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jet récemment d'un débat intéressant à la Commission du travail. M. Bourgeois, ministre du Travail, a fait remarquer que le texte proposé étant une application de la méthode expérimentale, plus le champ des expériences serait limité, et plus il serait facile d'arriver à la solution de problèmes plus généraux.

2° Ne devrait-on pas autoriser le gouvernement à étendre, après enquête, le bénéfice de la loi à certaines industries non visées au texte ? M. Néron a insisté, en faveur de l'affirmative sur la condition précaire des ouvriers rubaniers de la Loire travaillant à domicile, et sur les avantages économiques et sociaux que présenterait pour cette catégorie de travailleurs (1) l'adoption d'un tarif légalement sanctionné. Mais le ministre du Travail a répondu qu'en l'état et pour les motifs ci-dessus déduits, il lui semblait périlleux de s'engager dans celte voie. Comment refuserait-on, par exemple, aux tisseurs de soie du Rhône le bénéfice d'une loi de faveur accordée à ceux de la Loire ?

3o Est-ce bien à un tribunal comme le conseil de prud'hommes qu'il appartient de fixer le taux des salaires et de procéder comme nos anciens Parlements par voie d'arrêts de règlement, ou ne vaudrait-il pas mieux, comme en Angleterre, instituer des comités mixtes de salaires, composés en majeure partie tout au moins de représentants qualifiés de la profession? La question est des plus délicates et nous ne saurions préjuger du sens dans lequel elle sera tranchée par le Parlement (2).

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vriers et les ouvrières. Sic: 20 propos. de Mun, Ch., 10 juin 1910, Doc. parl., no 42; Engerand, Ch., 23 juin 1910, Doc. parl., no 160. C'est pour la solution extensive que s'est récemment prononcée, sur la motion de M. Néron, appuyée par MM. de Mun, Mesny, etc., l'Assoc. nat. franç. pour la prot. lég. des travaill.: « Le gouvernement doit être autorisé à étendre par décret, dans le cas ou après enquête les conditions de l'exercice des industries la feront apparaître comme nécessaire, la protection du minimum du salaire aux travailleurs des deux sexes. » (Parl. et Opin., n° 30 janv. 1912).

(1) Cons. sur la question notre étude intitulée L'industrie du ruban à Saint-Etienne et la condition des tisseurs (Quest. prat., 1911, p. 263).

(2) Ce côté du problème n'a pas encore été abordé par la Commission du travail. Mais il vient de faire l'objet d'un intéressant débat à l'Ass. nat. fr. p. la prot. lég. des trav., M. de Mun s'est fait le champion des comités mixtes de salaires qui seuls, dit-il, répondent à la conception cor

CONCLUSIONS.

La question du minimum de salaire est assurément l'une des plus complexes qui se posent à l'heure présente devant le Parlement français. Même en ce qui concerne les travailleurs à domicile, il est prudent de procéder par étapes, et d'étudier avec soin les répercussions possibles des premiers essais de salaire minimum. Peut-être même conviendrait-il, à l'instar des législateurs étrangers, allemand, ou américain, voire même anglais (car la loi de 1911 n'est que le complément de la loi de 1901 pré-rappelée), de se borner tout d'abord à organiser sérieusement l'inspection des ateliers de famille, par la déclaration obligatoire, complétée par le carnet de salaires.

En tous cas, en dehors de l'industrie à domicile, l'institution de minimum de salaire nous paraîtrait prématurée (1) ; et nous ne pouvons qu'applaudir à la réponse faite par M. L. Bourgeois, ministre du Travail à la question posée par M. Thomas, au nom du groupe des socialistes unifiés, à la séance de la Chambre du 7 mars dernier. La Fédération des mineurs français réclamait la journée de huit heures, l'amélioration des pensions, et le minimum légal de salaire, à l'instar des mineurs anglais (la grève anglaise était alors à son maximum, et le dépôt du bill était déjà annoncé).

M. L. Bourgeois répondit en substance qu'en ce qui concerne la journée de huit heures, les mineurs allaient avoir satisfaction, et que relativement à la pension, le gouvernement étudiait un projet de bonification qui permettrait d'as

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porative. Cf. Crétinon, Salaire minimum (Le Social, no 17 juill. 1910). M. Jay, au contraire, a défendu la compétence des conseils de prud'hommes, par le motifs que les ouvrières étant en immense majorité des isolées, ne se rattachant aucun syndicat, les comités de salaires que l'on pourrait constituer n'auraient aucune assiette corporative réelle et que dans ces conditions, les conseils de prud'hommes étaient plus qualifiés que tout autre organisme pour prendre efficacement la défense de ces victimes du sweating (Parl. et Opin., nos 25 déc. 1911, 10 janv. 1912).

