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vie. Si la loi de 1905 a obligé celle-ci à se scinder en deux Compagnies complètement distinctes et autonomes, l'une devenue Compagnie anonyme de gestion d'assurances sur la vie, l'autre, Société d'assurances sur la vie à forme tontinière, il n'en n'est pas moins vrai que, sans aucune discontinuité, les opérations tontinières ont été pratiquées par elle depuis 68 ans.

Or, cette première erreur pèsera sur toute l'argumentation de M. Lefebvre et sera, au cours de son article, ainsi qu'il nous sera donné de le faire observer par la suite, facleur d'erreurs successives; car ce qui fait surtout varier le laux des dépenses de gestion d'une entreprise d'assurances sur la vie (en dehors bien entendu d'une bonne administration) ce n'est ni la forme ni le genre d'opérations de l'entreprise, mais son ancienneté. On comprend aisément qu'une entreprise de récente création et dont les affaires augmentent d'année en année ait, pendant un certain temps, des dépenses qui apparaissent énormes par rapport à ses encaissements; mais ce taux tend à baisser graduellement pour devenir à peu près fixe quand l'entreprise est dans son plein développement et que ses encaissements annuels ont atteint un chiffre normal, comparé à celui des dépenses de gestion. Que l'entreprise soit anonyme, mutuelle ou à forme tontinière, elle obéit aux mêmes causes; plus elle est ancienne, plus le taux de ses dépenses de gestion est bas; plus elle est jeune, plus ce même taux est élevé.

Dans la première partie de son article, M. Lefebvre fait un exposé du mécanisme de l'assurance, du calcul des primes et des réserves mathématiques, en visant plus particulièrement, tantôt l'assurance mixte, tantôt l'assurance pour la vie entière.

Cet exposé a un grand défaut ou une grande qualité, suivant le point de vue auquel on se place: c'est d'être étranger à la vraie question, qui est de comparer les opérations lontinières, non pas avec l'assurance mixte ou avec l'assurance pour la vie entière, qui ne leur ressemblent pas, mais

bien avec celles des opérations des entreprises à primes fixes qui leur ressemblent.

Et tout d'abord, il convient de remarquer que le fait que les Sociétés à forme tontinière ne garantissent pas à leurs adhérents des sommes déterminées d'avance, est présenté par M. Lefebvre comme s'il constituait une faculté dont elles profiteraient abusivement. Or, il faut bien préciser que l'article 30 du décret du 12 mai 1906 interdit expressément aux Sociétés à forme tontinière « de garantir à leurs adhérents « que la liquidation des associations dont ils font partie leur «procurera une somme déterminée d'avance ».Si cette interdiction est bonne pour le public, comment se fait-il qu'elle constitue un des arguments les plus fréquemment employés par les entreprises concurrentes à l'encontre des Sociétés tontinières? Si elle est mauvaise, comment se fait-il que le service du contrôle n'ait pas pris l'initiative d'un règlement tendant à y substituer l'obligation ou tout au moins la faculté de fixer à l'avance un minimum de répartition? Ainsi tomberait de lui-même l'argument dont on use et abuse.

Au surplus, le mécanisme intime de la principale des opérations tontinières, de celle qui a pour objet la formation, l'administration et la liquidation d'associations en cas de survie, est identique à celui des assurances de capital différé et des assurances de rentes viagères différées (sans contre-assurance, bien entendu): il consiste dans l'attribution aux associés ou assurés qui survivent au terme du contrat, non seulement des sommes versées par eux et des intérêts de ces sommes, mais encore des sommes versées par ceux qui décèdent avant le terme du contrat et des intérêts de ces

sommes.

A la vérité ce mécanisme est mis en mouvement de différentes manières. Dans les entreprises à primes fixes, tous les contrats d'assurances de capital différé (les mêmes observations s'appliquent aux rentes différées), stipulant une somme fixée d'avance, sont confondus en un groupe commun, et toutes les opérations de recettes et de dépenses qu'ils motivent et comportent sont décrites dans un comple financier unique. De ces conditions du fonctionnement des opérations dont il s'agit, résulte, pour l'assureur, l'utilité et même la

nécessité de calculer les réserves mathématiques, d'en faire état dans le compte financier, de constater que les recettes réalisées, les dépenses effectuées et les réserves mathématiques calculées se combinent de manière à faire apparaître un bénéfice ou une perte, et de conclure que les dépenses effectuées ont laissé subsister un crédit suffisant ou insuffisant pour faire face aux dépenses ultérieures.

