vrières M. de Breitenbach, ministre des Travaux publics de Prusse, a exprimé plusieurs fois sa volonté de l'assurer: « Nous souhaitons que les Commissions ouvrières se manifestent comme bienfaisantes à tous les points de vue. Nous désirons surtout que les représentants des ouvriers sentent bien qu'ils sont les mandataires de tous les travailleurs, leurs camarades, qui peuvent les choisir sans avoir à craindre aucune pression administrative. » (Discours à la Chambre des représentants de Prusse, avril 1909). « Je souhaite d'écarter des Commissions ouvrières, tout ce qui pourrait entraver leur activité; j'ai dans ce but rendu de nombreuses décisions; je désire surtout que les revendiactions et les propositions des ouvriers soient examinées tranquillement et sérieusement. » (Id., avril 1910). Pour qu'aucune considération ne détourne les représentants ouvriers de siéger dans les Commissions, les règlements fixent le montant des indemnités de déplacement et de séjour, à leur allouer pour leur permettre de se rendre et de demeurer au chef-lieu de l'inspection où se tiennent les sessions; pour assurer aux discussions l'ampleur désirable, une circulaire ministérielle du 25 mai 1910, considère comme essentiel, que tous les membres des Commissions aient la faculté d'exprimer leurs opinions sans avoir rien à craindre pour leurs intérêts personnels. Ainsi nettement limitées dans leurs attributions, mais assurées d'une entière liberté de discussion, les Commissions d'ouvriers ont fonctionné avec une grande activité. En 1909, les chemins de fer hesso-prussiens ont occupé sur leurs 37.000 kilomètres, 293.580 ouvriers: 760 Commissions ont discuté 4.549 propositions dont 2.596 soit 57 0/0 ont reçu une solution conforme aux vœux des représentants. Parmi ces propositions, 1.438 avaient trait au salaire : 546 soit 38 0/0 ont reçu satisfaction. En 1910, les Commissions au nombre de plus de 1.000 ont discuté 5.482 propositions; les ouvriers ont eu gain de cause pour plus de la moitié. « Ces chiffres établissent bien, déclare M. de Breitenbach, qu'il ne s'agit pas là d'une simple apparence, comme nous l'ont souvent reproché les socialistes qui, en tout ce que nous faisons, veulent voir une REVUE POLIT., T. LXXIII. 31 «< farce » (sic en français dans le discours en allemand) » (Zeitung des Vereins, 11 janvier 1911). Les socialistes prussiens ont, en effet, combattu, mais vainement les Commissions élues créées pour les ouvriers des chemins de fer. Leurs critiques n'ont pu prendre sur un personnel discipliné et soigneusement soustrait à la propagande syndicaliste. Etrangers pour la plupart à la pensée de la grève, les ouvriers des chemins de fer ont accueilli et utilisent volontiers une institution qui leur offre le moyen de faire connaître leurs désirs à l'Administration et leur a permis d'obtenir en quelques années 10 millions d'augmentation de salaires. Les administrations de chemins de fer allemandes n'ont jamais hésité à contester nettement à leur personnel le droit de se mettre en grève; elles ont été souvent et énergiquement soutenues dans cette attitude par les gouvernements, parfois même par les Assemblées législatives des différents Etats de l'Empire. En 1906, une association d'agents de chemins de fer, der Suddeutsche Eisenbahnerverband, ayant réclamé pour les cheminots, comme corollaire du droit d'association reconnu par la loi, celui de se mettre en grève, cette revendication formulée dans une réunion publique, causa un gros émoi en Bavière. Interrogé à cette occasion dans la séance de la Chambre des députés, du 3 août 1906, le ministre d'Etat, M. von Frauendorfer exposa ainsi l'opinion du gouvernement « Si les agents de nos voies ferrées s'oubliaient au point de troubler toute la vie économique du pays en se mettant en grève, je considérerais comme de mon devoir de lutter contre eux avec tous les moyens et toutes les rigueurs que la puissance publique met à ma disposition. »> Le 22 avril 1910, dans une circonstance analogue, M. von Frauendorfer rappelle le mal profond causé par la grève des transports en Hongrie, en Italie et en Suisse. Il ajoute : « Je considérerais comme regrettable que l'idée, même purement théorique, de la grève pût être discutée dans une réunion d'agents de chemins de fer. Cette idée ne doit se faire jour nulle part dans notre organisation de chemins de fer. » Comme conclusion au débat alors engagé, la Chambre ba varoise vote par 89 voix contre 35 la résolution suivante. « Considérant que la grève dans les exploitations de transports aurait les plus graves inconvénients pour l'intérêt public et celui de l'Etat, la Chambre: 1° Déclare inadmissible la prétention au droit de grève pour les agents des exploitations de transports. « 2° Invite le gouvernement à s'opposer énergiquement à toute tentative susceptible de faire naître le danger de celle grève. En Prusse, nous trouverons dans la bouche des ministres, des des déclarations non moins catégoriques que celles de M. von Frauendorfer. Le 20 février 1911, au cours de la discussion du budget des chemins de fer devant le Landtag, un député socialiste M. Leinert, critique la sévérité et l'arbitraire de l'Administration et prétend que le mécontentement du personnel pourrait éclater violemment! « Nous voulons, conclut-il, des hommes libres dans un Etat libre!» Le ministre d'Etat, M. de Breitenbach, relève vivement ces paroles : « Il y a des circonstances où tout citoyen doit admettre que les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la loi, puissent être limités dans leur exercice par