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expliquent aussi ce phénomène. Les faits passent, mais les impressions restent. Et si le peuple doit assister aux hésitations, aux contradictions et aux dissensions du Gouvernement, il continue à obéir, mais sans confiance. La crise marocaine, pour ne rappeler que l'incident le plus récent, avec ses nouvelles contradictoires, sa presse truquée et ses résultats unanimement considérés comme désastreux, a porté un coup fatal au crédit du Gouvernement. Les agissements de la presse officieuse, et tous les journaux le sont plus ou moins d'un ministre ou de l'autre, l'insincérité des communiqués a augmenté dans ces mois le malaise. Il y a eu des périodes récentes où chaque jour apportait son démenti, démenti à son tour par les faits. Tous les journaux se recommandaient de quelque source autorisée, et tous se contredisaient et se foudroyaient.

Ce jeu que le Gouvernement joue par habitude avec l'opinion publique est un jeu dangereux, qui a eu déjà des conséquences politiques graves. Mais en perdant sa confiance dans le Gouvernement, le peuple n'a pas retrouvé un intérêt accru pour la politique. Certains domaines semblent rester, par ignorance ou par désintéressement, chasse réservée des ministres. Un exemple tout récent est typique: Dans la grande discussion engagée autour des nouveaux projets militaires, la presse a fait un silence singulier sur l'utilité de ces projets et sur leur valeur technique. Seule la question financière parut intéresser l'opinion.

Une certaine presse, intéressée à le faire croire, a prétendu que le peuple exigeait un accroissement de la force armée. On a le droit d'en douter en considérant l'indifférence et l'ignorance qu'il apporte à ces questions; le mouvement militariste du peuple allemand n'est ni spontané dans son origine, ni raisonné dans son développement. Si l'on pouvait dire autrefois que le peuple avait confiance dans le pouvoir, il semble plutôt maintenant se désintéresser de questions. qu'il ne connait pas.

Il en est de même dans le domaine de la politique étrangère. Non seulement l'opinion publique reste morne et indifférente devant les plus grands problèmes de la diplomatie, mais la presse elle-même ne s'y meut pas à l'aise. La pu

blicistique allemande compte extrêmement peu d'écrivains de valeur pour les questions diplomatiques. C'est ce qui explique l'unité de la presse dans ce domaine. En l'absence de têtes éminentes, les rédacteurs de second ordre auxquels est confié le soin de la politique internationale suivent, pour la plupart, aveuglément, les directions du ministère. Au plus fort de la crise marocaine, non seulement le peuple n'a pas perdu son sang-froid, mais encore il n'a paru à aucun moment prendre un intérêt profond à ce jeu du hasard et des diplomates.

La confiance qui s'en est allée sans faire place à un véritable intérêt et à une compréhension éclairée des faits de la politique a produit un résultat qu'on eût pu prévoir, le triomphe du socialisme. Il n'y a pas le moindre doute que les quatre millions et quart de citoyens qui élisent les candidats collectivistes ne sont pas tous socialistes. On l'a dit souvent, ils prennent ainsi le moyen le plus énergique de manifester leur mécontentement. Ce mécontentement est un symptôme sur lequel il n'est pas besoin d'insister. Quant à ce procédé pour le traduire, il est une preuve de manque de culture politique du peuple allemand. Cette constatation, loin d'affaiblir le danger du parlementarisme, ne peut que l'accroître.

WILLIAM MARTIN.

L'ENCADREMENT DE L'INFANTERIE

Monsieur le Directeur,

Le numéro du 10 juillet de la Revue a publié un article intitulé « l'Encadrement de l'Infanterie », où l'auteur M. le Colonel Guillaumat, à cité mon nom deux fois, à propos de mes articles signés sur le même sujet que vous avez bien voulu faire insérer dans les numéros des 10 mars et 10 juin 1912. Pour une chose aussi sérieuse que la loi militaire en question, je vous demande de bien vouloir insérer la rectification suivante, aux deux assertions de cet officier supérieur qui me concernent.

