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que réclamaient une nouvelle organisation militaire et que la situation particulière des pays du Sud de la Monarchie rendaient plus sensibles les lacunes existantes.

La loi militaire qui vient d'être votée fixe pour douze ans le contingent des recrues, pour l'armée commune austro-hongroise. L'administration militaire espère ainsi pouvoir opérer une réorganisation complète dans un sens moderne, sans avoir à se préoccuper des vicissitudes politiques. Ce contingent est porté de 103.100 à 159.000 hommes et ceux des deux Landwehre sont également augmentés. Les insuffisances actuelles d'effectifs sont ainsi complé tées, des formations nouvelles sont rendues possibles, l'artillerie de forteresse va prendre un grand développement et l'armée s'améfiorera au point de vue de la qualité.

La nouvelle loi accorde une série d'adoucissements que la population réclame depuis longtemps et qui rendront plus supportables les charges résultant de l'augmentation des effectifs. Tout d'abord l'immense majorité des recrues servira deux ans au lieu de trois. Le service de trois ans n'est maintenu que pour la cavalerie et les autres troupes montées. Dans la marine, la durée du service reste fixée à quatre ans. Ces dispositions ont provoqué des critiques, mais toutefois, n'ont pas été modifiées. Assurément, l'administration militaire promit de tenir compte, après une courte période d'essai, des propositions qui seraient faites en vue d'égali ser la durée du service, mais on sait que les promesses de ce genre sont bien rarement tenues.

La loi élargit encore le droit qu'ont les dispensés (qui servent un an seulement) de reculer leur service jusqu'à 24 ans révolus, et elle a tenu compte tout particulièrement des étudiants en médecine.

On a diminué la durée du service à la condition de constituer un corps de sous-officiers répondant, comme nombre et comme qualité, à la situation nouvelle. On y arrivera, en partie en retenant sous les drapeaux un certain nombre d'hommes après leurs deux ans de service, en partie au moyen de sous-officiers rengagés auxquels on assurera en échange certains avantages matériels, et, en particulier, des postes inférieurs de fonctionnaires pour plus tard.

Le Code de justice militaire fut remanié en même temps, mesure qui était réclamée depuis bien longtemps, car le code jusque-là en vigueur avait plus d'un siècle et ses dispositions étaient complètement vieillies. Le nouveau répond aux conceptions modernes de la jurisprudence, et, sans une mesure de ce genre, la nouvelle

loi militaire n'aurait sans doute pas rencontré auprès de l'opinion un accueil favorable. Les gouvernements autrichien et hongrois ont dû surmonter toutes les difficultés, d'ordre militaire ou d'ordre linguistique, que la nouvelle procédure devait naturellement soulever dans un Etats aussi polyglotte. Le nouveau Code de justice militaire repose sur les principes suivants : procédure d'acaccusation, procédure directe et orale et libre appréciation des preuves et témoignages. Il admet que l'accusé soit défendu par des tiers et à côté des défenseurs militaires fonctionneront des avocats civils. La publicité des débats est assurée. Il est tenu grand compte de la nécessité de maintenir la discipline et d'autre part, la procédure est rendue très simple et très rapide.

La seconde œuvre importante que le Parlement avait à réaliser consistait à réformer les règles de la discipline pour les fonctionnaires civils et à améliorer leur situation matérielle. Jusqu'à présent, la Chambre des députés s'est seule acquittée de cette tâche et la Chambre des Seigneurs apportera sans doute bien des modifications au texte voté par elle.

La discussion de ce projet de loi a révélé la puissance du courant socialiste qui domine une bonne partie de la Chambre. Le parti socialiste, avec les cent voix dont il dispose, constitue presque un cinquième de cette Assemblée et ses procédés d'intimidation poussent une fraction assez importante de celle-ci à se joindre à lui, par politique électorale, dans la question des fonctionnaires et dans celle des instituteurs.