(1) V. cependant en sens contraire, les études précitées de Broda, nettement favorable à l'introduction en Europe du régime australasien.

surer en fait une retraite de 2 francs à tout mineur ayant effectué un versement normal. Par contre, il se déclara nettement opposé à la fixation d'un minimum légal de salaire, estimant que cette question de tarif devait être réglée, comme elle l'est déjà dans plusieurs bassins (convention d'Arras), par voie de contrats collectifs.

La diffusion du contrat collectif, par voie d'entente locale ou même régionale entre patrons et ouvriers de chaque profession, l'insertion dans la loi syndicale de dispositions reconnaissant la pleine validité de ces conventions, d'ailleurs admises aujourd'hui par la jurisprudence française (V. notre Traité, n° 442 et s.), telles sont, en effet, présentement du moins, les solutions rationnelles du problème posé. Aller au delà, et inscrire dans la loi le principe du minimum de salaire pour l'ensemble des industries manufacturières, ou même pour certaines d'entre elles, serait une expérience dangereuse, au moins tant que les principaux pays concurrents de la France, l'Allemagne, en particulier, se refuseront à en faire l'essai. Seul, un accord international rendrait possible la généralisation du système ; mais la conclusion d'une telle entente nous paraît, sinon chimérique, tout au moins d'une réalisation fort éloignée.

P. PIC.

Professeur de législation industrielle à l'Université de Lyon.

L'EXPROPRIATION DES RACES INCOMPÉTENTES

MEXIQUE ET COLONIES PORTUGAISES

Dans un livre de Théodore Roosevelt, l'Idéal américain, publié en 1904, il y a une préface du capitaine Mahan, qui est intitulée : « L'Expropriation des Races Incompétentes ».

Bien que cet ouvrage soit vieux de huit ans, il ne nous paraît pas inutile d'y revenir. Le capitaine Mahan est, il faut le reconnaître, un penseur vigoureux, très préoccupé

au

moins en apparence de concilier les notions de la Force et du Droit, et son influence sur ses compatriotes a été considérable.

Il commence par établir que «l'action débordante de l'homme civilisé l'oblige à occuper toujours davantage de territoires... » Malheureusement, les terres inoccupées deviennent chaque jour plus rares, et force est à l'« homme civilisé » de choisir, parmi les contrées même habitées, celles où il rencontrera le moins de résistance... « S'il trouve sur sa route, ajoute le capitaine Mahan, quelque région riche en possibilités mais stérile par suite de l'incapacité ou de la négligence de ceux qui l'habitent, la race incompétente, la race inférieure devra céder la place à la race supérieure.....

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Atténuant ce que cet aphorisme peut avoir de trop brutal par des considérations soi-disant juridiques, notre auteur continue de la sorte: « Les droits inaliénables des individus ont des titres au respect, bien que, par malheur, ceci ne soit pas toujours observé; mais il n'y a pas de droit inaliénable pour une communauté d'administrer souverainement une con

trée quelconque, quand cette administration s'exerce au détriment du monde en général, de ses voisins en particulier, et même parfois au détriment de ses propres sujets. »

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Faisant ailleurs allusion aux Turcs et à l'état de désorganisation de leur Empire, le capitaine Mahan déclare: Qu'une telle situation puisse se prolonger, cela ne saurait être dû qu'à l'indifférence générale ou à la jalousie réciproque des autres peuples intéressés, comme c'est le cas de la Turquie, ou parce qu'il y a une force suffisante pour faire durer ce mauvais gouvernement, et, alors, il faudra que l'abus qui sera fait de cette force, engendre lui-même la ruine, ou bien qu'une force plus puissante encore intervienne pour déposséder l'autre... >>

Et il continue sur ce ton, en affirmant que les Indiens en Amérique, les Egyptiens en Afrique, les Arabes en Asie et en Afrique, les Turcs en Europe et en Asie, etc., en un mot, «< toutes les races incompétentes doivent être obligées et contraintes, dans l'intérêt supérieur de la civilisation, soit à céder leurs territoires, soit à accepter le contrôle politique ou économique d'une autre nation.

La conclusion du capitaine Mahan est celle-ci-: « C'est parce qu'une grande partie du monde est encore au pouvoir de sauvages ou d'Etats, dont le développement politique et économique est imparfait, que ces territoires ne produisent pas les fruits qu'on serait en droit d'en attendre dans l'intérêt général, alors que dans les Etats civilisés, il y a des excédents d'énergies qui ne demandent qu'à déborder et qui souffrent des limites dans lesquelles elles sont contenues, autant que de l'épuisement de leur milieu. C'est pourquoi le monde vit dans un état d'inquiétude belliqueuse, qui est une cause de malaise général... »

En résumé, la théorie de l'écrivain américain tient en ces trois formules: 1° il y a des races et des nations incompétentes; 2° il n'y a pas de droits inaliénables pour les collectivités ; 3° il existe, par suite, nécessairement, dans le monde un état perpétuel d'équilibre instable, qui est le résultat des jalousies, des convoitises, et de la méfiance réciproque des grands Etats.

Pour mettre fin à ces rivalités, pour satisfaire toutes ces

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