la corruption, si l'on ajoute aussi que l'influence parlementaire s'exerçait dans les moindres choses et jusque dans les nominations de fonctionnaires, on comprend que cette expérience, si ancienne qu'elle soit, ne laisse aux conservateurs aucune tendresse à l'endroit du parlementarisme.

Aussi déclarent-ils s'en tenir à la constitution de 1809, parcequ'elle est l'œuvre, non de philosophes ni de théoriciens, mais d'hommes d'expérience, qui tenant compte des enseignements de l'histoire ont réussi à équilibrer parfaitement les deux pouvoirs antagonistes, le Peuple et le Roi, dont les luttes et les usurpations mutuelles au cours des siècles précédents constituent l'histoire politique de la Suède. Cette constitution, par exemple, pour limiter la puissance populaire, enlève au Riksdag toute participation à la politique extérieure, à l'adminis

(1) Pontus Fahlbeck: « La constitution suédoise et le parlementarisme moderne. » On lira toujours ce livre avec plaisir et profit, même si l'on ne partage pas toujours les opinions de l'auteur.

tration, à la nomination des fonctionnaires; mais pour empêcher les tentatives absolutistes des rois, elle accorde au Riksdag un pouvoir presque souverain en matière financière. Entre les deux pouvoirs, dont les attributions sont ainsi nettement séparées et délimitées, elle place un organe de liaison, le Conseil du roi, dont les membres sont choisis par le roi et qui ne tiennent leur pouvoir que de lui, mais qui peuvent toujours être mis en accusation s'ils conseillent au roi des actes contraires à la constitution. La manière dont les constituants de 1809, ont résolu le problème du contrôle du pouvoir exécutif par le Riksdag, en laissant en dehors la majesté royale, qui est irresponsable, est assez curieuse. Au Conseil du roi, il doit être tenu très exactement un procès-verbal où sont consignés non seulement les votes de chacun des conseillers, mais aussi les opinions qu'ils ont pu émettre pour justifier leur vote, et ils sont responsables et de leurs déclarations, et de leur silence. Ces accusations pour illégalités, en fait, n'aboutissent jamais à rien, mais elles suffisent à maintenir le droit de contrôle de la représentation populaire.

C'est aux principes généraux de cette constitution et surtout à l'esprit qui l'anime, à l'expérience qui a présidé à sa formation, que les conservateurs voulaient s'en tenir. Le parti conservateur suédois se donne en effet pour un parti de réalisations pratiques et il redoute que le parti libéral maintenant au pouvoir ne rouvre l'ère des expériences politiques ruineuses. Il se plaisait au cours de la dernière campagne électorale à représenter les libéraux comme des idéologues, des songe-creux, préférant aux réalités tangibles les principes abstraits, et la volonté du peuple, la souveraineté toute puissante du peuple, à l'excellence d'une constitution éprouvée.

Cependant les libéraux n'acceptaient pas le reproche de vouloir consommer une rupture entre le passé et l'avenir; ils affirmaient eux aussi être dans la tradition suédoise, mais dans la tradition du XIXe siècle ; et de plus, lorsqu'ils parlaient de la souveraineté du peuple et du droit qu'il possède de se gouverner lui-même, ils n'énonçaient pas un principe abstrait, mais un fait historique.

C'est en vain qu'on chercherait dans les discours électoraux de M. Staaf, un essai de démonstration du dogme de la sou

« AnteriorContinuar »