Par suite, dans la question des coalitions de fonctionnaires et au sujet des dispositions qui laissent aux fonctionnaires entière liberté de constituer des associations, la Chambre a adopté des textes que le gouvernement s'est refusé à approuver. Il menace de ne pas soumettre la loi à la sanction royale si sa teneur n'est pas modifiée. Aussi la Chambre des Seigneurs éliminera-t-elle les dispositions qui pourraient ruiner la discipline chez les fonctionnaires et qui représentent des concessions au syndicalisme. Comme cette nouvelle pragmatique établit un avancement automatique d'après l'ancienneté, les fonctionnaires accepteront, du moins provisoirement, le rétablissement du texte gouvernemental relatif à la question de discipline, afin de voir se réaliser le plus vite possible l'amélioration de leur situation matérielle. Le projet reviendra devant la Chambre des députés à l'automne et il sera sans doute voté conformément aux désirs du gouvernement.

Dans ces grandes questions de la loi militaire et du statut des

fonctionnaires, le gouvernement présidé par le comte Stuergkh a donc remporté un succès dont on ne saurait exagérer l'importance. Il a obtenu gratuitement du Parlement à condition de surmonter bien des difficultés de tactique ce que les précédents gouvernements n'avaient pu obtenir ni par des menaces, ni par la promesse de concessions. Assurément, il manque encore la partie la plus importante de la réalisation de ces réformes, à savoir les ressources financières nécessaires. En dépit d'un développement économique croissant et d'une augmentation remarquable des recettes publiques, on craint fort que les frais des réformes déjà votées et des grands projets économiques (constructions de voies navigables et de canaux, extension du réseau de chemins de fer d'intérêt local, crédits pour les chemins de fer de l'Etat) ne ruinent l'équilibre du budget. Naturellement, le ministre de la Guerre s'est empressé de réaliser dans la pratique les transformations auxquelles il venait d'être autorisé. Toutefois, son prédécesseur, en prévision du vote de la loi militaire, avait soumis aux délégations des suppléments de crédits s'élevant à 64.800.000 couronnes comme dépenses permanentes et à 75 millions comme dépenses extraordinaires. Ces crédits devaient être répartis sur les budgets de 1912 à 1915. Mais le ministre de la Guerre, von Auffenberg, demandait aussi 250 millions pour la transformation de l'artillerie et autres armements nouveaux. Un conseil des ministres autrichiens et hongrois décida de s'en tenir au programme du général Schoenaich, et, provisoirement du moins, de ne pas accueillir les demandes de crédits de Auffenberg, que le comte Berchtold, ministre des Affai res étrangères, avait cependant soutenues.

On sait qu'en pareilles circonstances les ministres des Affaires étrangères dépeignent toujours la situation extérieure sous le jour le plus sombre et le comte Berchtold ne manqua pas de faire d'obscures allusions aux dangers qui menaçaient la monarchie au Sud et au Sud-Est. Pendant deux jours on batailla, au conseil des ministres, autour de la question du renouvellement de l'artillerie et de la construction de fortifications nouvelles, mais le ministre de la Guerre dût finalement renoncer à ses demandes et le budget de la guerre soumis aux Délégations ne sortira pas du cadre des conventions déjà arrêtées et communiquées aux délégations il y a deux ans. Ce furent surtout le président du conseil de Hongrie M. de Lukace, et le ministre des Finances hongrois, M. Teleszki, qui opposèrent aux demandes de la guerre, une résistance insurmontable. En Hongrie, où il a fallu user de violence, dans le domaine parlementaire, pour faire voter la loi militaire, on ne peut

songer pour le moment à demander au Parlement, pour l'armée, de nouveaux crédits dépassant le strict nécessaire pour la réalisation de la réforme militaire. De son côté, le ministre autrichien des Finances, M. de Zaleski, s'est refusé, en présence de la situation financière, à demander au Parlement 250 millions. Après le rejet de cette demande du ministre de la Guerre, on affirma que le conseil des ministres ne s'était jamais occupé de la question de l'artillerie. La crainte endémique de toutes les administrations militaires d'être dépassées, au point de vue des armements, par les Etats voisins, oblige l'Autriche à prendre part également à cette course aux armements. La protection de ses frontières lui impose des charges de plus en plus lourdes et dont on ne prévoit pas le terme. Le programme formulé par le ministre de la Guerre a été ajourné, mais il est probable qu'il reviendra bientôt en discussion.

