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teurs de nos chemins de fer. Il est vrai que les droits d'immixtion dans les affaires des Compagnies que ce régime donne à l'autorité publique exigent que celle-ci offre quelques garanties de sagesse et de modération. Malgré la pression actuelle d'une opinion trop peu éclairée, la conduite générale de notre contrôle et aussi celle de la Commission du trafic entre Etats en Amérique montre que ces conditions ne sont pas irréalisables, pourvu qu'on assure une indépendance suffisante et un bon recrutement aux corps de fonctionnaires agissant au nom de l'Etat et aux magistrats chargés de sauvegarder les droits de chacun. Comme toutes les choses humaines, l'équilibre ainsi établi est instable et toujours menacé. Dans tous les pays, la démocratie, comme jadis la monarchie absolue, à mesure que son pouvoir devient plus ancien et moins contesté, souffre plus impatiemment en face d'elle les initiatives et les indépendances. Autant les pouvoirs publics modernes obéissent aisément aux groupements d'électeurs nombreux et irresponsables, autant ils entravent volontiers le fonctionnement des entreprises privées qui prospèrent sous une gestion habile et énergique, parce qu'elles servent le progrès. Dans la matière des chemins de fer, qui touche par tant de côtés à une foule d'intérêts, la juste mesure d'intervention est particulièrement délicale à observer. Il est certes intéressant de voir les Etats-Unis se rapprocher, à mesure que leur état économique prend une assiette comparable à celle de l'Europe, du régime de contrôle si souvent critiqué chez nous et de constater en même temps l'impasse où les met l'absence de toute association financière entre l'Etat et les Compagnies, quand ils veulent limiter équitablement les bénéfices de celles-ci. Mais il ne faut pas oublier que, dans un pays où les besoins étaient immenses, où nul moyen de transport n'existait et dont la mise en valeur exigeait un appel colossal à des capitaux étrangers, cette mise en valeur s'est réalisée avec une célérité sans exemple sous le régime de la liberté des chemins de fer. Peut-être ceux-ci auraient-ils eu peine à rendre les mêmes services sous un contrôle qui n'eut pu réprimer les abus sans entraver souvent les initiatives nécessaires.

II.

REVUE DES QUESTIONS AGRICOLES

Par D. ZOLLA

La hausse des prix aujourd'hui et autrefois. La production laitière et beurrière dans les Charentes. Rapport de M. Dornic.

La hausse des prix, aujourd'hui et autrefois. Tout le monde a entendu parler, depuis quelques mois, de la hausse du blé. Il faut noter que les autres céréales ont augmenté de prix dans la même mesure. D'autre part, un semblable mouvement a été constaté au delà de nos frontières dans des pays où les droits de douane n'exercent pas, comme en France, une influence sur les cours. En Angleterre, par exemple, les prix du froment et de l'avoine n'ont pas cessé de s'élever jusqu'aux premiers jours de juin. Le tableau suivant met clairement le fait en évidence.

(1) Journal of the Board of Agriculture, numéro de juin 1912.
Prix du blé et de l'avoine en Angleterre par Bushel
(1er cours de chaque mois.)

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La généralité de la hausse des produits agricoles est bien visible; elle prouve clairement que le mouvement n'est pas le moins du monde expliqué par des spéculations ou par de prétendues manoeuvres d'accaparement. Ces hypothèses si facilement admises par le public, et par le public français en particulier, ne sauraient être acceptées en présence du caractère général de cette marche ascensionnelle des prix. Serait-il possible que la spéculation s'exerçât dans le même sens, et avec le même succès, dans le monde entier et sur un aussi grand nombre de produits? Evidemment non !

Il y a plus; les denrées d'origine animale sont également en

hausse. Les plus-values constatées sont considérables. En France, on les a déjà mises en lumière.

Voici un document curieux qui se rapporte à la Suisse. Il s'agit des données statistiques fournies par le secrétariat suisse des paysans qui publie chaque année une brochure fort intéressante sur diverses questions d'économie rurale (1). En prenant comme point de comparaison, les cours de la période 1892-1905, on trouve que les prix ont varié de la façon suivante pour divers produits de l'élevage, de la laiterie, etc., etc.

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Il suffit de comparer les nombres inscrits dans ces deux dernières colonnes pour 1909 et 1910 avec ceux de la période 1892-1905, pour constater une hausse énorme.

Dans ce cas, l'idée même d'un accaparement ou d'une spéculation à la hausse devient ridicule. D'ailleurs, on observe la même tendance dans un grand pays de production dont la concurrence est, aujourd'hui encore, fort redoutée par les protectionnistes français. Nous voulons parler des Etats-Unis.

Dans l'intéressant rapport (2) qu'a publié, il y a quelques mois, M. Loth, député, au sujet des droits de douane sur le bétail et la viande, nous trouvons une note très significative qui a été rédigée par le service des renseignements agricoles au ministère. La hausse générale du bétail est clairement indiquée :

En Allemagne, dans le commerce de gros, le prix du kilo de viande nette de bœuf, deuxième qualité par exemple, a passé,

(1) Recherches relatives à la rentabilité de l'agriculture: Campagne 1910-1911. Rapport du Secrétariat suisse des paysans au département fédéral. Berne, chez Wyss, 1912.

