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25 mars 1912 (1), provoqué par la grève générale des mineurs, et voté sous la pression de la Fédération des mineurs.

La Fédération entendait imposer aux patrons, non seulement la reconnaissance du principe du minimum légal des salaires pour l'ensemble des travailleurs des mines de houille, mais encore l'échelle de salaires minima élaborée pour chaque district minier par les unions régionales, échelle variant de 6 fr. 15 (Somersetshire) à 9 fr. 35 (Yorkshire)!

La majorité des propriétaires de mines (70 0/0 environ), s'était dès le début de la grève (fin février), déclarée favorable au principe du minimum ; mais la plupart se montrèrent résolument hostiles à l'insertion dans la loi elle-même des tarifs correspondant à chaque bassin, un tel procédé équivalant à placer les diverses exploitations sous le contrôle du Parti ouvrier.

Le débat ainsi engagé risquait de s'éterniser au détriment de l'industrie nationale, paralysée par la disette de charbon. En présence d'une situation aussi critique, le ministère Asquith crut de bonne politique de céder sur le premier point. Un projet conçu en ce sens fut déposé sur le bureau de la Chambre des communes, le 19 mars; discuté et voté par les deux Chambres en quelques jours (20-27 mars), il reçut la sanction royale le 29 mars. Dès le lendemain, les mineurs satisfaits reprenaient le travail.

Cette loi institue le principe du salaire minimum pour tous les ouvriers mineurs travaillant en galerie souterraine, pourvu qu'ils aient travaillé pendant le temps normal (8 heures), et ce, alors même que leur production diminuerait, par suite de circonstances, n'engageant pas leur responsabilité, au-dessous de la moyenne. Des comités locaux (joint district boards), composés de délégués patronaux et ouvriers en nombre égal, présidés par une personnalité indépendante désignée par le gouvernement, ont mission d'établir pour chaque district, après enquête sur les modalités d'exploitation

(1) Cons. notamment sur cette loi Musée soc., numéros avril et juin 1912; Mercier, op. cit., p. 80 et s.; de Seilhac, Rev. des quest. ouvrières (Rev. polit. et parl., juin 1912); Broda, La grève des mineurs anglais et la législation sur le minimum de salaire (Doc. du Progrès, mai 1912); Revue de travail de Belgique, n° 30 avril 1912.

et son rendement moyen, un salaire minimum général et un cahier de règlement général, ayant force exécutoire à l'encontre des deux parties.

Cette loi, il ne faut pas se le dissimuler, crée un précédent redoutable. Vainement M. Asquith, pour justifier cette demicapitulation du Parlement britannique devant le parti ouvrier, fit-il observer qu'il s'agissait d'une véritable loi de safut public, attendu que l'industrie du charbon était, au sens strict du terme, le sang de la vie industrielle britannique. Un tel argument ne pourrait-il pas être invoqué demain à l'appui du vote du minimum de salaire en faveur des employés des voies ferrées, des marins, ou même des dockers !

Comme le fait remarquer justement M. de Seilhac dans sa chronique précitée, l'exemple est contagieux. Et de fait, à peine le travail était-il repris dans les mines, que les dockers de Londres se mettaient en grève à leur tour, à l'effet d'obtenir la même faveur ! La grève, mollement soutenue par les autres organisations ouvrières, momentanément appauvries par le conflit minier, paraît aujourd'hui terminée. Mais le feu couve sous la cendre, et la Grande-Bretagne sera peutêtre prochainement acculée à de nouvelles concessions.

La question en Allemagne et en Autriche. - L'initiative de l'Angleterre a déterminé plusieurs Etats à élaborer des projets tendant à instituer un minimum légal de salaire au profit des travailleurs à domicile, ou tout au moins de ceux d'entre eux plus spécialement exposés au sweating.