des intérêts plus considérables que ceux des individus. Telle est mon opinion très arrêtée et je ne doute pas que la Chambre la partage. « J'estime que l'issue de la grève en France sur les réseaux du Nord et de l'Ouest et l'altitude du gouvernement français en cette circonstance, constituent un grave échec pour notre social-démocratie allemande parce qu'ainsi s'est trouvée démontrée de façon éclatante l'impossibilité pour sa doctrine de supporter l'épreuve de la pratique. Elle soutient que tous les travailleurs, même les employés d'une administration qui doit veiller à l'intérêt public, ont le droit de grève : cette théorie a fait faillite en France; là-dessus il n'y a pas de doute. Et si M. Leinert veut persuader à notre personnel qu'il lui est possible de se mettre en grève, je lui réponds: Nous saurons lutter dans l'intérêt public contre cette éventualité et pour cela les moyens ne nous manquent pas. » Et quelques mois après, le 13 novembre, M. de Breitenbach disait encore: « Nous ne supporterons pas que les socialistes considèrent la suspension du travail comme un moyen licite pour les agents de chemins de fer, d'atteindre leurs buts économiques et autres; nous n'admettons pas que nos agents manquent au respect et à l'obéissance qu'ils doivent à leurs supérieurs, qu'ils excitent leurs compagnons de travail à l'indiscipline! » Conséquentes avec elles-mêmes, les administrations de chemins de fer ne se contentent pas de déclarer théoriquement que leurs employés et ouvriers n'ont pas le droit de se mettre en grève, elles n'hésitent pas à leur contester, quand elles le jugent utile, le libre exercice du droit d'association pourtant reconnu à tous les citoyens allemands: elles prétendent en puiser le droit dans la loi elle-même et dans le contrat passé entre elles et leurs agents. Les droits d'association et de coalition ont été reconnus par la loi d'Empire du 19 avril 1908 et par l'ordonnance relative à l'Industrie (Gewerbeordnung). Ni l'une ni l'autre ne s'applique aux agents de chemins de fer d'après le Dr Rugen, ministre des Finances de Saxe, le secrétaire d'Etat, M. de Bethmann Hollweg, aurait déclaré au Reichstag pendant la discussion de la loi de 1908, qu'elle laissait intacts les droits découlant entre certaines personnes ou catégories de personnes de la nécessité de la discipline (Discours du 1er févr. 1910, Zeitung des Vereins, 19 février 1910); le 22 avril 1910, M. von Frauendorfer rappelait à la Chambre bavaroise que la « Gewerbeordnung »>, aux termes mêmes de son article 6, ne s'appliquait pas aux chemins de fer et que le Tribunal supérieur de l'Empire avait compris dans l'expression de « chemins de fer », largement interprétéc, les ateliers de construction et de réparation des machines et wagons (Z. d. V., 16 décembre 1911). Quand un ouvrier est admis dans les cadres du personnel d'un réseau allemand, il lui est donné connaissance du règlement qu'il s'engage à observer pendant toute sa carrière et qui contient toujours la disposition suivante ou une clause analogue: « En dehors du service, l'ouvrier des chemins de fer doit se conduire avec dignité et honneur et s'abstenir de prendre part à toute manœuvre contre l'ordre ou d'adhérer à toute association dont les tendances sont contraires à l'ordre. » (Art. 3, § 2, du règlement des chemins de fer Hesso Prussiens). L'agent qui ne se conforme pas à cette disposition viole l'engagement qu'il a pris et rompt ainsi de luimême le contrat qui l'attache au chemin de fer. (( Quand une manœuvre, une association sont-elles, suivant la formule du règlement hesso-prussien, contraires à l'ordre, ordnungsfeindlich » ? Les administrations entendent réserver leur liberté d'appréciation. Cependant une décision du ministre des Travaux publics de Prusse, vient de donner une expression à leur opinion générale. « L'intérêt de l'Etat comme celui de la population tout entière, exige que l'exploitation des chemins de fer soit à l'abri de toute espèce de perturbation; il est donc nécessaire que, dès leur entrée dans les cadres de l'Administration, les ouvriers connaissent bien la situation spéciale des agents de chemins de fer, et les restrictions auxquelles sont soumis leurs droits de suspendre leur travail et de prendre part aux manifestations de la social démocratie ou à toute autre susceptible de troubler l'ordre. » Dans les indications à donner aux ouvriers, on leur spécifiera que l'adhésion à l'«< Union des ouvriers des transports (section des ouvriers de chemins de fer) », leur est particulièrement interdite. La décision ministérielle ajoute : « Seront considérées comme participation à un effort de la social-démocratie, la réception et la distribution des journaux ou toutes autres publications socialistes, la présence aux réunions socialistes. Tout fait de cette nature sera puni de révocation. >> C'est donc à la « social-démocratie » que la guerre est déclarée parce qu'elle provoque le personnel des chemins de fer à la grève le ministre M. de Breitenbach, d'ailleurs, ne s'en défend pas. Interrogé au Landtag, le 16 avril dernier, par un député socialiste à l'occasion de sa récente décision, il lui répond qu'elle se justifie par la propagande tantôt au grand jour, tantôt dissimulée, de la social-démocratie parmi les agents de chemins de fer pendant 1911, et aux applaudissements de la Chambre, il continue : « Il me semble qu'il est de notre devoir de faire connaître à nos ouvriers ce qui les attend s'ils ne se conforment pas aux principes de l'Administration dans sa lutte contre la social-démocratie, s'ils |