(2) No 1504, Chambre des députés. Session extraordinaire de 1911.

par accroissements successifs, de 1 fr. 35 en 1881, à 1 fr. 64 en 1909. Durant la même période, le prix du kilogramme de veau s'est élevé de 1 fr. 45 à 1 fr. 97; celui du mouton, de 1 fr. 30 à 1 fr. 76; et, enfin, celui du pore a passé de 1 fr. 38 à 1 fr. 66. A Berlin, le prix moyen annuel du kilo de viande de boeuf, au détail, a passé de 1 fr. 47 en 1883 à 1. fr. 90 en août 1911, et cefui du pore, de 1 fr. 51 à 1 fr. 88. »

Nous ferons remarquer en passant que les cours de comparaison se rapportant aux années 1881 et 1883, sont, très élevés, car les cours se sonts abaissés de 10 ou 15 0/0 entre 1880 et 1900. La hausse récente les porte done plus haut qu'ils n'avaient jamais été.

Voici maintenant d'autres exemples de marche ascensionnelle des prix :

«En Suisse, depuis 1900, on constate un augmentation moyenne de 0 fr. 20 par kilo de bœuf, de 0 fr. 25 pour le veau, de 0 fr. 16 pour le mouton et de ✪ fr. 12 pour le porc.

« Il en est de même en Russie. A St-Pétersbourg, la hausse a atteint 0 fr. 17 pour le boeuf, 0 fr. 10 pour le mouton, et @ fr. 20 pour le porc.

«En Italie, sur le marché de Milan, le prix du kilogr. de boeuf variait, à la fin de 1910, de 1 fr. 98 à 2 fr. 20 le kilo, moyenne supérieure aux cours de La Villette.

«A Madrid, les boufs gras et les vaches grasses cotaient, à la même époque, de 1 fr. 58 à 1 fr. 63 le kilo.

«En Belgique, à Bruxelles, on a observé, depuis 1900, une augmentation de 0 fr. 25 du prix moyen annuel de la viande de bœuf, de fr. 37 pour le veau, de 0 fr. 12 pour le mouton et de O fr. 25 pour le porc.

«En Grande-Bretagne même, si l'on remarque quelques diminutions de prix sur certains articles, on constate l'augmentation des prix du boeuf en provenance de l'Argentine dont le kilogr. a passé de 1904 à 1909, pour la viande congelée, de 0 fr. 623 à O fr. 664 pour les quartiers de devant, de 0 fr. 787 à 0 fr. 836 pour les quartiers de derrière; il en est de même pour le bœuf réfrigéré (quartiers de derrière) qui progresse de 0 fr. 995 en 1904 à 1 fr. 094 en 1909.

« Des observations de même ordre ont été relevées dans les pays extra-européens, soit, par exemple, le Canada où, de 1900 à 1909, le prix moven annuel du kilo de viande de bœuf a passé de 0 fr. 639 à 0 fr. 921; celui du mouton, de 0 fr. 769 à 0 fr. 966; celui du porc, de 0 fr. 793, à 1 fr. 03. »

On pourrait multiplier presque indéfiniment les exemples. Sans nul doute, notre régime douanier a contribué au relèvement des prix dans notre pays; plus exactement, il a pour effet de maintenir les cours à un niveau qui dépasse celui qu'on observe sur les marchés libres. La hausse n'a pas été provoquée par le régime protecteur, mais elle est exagérée par lui. Les partisans de ce régime auraient mauvaise grâce à nier ou à dissimuler ces conséquences; elles sont évidentes. Si les droits de douane ne relèvent pas artificiellement les cours, pourquoi les protectionnistes agricoles veulent-ils absolument les maintenir ? Cette résolution bien arrêtée est tout un aveu. Nous comprenons parfaitement que les agriculteurs défendent âprement leurs intérêts car, en somme, l'élévation des prix accroit les profits de leur industrie. Il n'est pas moins naturel que les acheteurs se plaignent puisque les bénéfices de la culture sont partiellement le résultat du régime protecteur qui surélève les cours.

Les protectionnistes redoutent, ou paraissent redouter, la baisse qu'entraînerait la réduction des droits. Cette baisse, il est vrai, se produirait, nous en sommes persuadés, mais elle serait momentanée, et, d'ailleurs, le niveau du prix des denrées agricoles se maintiendrait encore bien au-dessus de la moyenne obtenue de 1892 à 1900, c'est-à-dire pendant la période d'action du régime de la protection douanière.

C'est l'histoire même des variations de prix dans le passé qui nous autorise à faire cette hypothèse. Tous les faits constatés depuis quelques années à propos de la « cherté de la vie » ont été observés notamment il y a un demi-siècle, après 1850. Il est curieux de relire les études publiées à cette époque et de noter les conclusions des hommes capables de discerner les causes principales du mouvement de hausse. Parmi ces causes, l'afflux de l'or de Californie et d'Australie figurait en première ligne, de même que depuis dix ou quinze ans, l'or du Transvaal vient fort probablement modifier la puissance d'achat de la monnaie et la réduire.

En 1856, Michel Chevalier écrivait dans le Journal des Economistes (1):

« L'élévation des subsistances a eu deux causes principales:

(1) 1856. T. I, p. 139. Discussions à la Société d'Economie Politique.

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