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adhèrent aux doctrines néfastes des associations qui poussent à la grève (1) »

En Bavière, le gouvernement n'ayant pas cru devoir être aussi catégorique que M. de Breitenbach dans son interdiction au personnel des agents de chemins de fer de participer aux tendances socialistes, est entré en conflit avec la majorité de la Chambre des députés.

Le Suddeutsche Eisenbahnerverband, syndicat socialiste qui étend son activité sur le Sud de l'Allemagne, avait fait beaucoup de propagande parmi les ouvriers des chemins de de fer en 1910 et pendant une partie de l'année suivante. Le ministre d'Etat M. von Frauendorfer, adressa une circulaire aux présidents des directions du réseau bavarois. On me signale, dit-il, que le Suddeutsche Eisenbahnerverband, contrairement à ses statuts, s'occupe de politique : « Je vous prie d'observer avec soin l'attitude de cette association et de ses groupes locaux et de me signaler tout fait qui indiquerait qu'elle adhère à la social-démocratie. Vous ferez observer aux employés et agents qui y seraient affiliés que cette association représente des tendances auxquelles un employé ne saurait s'associer sans se mettre en contradiction avec les devoirs de sa charge. »

Cette circulaire n'a pas l'énergie des déclarations de M. de Breitenbach; elle irrita cependant les socialistes et ne satisfit pas les conservateurs. Un député socialiste déposa une interpellation : « Qu'est-ce qui a déterminé le gouvernement å prendre son arrêté du 15 août 1911 contre le Suddeutsche Eisenbahnerverband, et comment en justifie-t-il la légalité? »

M. von Frauendorfer s'attacha moins à répondre aux socialistes qu'à se défendre contre les reproches du centre qui trouvait son arrêté trop édulcoré, insuffisant pour garantir la sécurité de l'Etat. Commencés le 25 octobre 1911, les débats se terminèrent le 6 novembre par un ordre du jour dans lequel la majorité, c'est-à-dire le centre, exprimait son regret

(1) Zeitung des Vereins, 27 avril 1912, p. 518. V. aussi dans le même sens les déclarations de M. de Breitenbach, au Reichstag dans la discussion du budget des chemins de fer d'Alsace-Lorraine, le 20 avril 1912 (Z. de V., 15 mai 1912).

que le gouvernement « ne se soit pas manifesté comme le représentant de la puissance publique ».

La responsabilité ministérielle n'existant pas en Bavière, ce vote ne pouvait faire tomber le gouvernement: mais quelques jours après, sous le prétexte que l'absence du ministre des Transports à une discussion sur les améliorations à la situation du personnel des chemins de fer, constituait un manque d'égards pour le Parlement, le centre ouvrit un conflit aigu qui se termina par la dissolution de la Chambre, le 14 novembre. A cette occasion, le journal du centre Bayerischer Kurier, s'exprimait ainsi : « Le Landtag est dissous! Telle est la réponse du gouvernement à cette question. Est-ce l'esprit chrétien et conservateur, sont-ce les doctrines dissolvantes de la social-démocratie qui l'emporteront dans l'Etat ? >>

Certains d'être approuvés dans leurs actes d'autorité par la majorité des Chambres, et par la plus grande partie du pays, les gouvernements qui ont interdit au personnel de leurs chemins de fer, toute participation à la social-démocratie, sous quelque forme que ce soit, n'ont point hésité à appliquer des sanctions sévères aux infractions à leurs défenses.

L'association la plus connue en Allemagne comme représentant dans le monde des chemins de fer les tendances socialistes est « la section des chemins de fer de l'Union allemande des travailleurs de l'industrie des transports (Reichssektion der Eisenbahner des deutschen Transportarbeiterverbandes) », plus couramment appelée Hamburger Verband ». Elle étend surtout son action dans l'Allemagne du Nord, et ne dissimule pas ses efforts pour répandre l'idée de la grève générale comme moyen de faire triompher les revendications des cheminots.

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Dans l'Allemagne du Sud, le Suddeutsche Eisenbahnerverband était moins catégorique dans l'affirmation de ses doctrines, mais cette association vient de faire un grand pas dans le sens socialiste en s'entendant avec l'IIamburger Verband pour lui abandonner une partie de son champ d'action, notamment le réseau des chemins de fer d'Alsace-Lorraine.

En 1911, des agents de chemins de fer ont été révoqués non seulement pour affiliation au Hambourg ou au Suddeutscher Eisenbahnerverband, mais même pour avoir assisté à des réunions organisées par ces syndicats! Interpellés à la suite de ces actes de sévérité, les gouvernements ont toujours af firmé que dans tous ces cas, ils avaient usé d'un droit essentiel chaque fois, ils ont été approuvés par leur parlement. Les tribunaux eux-mêmes soutiennent les prétentions administratives : un jugement du tribunal de Francfort-sur-leMein du 30 mai 1910, confirmé par la Cour d'Appel de cette ville, les a consacrées dans ce qu'elles paraissent avoir de plus excessif.