Un seul de ces projets a jusqu'ici abouti, mais profondément modifié, nous voulons parler de la loi allemande du 20 décembre 1911 sur l'industrie à domicile (1). Par suite de l'opposition du gouvernement, le texte proposé par une fraction importante du Reichstag a été repoussé et les conseils professionnels (Fachausschüsse), dont la loi autorise la créa

(1) Aux termes de cette loi (Rev. du travail de Belgique, no 31, janv. 1912), dans tous les locaux où le travail est distribué pour être exécuté à domicile et dans ceux où le travail est livré à l'entrepreneur, doit être affichée une liste des salaires afférents à chaque catégorie de travail. La personne qui distribue le travail doit remettre à chaque ouvrière un carnet de salaires. Les autorités de police locale sont investies de larges pouvoirs de surveillance au point de vue de l'installation hygiénique des locaux. Pour plus de développements, v. notre Traité, no 730 ter.

tion par le Bundesrath, sont investis d'attributions purement consultatives. Ils peuvent procéder à des enquêtes sur le taux courant des salaires, provoquer la conclusion de contrats collectifs entre patrons et ouvriers, mais leurs suggestions n'ont que la valeur d'un conseil ou d'un vou, dépourvu de toute force obligatoire. Il convient de noter d'ailleurs que les partisans des conseils de salaire du type anglais, très nombreux en Allemagne, ne se tiennent pas pour battus, et se proposent de revenir prochainement à la charge devant le Reichstag (1).

En Autriche, au contraire, c'est le gouvernement lui-même qui a saisi, en 1911, le Parlement d'un projet tendant à instituer, au profit des travailleurs en chambre des industries du vêtement, de la chaussure et de la lingerie, des commissions du travail, composés de patrons et d'ouvriers en nombre égal, ou investies, comme les comités anglais, du pouvoir de fixer d'autorité le salaire maximum, à la journée ou aux pièces (2).

§ 3. LES PROJETS FRANÇAIS.

Portée devant le Parlement par une première proposition de Mun, relative à l'institution de comités professionnels chargés d'établir des salaires minima pour les travailleurs à domicile (3), la question du minimum légal de salaire a fait l'objet, en 1910, d'une étude préparatoire du Conseil supérieur du travail. Le Conseil a tout d'abord écarté, à raison de son champ d'application beaucoup trop large, un avant-pro

(1) Sur le mouvement d'opinion allemande en faveur des conseils de salaires, cons. notamment: Leroy, La question du minimum de salaire dans l'industrie à domicile en Allemagne (Rev. d'écon. polit., 1909, p. 806; de Pieper, La réglementation du travail à domicile en Allemagne (rapp. au Congrès intern. de Bruxelles, 1910); Elx Luden, Steimarbeitsfragen in Deutschland, Berlin, 1910; Boyaval, op. cit., p. 516.

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(2) V. Mark, Le nouveau projet de loi (autrichien) sur la réglementation du travail à domicile (Doc. du Progrès, janv. 1912). Cf. propos. belge Nysmans (Journ. trib. de Bruxelles, no 30 mars 1911). (3) Propos. de Mun, Ch., 2 avril 1909, Doc parl., no 2453.

jet de M. Viviani (1), ministre du Travail, tendant à ériger en comités de salaires les conseils du travail qui pourraient être constitués, en exécution de la loi du 17 juillet 1908, dans les industries du moulinage et du tissage de la soie, du tissage des étoffes, de la lingerie, des vêtements, des chapeaux, chaussures et fleurs artificielles. Bien que ces comités ne dussent fonctionner, sauf pour le moulinage et la filature de la soie, que pour le travail à domicile salarié, le Conseil estima qu'il convenait de limiter l'expérience à un petit nombre d'industries, de ne protéger tout d'abord que les femmes et de laisser au jeu de la loi assez de souplesse pour ne pas priver de travail, par une réglementation trop rigoureuse, les ouvrières chétives ou malhabiles.