Mais dans les tontines, le fonctionnement actuel de la réversion sur les survivants, qu'il faut bien examiner tel qu'il est, avant de le qualifier, est caractérisé par les circonstances suivantes : chaque association de survie, déterminée par la date de sa création ou de sa liquidation, est au point de vue comptable et financier, absolument indépendante des autres associations; les contrats qui ressortent à cette association, viennent tous à échéance à la même date; il est interdit par l'article 30 du décret du 12 mai 1906 de garantir aux souscripteurs de ces contrats une somme déterminée d'avance; enfin, toutes les primes dont ces contrats motivent le versement, sauf déduction des prélèvements statutaires opérés sur les premières primes, et les produits des placements sont imputés au compte de cette association qui n'a à supporter, du chef de l'exécution des contrats, aucune dépense avant l'époque de la liquidation. Les causes qui rendent utile ou nécessaire, pour les assurances de rentes ou de capitaux différés à primes fixes, le calcul périodique des réserves mathématiques n'existant pas pour les tontines. étant donné le fonctionnement actuel de chaque association de survie, il était logique que l'article 6, de la loi du 17 mars 1905, implicitement, et l'article 5, explicitement, dispensassent les Sociétés à forme tontinière de calculer des réserves mathématiques et de constituer une réserve de garantie.

Supposons maintenant que toutes les autres conditions du fonctionnement des associations en cas de survie étant maintenues, il n'y soit apporté de modification qu'en ce qui concerne l'interdiction édictée par l'article 30 du décret du 12 mai 1906, et que cette interdiction soit remplacée par la faculté ou l'obligation, pour les Sociétés tontinières, de garantir à leurs adhérents que la liquidation des associations

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dont ils font partie leur procurera une somme déterminée à l'avance.

Dans ce cas, les Sociétés tontinières seront amenées à dresser des tarifs semblables à ceux des assurances de capifaux différés. Il est évident qu'il leur sera théoriquement possible de choisir, pour baser ces tarifs, une table de mortalité et un taux d'intérêt tels que les capitaux garantis seront inférieurs à ceux qui pourront être effectivement payés. Cela leur sera d'ailleurs pratiquement possible, pourvu que, nous insistons sur ce point, aucune disposition légale ou réglementaire ne la leur rende commercialement impossible. Les Sociétés tontinières seront dès lors amenées à calculer périodiquement les réserves mathématiques des contrats de chaque association; à constater des bénéfices, étant donné l'hypothèse posée relativement aux bases des tarifs; à notifier périodiquement aux assurés, dans les conditions prévues par l'article 7 de la loi du 17 mars 1905, des parts de bénéfice dont le règlement devra être ajourné à l'époque de la liquidatoin de l'association, étant donné que le fonctionnement supposé ne comporte aucune dépense, du chef de l'exécution des contrats, avant cette époque.

Ainsi, pendant quinze ou vingt ans, on aura fait des calculs de réserves mathématiques, des constatations et des notifications de bénéfices, pour arriver à quoi? à augmenter, à coup sûr, les frais de gestion, sans modifier d'un centime la somme à répartir, puisque la formation de cette somme dépend, non pas des hypothèses relatives aux bases des tarifs 'assurances et de réserve, mais bien de la mortalité effecfive des associés et des conditions effectives des emplois de fonds, étant observé qu'on a supposé maintenir le système actuel de prélèvements, sans aucune participation de la Société tontinière aux bénéfices constatés au compte de l'association en cas de survie considérée.

Il semble bien que cette attribution exclusive aux assurés de bénéfices qui n'ont d'ailleurs d'autre consistance, dans le second système de fonctionnement, que celle qui résulte de la comparaison des réalités avec des probabilités, arbitrairement choisies, mais qui existent tout aussi bien, virtuel

lement, dans le premier, est l'applicaton des principes de la mutualité.

*

Cette application des principes de la mutualité se rencontre également, quoiqu'en dise M. Lefebvre, dans le fonctionnement de l'association de contre-assurance.

Si l'invention de l'association de contre-assurance est, comme il le dit, « une trouvaille », le principe, tout au moins, n'en est pas nouveau, pas plus que les considérations qui ont conduit à poser ce principe.

Mais, en ce qui concerne son fonctionnement actuel, les conditions n'en sont pas uniformes. Dans les entreprises à primes fixes, que la contre-assurance soit intimement combinée avec l'assurance principale, comme dans le cas de capital différé avec contre-assurance, soit qu'elles fasse l'objet d'un contrat distinct d'assurance temporaire d'un capital croissant en progression arithmétique, on emploie le sys tème de la prime « constante ». Dans les Sociétés à forme tontinière, où la contre-assurance fait toujours d'objet d'un contrat distinct, on emploie le système de la prime «< naturelle », contre lequel M. Lefebvre n'élève aucune critique technique, mais qu'il croit n'être plus employé, sans savoir

ou

sans s'apercevoir qu'il est employé encore, non seulement par les Tontines, mais encore par la Caisse Nationale d'assurances en cas de décès, créée par la loi du 11 juillet 1868, dans les assurances collectives des Sociétés de secours mutuels.

De plus, dans les entreprises d'assurances à primes fixes, comme à la Caisse nationale des retraites, la contre-assurance ou la réserve du capital ne réparent le sinistre financier causé aux héritiers de l'assuré par le décès de celui-ci, que jusqu'à concurrence du montant des primes versées, tandis que, dans les Sociétés tontinières, les répartitions de contre-assurance attribuent aux héritiers des décédés des sommes dépassant généralement de beaucoup les primes contre-assurées.

Au sujet de ce résultat, M. Lefebvre donne une explica

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