1o A la page 28, M. Guillaumat dit que j'ai présenté la réforme de 1887 comme une augmentation de cadres, alors qu'elle les réduit au contraire. Je n'en ai pas parlé, uniquement pour ne pas fatiguer les lecteurs de la Revue, par une longue et aride description de toutes les nombreuses retouches, que notre loi du 13 mars 1875 sur les cadres et effectifs de l'armée française a subies jusqu'à ce jour (1). Le 25 juillet 1887, les 4 bataillons ont été en effet supprimés dans les 144 régiments d'infanterie, créés par la loi de 1875. La discussion parlementaire du 13 juillet 1887, et le discours du Ministre de la guerre de l'époque, montrent que cette suppression avait pour but de porter à 127 hommes, en le renforçant, l'effectif trop faible de chaque compagnie, afin de permettre une instruction militaire sérieuse de notre infanterie, cadres compris.

Le 4 mars 1897, les 4 bataillons ont été rétablis dans les

(1) Les créations citées dans mon article du 10 mars, pages 500 et 501, sont extraites de l'Exposé des motifs du projet de loi des Cadres de M. le Général Picquart, du 30 Novembre 1907.

144 régiments subdivisionnaires, etc. D'ailleurs, la lecture d'un document officiel, pages 64, 65, 66, du rapport de M. Messimy, sur le budget de la guerre, en date du 13 juillet 1906, permettra à tous de se renseigner sur la suppression effectuée ultérieurement des 4 bataillons en question. Je n'insiste pas sur ce point, ce serait revenir sur mes articles.

des

2o A la 16° page de son article (page 37 du numéro du 10 juillet), M. Guillaumat, écrit que, contrairement à mon assertion, le projet de loi, propose la création d'un état-major particulier de 311 officiers seulement, et non pas de 654 comme je l'ai écrit à la fin de mon article du 10 mars 1912.

Je prie tous les lecteurs de la Revue de vouloir bien lire la page 32, du projet de loi n° 1497, relatif à la constitution des cadres et des effectifs de l'infanterie, et ils verront que le ministre de la Guerre demande la création d'un Etat-major particulier de 654 officiers au tableau n° 8 et non pas de 311, ainsi que le croit M. le colonel Guillaumat.

En terminant, permettez-moi, Monsieur le Directeur, de vous remercier à l'avance de cette rectification qui n'a d'autre intérêt à mes yeux que l'importance capitale du sujet traité, et de vous prier d'agréer, l'expression de mes sentiments très distingués.

Lieutenant-colonel DEBON.
En retraite.

VARIÉTÉS

1

L'ÉVOLUTION JAPONAISE COMMERCE ET INDUSTRIE

La haine et tout à la fois la terreur de l'étranger avaient prolongé au Japon l'isolement absolu. Le peuple s'était suffi à luimême. C'est encore ce qu'il veut faire aujourd'hui. L'étranger vient il n'est plus le barbare repoussé, puis toléré. Le Japon l'accueille et fait son profit des relations qu'il entretient avec lui. Le Japonais voyage. Il va chez l'étranger, admire, compare, choisit et adopte ce qui lui convient. Mais cette pénétration réciproque laisse intacte la mentalité japonaise; ce qu'elle emprunte à l'étranger, elle veut bientôt ne le devoir qu'à elle-même, le tirer de son propre fonds. L'isolement voulu et fidèlement observé de jadis s'est mué en une autre forme d'indépendance, dérivant de la même pensée, l'autonomie commerciale et industrielle, vers laquelle tendent tous les efforts du peuple et du gouvernement japonais.

Pendant toute la période d'isolement nipponne, le commerce et l'industrie, au sens étendu que nous donnons à ces mots, ont été inexistants. La comparaison, qui est devenue de style, entre l'Europe féodale du Moyen-Age et le vieux Japon, encore si rapproché de nous, n'est pas absolument exacte en ce qui concerne la production et l'échange. Nous chercherions en vain, au cours de cette longue suite de siècles, quelque chose d'analogue à nos antiques corporations de métiers, aux compagnonnages, jurandes et maîtrises, aux confréries de marchands, aux compagnies qui, dans les grandes cités bordant la mer du Nord, l'Océan et la Méditerranée, équipaient des flottes de navires pour commercer par delà les mers. Rien de toutes ces organisations n'avait pris corps, parce que le besoin n'avait pas pris naissance.

Aux premiers stades de l'histoire japonaise, on a cependant prétendu rencontrer des corporations locales et héréditaires, dans les artisans du fer, du chanvre, et de la poterie. On les aurait appelées Bi. Il s'agit peut-être de castes, ayant quelque ressemblance

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