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ganisée en campagne, si son noyau n'existait pas dès le temps. de paix.

Dans l'infanterie, les réservistes n'avaient d'autre rôle que de compléter à 250 hommes l'effectif de paix de la compagnie (100 hommes, officiers et cadres compris). Le nombre de compagnies était de 18 par régiment, ce qui donnait, rien que pour les 144 régiments d'infanterie de ligne, 2.592 compagnies, chiffre très supérieur à celui d'aujourd'hui et à celui du projet en discussion (2002 compagnies pour 173 régiments). Il serait bon de ne pas perdre ces chiffres de vue lorsqu'on parle d'augmentation du nombre des unités au sujet d'une loi qui en sanctionne la diminution.

Cette organisation était simple, parce qu'uniforme. Elle réalisait parfaitement dans les conditions où le problème se posait alors, l'encadrement de la nation armée. Répartis avec assez d'uniformité sur le territoire national, les régiments actifs avaient des cadres solides auxquels on ne demandait aucun emprunt pour des formations improvisées. Complétée par ses réservistes, l'infanterie constituait un ensemble harmonique et très fort de 700.000 hommes bien encadrés.

Pourquoi cette organisation ne présente-t-elle plus les mêmes avantages? C'est, qu'en réalité, bien que la loi du 13 mars 1875 soit toujours la charte de notre infanterie, elle a subi de telles modifications qu'il ne reste plus rien des principes qui l'avaient inspirée. En particulier, l'encadrement prévu pour les réservistes a été réduit dans des proportions telles qu'on ne doit pas hésiter à les déclarer dangereuses. A quoi cela tient-il? A notre habitude invétérée d'hésiter toujours devant les solutions franches, d'aimer les expédients, de chercher naïvement à nous tromper nous-mêmes.

Il y a, en effet, une différence caractéristique entre les procédés d'organisation que nous avons employés depuis 1875 et ceux, non seulement des Allemands, mais de bien d'autres armées. Dans celles-ci, lorsqu'un besoin nouveau se fait sentir, on crée immédiatement l'organe nouveau qu'il nécessite. C'est ainsi qu'ont agi les Allemands pour les troupes de communication, pour l'artillerie lourde, pour les mitrailleuses. pour les automobiles, en un mot à l'apparition de chaque progrès de la technique militaire. Chez nous, il semble toujours

qu'on espère éviter la création de l'organe nécessaire: on cherche d'abord à satisfaire les besoins par des prélèvements sur les organismes existants sans s'apercevoir qu'on enlève peu à peu à ceux-ci leur vitalité. Nous avons par-dessus tout horreur des spécialisations, comme si elles n'étaient pas la conséquence logique, inéluctable du service à court terme et de l'emploi des réserves à la guerre, et nous préférons employer nos fantassins à toutes les besognes, que de demander au Parlement les crédits nécessaires aux créations les plus urgentes.

C'est ce qui s'est passé lorsque nous avons été amenés à envisager l'emploi en campagne de formations de réserve indépendantes des régiments actifs et c'est encore l'erreur commise par les adversaires du projet, lorsqu'ils reprochent à celuici une surabondance de cadres du temps de paix, alors que cette surabondance est une nécessité du temps de guerre.

Tout le monde sait bien que ces cadres seraient excessifs s'ils n'étaient destinés qu'aux faibles effectifs de paix ; mais cette surabondance est une nécessité à laquelle nous ne pouvons nous soustraire, parce que ce qu'il nous faut, ce sont des cadres pour le million de fantassins que nous avons l'espoir d'amener sur les champs de bataille.

Or, ces cadres, il faut qu'on le dise bien haut, ils n'existent pas, et pour suppléer à leur absence, on a puisé dans les cadres des régiments actifs à un point tel que l'encadrement de ceux-ci, est à son tour, devenu complètement insuffisant.

Cette situation a pris naissance en 1887 avec la nécessité de constituer solidement la couverture de notre frontière.

Les bataillons de chasseurs, jusqu'alors répartis dans les corps d'armée, furent concentrés dans l'Est et dans les Alpes. Des régiments régionaux furent constitués pour étoffer cette couverture et former la garnison de nos forteresses.

Ce ne furent pas là des créations, mais simplement la réunion en régiments d'un certain nombre de quatrièmes bataillons. On supprimait au contraire 6 compagnies par régiment d'infanterie (4 du 4° bataillon et 2 de dépôt), en sorte que la réforme de 1887, que M. le lieutenant-colonel Debon présen

tait ici comme une augmentation de cadres, correspondait en réalité pour l'infanterie à une diminution de 72 bataillons et de 576 compagnies.

Mais pour que cette suppression si considérable n'ait pas pour conséquence une diminuton désastreuse de notre état militaire, il fallut bien renoncer au principe posé en 1875, de ne créer aucune formation de campagne qui n'ait son embryon dans une formation du temps de paix. Presque aussitôt en effet apparaissaient les régiments mixtes qui, après plusieurs transformations, aboutirent aux régiments de réserve d'aujourd'hui.

Ainsi, par une contradiction inexplicable, on diminuait le nombre des unités de l'armée active et par suite, la capacité d'encadrement de celle-ci, au moment où l'on se décidait à faire un plus large emploi des réserves et où la réduction du service à trois, puis à deux ans, allait faire de cet emploi une nécessité absolue.