En conséquence, le Conseil, sur le rapport de M. Honoré adopta les dispositions suivantes (2):

« Les femmes travaillant à domicile pour la confection de la lingerie, broderie à la main, vêtements, chapeaux, chaussures, fleurs artificielles et tous autres travaux salariés rentrant dans l'industrie du vêtement (3), ne pourront recevoir une rémunération inférieure au salaire ordinaire des ouvriers non spécialisés dans la région. Les conseils de prud'hommes (et non les conseils consultatifs du travail qui n'ont pas encore fonctionné) constatent le taux du salaire journalier visé ci-dessus; ils publient le résultat de leurs constatations, sans avoir la prétention d'établir, a priori, des listes complètes de salaires, à raison de la difficulté que présenterait dans la pratique la multiplicité et la variabilité incessante des articles du vêtement.

« Pour faciliter l'appréciation des conseils de prud'hommes

(1) Quest. pratiques, 1910, p. 101.

(2) Cons, sup. d. trav., Salaire minimum pour les ouvrières à domicile, Impr. nat., 1910. Cf. Quest. pratiques, 1910, p. 355.

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(3) Les fileuses des moulinages et filatures de la vallée du Rhône ne figurent pas dans cette énumération. Il serait équitable cependant de les ajouter à la liste, ne fût-ce que pour les faire bénéficier des primes à la filature et à la sériciculture édictées par la loi du 11 juin 1909.

Ainsi procède, nous l'avons vu précédemment, le législateur autrichien (ordon. du ministére autrich. du comm. du 30 avr. 1909. Sic: Brouilhet, La loi du 11 juin 1909 sur les primes à la sériciculture (Quest. prat., 1909, p. 273): Jay, Protection douanière et protection ouvrière (Eveil démocr., no 6, juin 1909).

REVUE POLIT., T. LXXIII.

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sur le taux moyen du salaire, les conseils du travail pourront dresser le tableau des tarifs pour les tâches les plus usuelles. Les prix de façon des travaux fixés par tout entrepreneur de ce genre doivent être mentionnés sur un bulletin à souche ou un carnet remis à l'ouvrière. Les prix des articles faits en série seront affichés en permanence dans les locaux où s'effectueront la remise des matières premières aux ouvrières et la réception des marchandises après l'exécution du travail ».

Le gouvernement a déposé le 7 novembre 1911 (1) un projet de loi sur le salaire des ouvrières à domicile dans l'industrie du vêtement, portant modification des titres III et V du livre 1er du Code du travail, qui reproduit en substance l'avantprojet du Conseil supérieur du travail. Il s'applique aux mêmes industries, ne protège que les ouvrières travaillant à domicile et confère aux prud'hommes et aux conseils du travail une double mission: les prud'hommes ayant le droit, qui, sous l'empire de la loi actuelle ne saurait leur être reconnu, de redresser leurs comptes de salaires inférieurs au taux considéré comme normal, et les conseils du travail ayant simplement le droit de dresser d'office, ou à la demande du gouvernement, des tableaux de tarifs, qui sont affichés et servent de guide aux conseils de prud'hommes, lesquels restent d'ailleurs libres de ne pas s'y conformer.

La Commission du travail, saisie de cet important projet. aura tout d'abord à résoudre deux questions préjudiciables : 1° Convient-il de limiter rigoureusement la protection légale aux ouvriers, ou ne serait-il pas plus équitable et plus conforme aux intérêts même des femmes que l'on désire protéger, d'autoriser le gouvernement, après enquête, à étendre le bénéfice du salaire minimum aux ouvrières travaillant dans les mêmes conditions (2)? La première question a fait l'ob

(1) Ch., 7 nov. 1911, Doc. parl., no 1269; Quest. prat., 1912, p. 21 et s. Les autres prescriptions du projet, inspirées de la loi anglaise de 1909 (tenue par les fabricants faisant exécuter des travaux à domicile d'un registre indiquant le nom et l'adresse des ouvrières, affichage des prix de façon dans les locaux où s'effectuent la remise des matières premières et la réecption des marchandises, etc.), ne sauraient soulever les mêmes objections de principes et seront certainement acceptées presque sans débats. Sur ces prescriptions, v. notre Traité, no 869 ter.

(2) Les propos. dues à l'initiative parlementaire visent à la fois les ou

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