Un entrepreneur de transports en rapports constants avec les chemins de fer ayant congédié deux de ses camionneurs, ceux-ci assignèrent l'Administration du réseau prussien en dommages-intérêts sous le prétexte que c'était sous sa pression et parcequ'ils étaient membres d'une association ouvrière, que leur patron, d'ailleurs satisfait de leurs services, les avait congédiés.

L'Administration des chemins de fer ne contesta pas le fait, mais soutint qu'en exigeant de son correspondant le renvoi de ses camionneurs, elle avait usé de son droit et sauvegardé des intérêts supérieurs elle avait ainsi évité à ses propres agents le contact quotidien avec les demandeurs qui étaient membres du Hamburger Verband et avaient en 1909 essayé, en vain d'ailleurs, de provoquer une grève des transports.

Le tribunal rejeta la demande, reconnaissant à l'Administration qui a charge d'un service et de la sécurité publics, le droit d'empêcher l'influence des organisations ouvrières sur son personnel. Avec raison, elle a considéré que cette influence pourrait être développée par des rapports constants entre ses agents et les demandeurs qui appartiennent à une association connue pour ses tendances socialistes. En agissant comme elle l'a fait pour obtenir de son correspondant l'éloignement de ses deux camionneurs, l'Administration n'a commis aucun acte « contraire aux bonnes mœurs »>, susceptible aux termes de l'article 826 du Code Civil d'ouvrir aux demandeurs un droit à des dommages-intérêts.

V

Certes les méthodes des administrations allemandes sont inapplicables en France: mais entre leurs prohibitions rigoureuses et les encouragements aux syndicats violents, se trouve un milieu auquel auraient dû se maintenir nos pouvoirs publics. Ce n'est pas en déclarant aux agents de chemins de fer qu'ils ont le droit de grève, mais qu'il leur est interdit de l'exercer, qu'on les détournera d'abandonner leur travail pour obtenir le succès de leurs revendications: les subtilités juridiques leur échappent.

Que le législateur leur dise au contraire, à propos de la grève : « Vous serez punis si vous y avez recours », cette formule catégorique en détournera la plupart d'entre eux, tous ceux qui, susceptibles de se laisser entraîner par des raisonnements captieux, ne se soucient pas cependant de violer un texte de loi précis. Les syndicats agités perdront leur raison d'être et leur prestige : les agents s'intéresseront alors tout naturellement aux moyens mis à leur disposition pour établir des rapports réguliers entre eux et leurs administrations.

Mais il faut se garder de plier aux cadres étroits et rigides d'un texte législatif, une institution qui demande à être appliquée avec prudence et à conserver beaucoup de souplesse. Les conférences entre les délégués élus du personnel des chemins de fer et leurs chefs de service ne donneront des résultats utiles que si elles se développent suivant les besoins de chaque réseau et à mesure que les agents soustraits à l'influence des doctrines fausses, acquerront le sentiment de leurs responsabilités et de leurs véritables intérêts.

JOSEPH THUREAU.

LES CONVENTIONS PRÉSIDENTIELLES

AUX ETATS-UNIS

Un président de la République se fait, en France, en une demi-journée. Aux Etats-Unis, la même opération prend de neuf à douze mois. L'année présidentielle fait partie du calendrier américain au même titre que l'année bissextile el. comme elle, revient tous les quatre ans. La fièvre qui l'accompagne semble être une des nécessités vitales d'un peuple qui adore la politique avec la passion qu'il met à tous les sports. Seulement, une fièvre qui dure douze mois entraîne des désordres qui ne sont pas très salutaires pour la prospérité matérielle et, même aux Etats-Unis, beaucoup de personnes commencent à demander que la périodicité de ces éruptions soit un peu plus espacée.

Une campagne électorale présidentielle aux Etats-Unis n'est pas seulement très longue; elle est aussi très compliquée. Cette année-ci, en particulier, ceux qui n'en ont pas pénétré le mécanisme ne peuvent comprendre un mot au duel TaftRoosevelt, dont le spectacle sans précédent a passionné ou affligé le public du monde entier. Quand on pense que l'élection présidentielle n'a lieu officiellement que le 5 novembre prochain et que déjà un engagement très violent a pris fin (dans lequel M. Taft a été péniblement victorieux), c'est à se demander combien de fois il faut affronter le suffrage avant de le conquérir.

Le mot de l'énigme est facile à fournir. La campagne électorale aux Etats-Unis se compose de deux périodes bien distinctes la première période est consacrée à la compétition. des candidats à l'intérieur de chaque parti, en vue de se faire désigner ou, comme on dit là-bas, « nommer » candidat offi

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