Toutes ces dépenses nouvelles font espérer une réforme fiscale. Le gouvernement promet bien de diminuer les dépenses ordinaires en usant d'économie, mais il ne sera possible d'équilibrer le budget qu'à la condition d'augmenter les recettes publiques en relevant les impôts directs et indirects. Le Parlement redoute le vote de nouveaux impôts, mais n'hésite pas pour cela à engager de nouvelles dépenses. C'est ainsi que, pendant celte partie de la session, il a évité de discuter soigneusement le budget et les projets d'impôts présentés par le gouvernement. Il s'est contenté de voter des douzièmes provisoires pour les six derniers mois de l'année. Mais ce vote en bloc, reposant sur les prévisions budgétaires de l'exercice précédent et le vote de crédits supplémentaires, ne saurait remplacer une étude attentive des divers chapitres du budget. Le Reichsrat ne cesse de commettre la même faute : se soustraire à la tâche qui lui incombe de faire face aux besoins croissants par une réforme fiscale et prendre garde, en opérant cette réforme, que les classes moyennes, déjà surchargées d'impôts ne soient obligées de supporter encore de plus lourdes charges. Sous peine de détruire tout équilibre budgétaire, le Parlement sera bien obligé, à l'automne prochain, de trouver le moyen de prévenir le déficit menaçant, et il devra, pour cela, procéder à des relèvements d'impôts. Quant aux sommes nécessaires pour les travaux publics et pour l'armée, il faudra bien avoir de nouveau recours à un emprunt, dans la mesure où le permettra la situation du marché.

L'ancien ministre des Finances, le baron Plener, qui connaît à foud le mécanisme budgétaire, a exposé récemment que le déficit

pour 1912, déficit qu'il faut combler en premier lieu, s'élève à 112 ou 118 millions de couronnes. La dette publique a augmenté de 1.746 millions de couronnes, au cours de ces quelques dernières années, par l'émission de titres de rente. Ces émissions fréquentes ont entraîné une baisse des cours de la rente, d'autant plus que son taux de capitalisation ne correspondait pas avec la hausse générale du taux de l'intérêt. Ce fait constitue un sérieux avertissement à l'adresse du gouvernement et du Parlement, qui devraient l'un pratiquer une économie systématique, et l'autre, étudier avec soin le budget de façon à contrôler rigoureusement la question des deniers publics. Mais il faudrait pour cela que les budgets provisoires disparaissent et que les partis politiques fassent passer l'intérêt général avant leurs ambitions particulières.

Le Reichsrat s'est séparé au commencement de juillet. L'un des problèmes politiques les plus importants et qui préoccupe l'Autriche depuis bien longtemps, n'est pas encore résolu, à savoir la conclusion d'une paix, ou tout au moins d'un armistice, entre Allemands et Tchèques, en Bohême. On devait cependant y parvenir au cours de cet été. La lutte entre les deux nationalités paralyse depuis quatre ans l'activité de la Diète de Bohême; l'administration du pays est tombée, par suite, dans le plus grand désordre; le budget de la Bohême accuse un déficit considérable et cette situation se répercute de la manière la plus fâcheuse dans bien des domaines, en particulier en ce qui concerne les paiements de traitements des professeurs, instituteurs et autres fonctionnaires et l'entreprise des travaux publics nécessaires. Mais enfin les nécessités d'ordre économique obligent les deux nationalités à atténuer leur hostilité réciproque et les ont rendues un peu plus malléables. Cette fois-ci, un compromis doit être conclu entre elles deux directement et le gouvernement a fait tout ses efforts pour empêcher de se rompre des négociations aussi fragi les. Les bases de ce compromis seraient les suivantes :

Les Tchèques se sont rendu compte qu'il leur fallait, tout en maintenant leur conception de droit public, à savoir l'indivisibilité nationale de la Bohême, accorder aux Allemands une certaine indépendance dans le domaine administratif, s'ils voulaient mettre un terme à cette lutte épuisante. Dans les districts occupés par des Allemands, la justice et l'administration seront dirigées par des magistrats et des fonctionnaires allemands et l'emploi des deux langues sera réglementé par une loi régionale pour les autorités autonomes et par une loi d'Empire pour les autorités de l'Etat. Il y aurait done deux statuts des fonctionnaires, suivant la natio

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