On a attendu vraiment bien longtemps pour constater, comme le dit M. Treignier, « que le centre de gravité de l'armée s'était déplacé vers les réserves ». De cette constatation résultait celle de la faiblesse de nos cadres, et la nécessité de les renforcer exigeait impérieusement le dépôt du projet de loi en discussion aujourd'hui.

* *

Le problème de l'organisation se trouve en effet transporté, en ce qui concerne l'infanterie, sur un terrain tout différent de celui de 1875. Tous nos efforts doivent tendre à fortifier nos régiments de réserve, sans diminuer la valeur de ceux de l'armée active, de manière à les employer les uns et les autres, dans les mêmes conditions. Cet emploi, nous pouvons l'envisager sans crainte, en ce qui concerne les réservistes, car ils ont eux-mêmes, par leur endurance, leur belle humeur et leur entrain, triomphé des préjugés qu'on pouvait avoir contre

eux.

Ce résultat est dû, il faut le reconnaître, d'abord à la loi du 21 mars 1905, puis à deux mesures excellentes, l'appel, pour sa première période, du réserviste dans la compagnie même

où il a servi et la convocation des régiments de réserve dans des camps d'instruction.

Pour l'infanterie, en effet, la loi du 21 mars 1905 n'a pas éte la substitution du service de 2 ans à celui de 3 ans à 2 soldats, l'un d'un an, l'autre de trois, elle a substitué simplement 2 soldats de 2 ans et l'avantage qui en est résulté n'est pas contestable en ce qui concerne l'homogénéité et la cohésion des réserves.

En faisant revenir, autant que possible, les réservistes dans les compagnies où ils ont été instruits, on a encore augmenté cette cohésion. Comme disent certains d'entre eux, il leur semble, en revenant au régiment, rentrer de permission ou de congé. Ils se retrouvent chez eux, ils se sentent à l'aise et par le simple jeu des réflexes, tout ce qui leur a été jadis enseigné, leur revient à la mémoire. L'esprit de corps n'a pas perdu ses droits et la camaraderie renaît instantanément.

Enfin la convocation dans les camps d'instruction permet de consacrer tout le temps de l'appel à une instruction sérieuse et intensive en coupant court à toutes les sollicitations qu'entraîne le séjour dans la ville ou à proximité de la ville où le réserviste a sa famille et ses affaires.

A ces soldats que quelques jours de campagne remettront vite à l'entraînement nécessaire, il faut des chefs et c'est ce que le projet de loi s'efforce de leur donner.

Ces chefs, comme le reconnaît le rapporteur, ne peuvent être en ce qui concerne le régiment, le bataillon et la compagnie, que des officiers de carrière. En dehors de ceux-ci, où pourrait-on les trouver? Parmi les officiers retraités? Elle est au moins étrange la conception qui consiste à compter pour le service de guerre sur des officiers que l'on a mis à la retraite précisément parce qu'on les jugeait hors d'état de supporter, après une certaine limite d'âge, les fatigues du service de paix, infiniment plus doux et entouré de plus de confortable.

Peut-on compter beaucoup sur la réserve spéciale? L'institution ne fonctionne que depuis trop peu de temps pour qu'on puisse la juger et savoir ce qu'elle donnera exactement.

Quant aux officiers de réserve n'ayant pas servi comme officiers dans l'armée active, ils sont peu nombreux ceux à qui

leur situation à laissé les loisirs nécessaires pour perfectionner par des études suivies et par des stages suffisamment longs et fréquents, le bagage de connaissances militaires emporté du régiment. Or, le commandement d'une compagnie en campagne devient de plus en plus difficile. Un capitaine doit connaître non seulement la tactique de son arme, mais celle des autres. Il ne dirige plus ses sections par des commandements fixes et réglementaires, il leur doit des ordres raisonnés, basés sur la situation, la connaissance du terrain, les effets des armes. L'expérience qui lui est nécessaire ne s'acquiert en temps de paix que par une longue pratique, et on ne saurait confier pour les premières rencontres de la guerre, nos unités à des officiers inexpérimentés. A ce moment là, il n'y aura pas lieu d'apprendre son métier, mais d'appliquer ce que l'on en sait.

Par contre, nos officiers de réserve, instruits comme l'a voulu la loi du 21 mars 1905, dévoués comme ils l'ont toujours été, feront d'excellents chefs de section.

Il serait désirable que les sous-officiers de réserve suffisent pour le commandement des unités inférieures. Malheureusement, les constatations faites pendant les périodes de convocation, ne laissent pas que d'être pessimistes à cet égard. Cela se comprend. D'une part, les sergents et caporaux exercent trop peu de temps leurs fonctions dans l'armée active pour avoir réellement acquis l'habitude du commandement. D'un autre côté, une fois passés dans la réserve, ils n'ont aucun des moyens d'instruction mis à la disposition des officiers de réserve; leur situation ne leur permettrait du reste pas, même s'ils le voulaient, de travailler à conserver leur instruction militaire. Ils n'ont aucun stimulant pour les pousser à le faire et l'on ne peut s'étonner qu'ils reviennent au régiment de réserve, rouillés en ce qui concerne la pratique et ayant perdu le peu qu'ils avaient pris d'autorité et de commandement.

Le projet de loi a donc été bien inspiré en prévoyant pour nos formations de réserve les lieutenants-colonels, les chefs de bataillon et les capitaines qui leur sont nécessaires et en majorant, dans la même intention, le nombre des sous-officiers de carrière du régiment actif. On peut dire qu'il a assu

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