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nente du tarif, qui préparera les formules les meilleures, les plus objectivement étudiées, des relations internationales du Dominion; il a résolu d'encourager un rapprochement entre le Canada, les îles anglaises de la Méditerranée américaine et la Guyane; il a mis à l'enquête l'établissement d'une ligne de paquebots subventionnés, qui seraient affectés spécialement à ces itinéraires. Ces idées sont très sympathiques à tous les représentants autorisés des West Indies, qui deviendraient pour le Canada des associées, dans la zône tropicale des produits complémentaires de ceux de son propre sol; il pourrait trouver là des territoires à sucre, à tabac, à coton; il aurait sa Floride et son Texas à la Jamaïque et dans les petites Antilles. L'automne dernier, sir Williams Grey-Wilson, gouverneur des Bahamas, était de passage à Ottawa; dans une réunion de l'Empire Club, il proposa carrément l'union au Dominion des West Indian Colonies, groupées et pourvues du statut d'une province, envoyant par conséquent des députés au parlement canadien ; il prévoyait même une loi électorale telle que le droit de vole fût réservé aux blancs. L'idée n'est pas mûre encore, mais le symptôme est intéressant. Au cours de la présente année, après étude d'une Commission mixte d'enquête, la politique du rapprochement économique avec les Indes Occidentales a marqué une étape en avant. Significatives, aussi, des observations de M. Borden sur l'urgence d'assurer,entre le Canada et le Royaume-Uni, des passages et des transmissions télégraphiques aussi rapides qu'entre l'Europe Occidentale et New-York.

Cette politique implique-t-elle des rapports de moins bon voisinage avec les Etats-Unis? En aucune façon; M. Borden et M. Foster, en toutes occasions, le répètent et y insistent; les électeurs canadiens, disait un jour ce dernier, n'ont pas condamné le commerce avec les Etats-Unis, mais seulement la forme de la réciprocité, qu'ils estiment périlleuse pour leur autonomie. Le Dominion et la République, qui se touchent sur une frontière toute fictive de plus de 5.000 kilomètres, ne sont pas actuellement des poids qui puissent se faire équilibre; si orgueilleux qu'ils soient de leur fortune présente et de l'avenir splendide qu'ils se pro

mettent, les Canadiens ne se dissimulent pas qu'ils sont 7 millions de citoyens à la porte d'un Etat qui en compte quatorze fois plus. Le recensement, dont les chiffres officiels ont été publiés quelques jours après les élections, accuse un total de 7.100.000 habitants, soit 1.710.000 de plus qu'en 1901. D'après les statistiques de l'immigration, l'on s'attendait à 8 millions, et la déception fut générale. De là quelques réflexions, qui n'ont pas ébranlé l'optimisme légitime des Canadiens, mais l'ont quelque peu rassis. Plus clairement après ces révélations du recensement, ils se persuadent qu'il faut chercher du côté de l'Empire, de la plus grande Angleterre, le point d'appui de leur nationalité indépendante; la lecture des chiffres de leur démographie présente les confirme dans leur satisfaction d'avoir repoussé la réciprocité. Mais le Royaume-Uni n'a pas fait un pas encore, dans le sens de la mutualité interimpériale? Peu importe, les Canadiens tiennent pour certain qu'il y viendra; il est inutile, il serait inopportun d'avantager des relations avec les EtatsUnis qui, malgré tous les obstacles artificiels, malgré la préférence, atteignent presque la moitié de la somme des transactions du Dominion, 343 millions de dollars sur 693, en 1910; les échanges avec l'Angleterre, en cette même année, montaient à 245 millons, mais le Canada est plus largement exportateur aux Etats-Unis (233 millions sur 343), qu'en Angleterre (149 sur 243). A regarder de près, les Canadiens sont déjà des consommateurs de marchandises anglaises presque autant que de marchandises américaines; et le Royaume-Uni finira pas considérer qu'il doit quelque chose à ces clients, qui sont parmi ses meilleurs et veulent délibérément le demeurer. Si la réciprocité avait été votée, le Canada se fût détourné peu à peu de la mère-patrie ,non pas systématiquement, mais par un mouvement insensible et presque inconscient. Aujourd'hui, sans avoir rien abdiqué de son autonomie fiscale, il est amené à négocier avec l'Angleterre son prochain et plus important traité de commerce; ces négociations, à notre avis, seront décisives pour l'impérialisme britannique.

Observons en effet, les Canadiens l'ont observé avant nous quels sont les rivaux redoutables des Anglais, à tra

vers le monde de l'aveu unanime, les Germains, patients, laborieux, disciplinés sont ces concurrents-là. Toute seule, l'Angleterre insulaire ne représente pas, en face d'eux, une force aussi résistante que si elle est entourée du bataillon fidèle de ses colonies parlementaires. En Allemagne, on espérait le vole de la réciprocité, parce que le corollaire prochain en eût été un traité de commerce avec le Canada : les transactions germano-canadiennes, entravées par une guerre de tarifs qui suivit le voté de la préférence, avaient été rétablies sur le pied normal par un accord provisoire, daté du 1er mars 1910; mais un acte plus définitif, assurant aux produits allemands le tarif canadien intermédiaire de 1906, n'est pas encore intervenu; le rapprochement du Canada avec les Etats-Unis consommé, il eût paru impossible que l'Allemagne fût, en fait, privilégiée à rebours par le Dominion, elle eût obtenu certainement de nouveaux avantages, et la réciprocité eût, indirectement, ouvert cette fissure nouvelle dans la préférance. Aujourd'hui, l'organisation du commerce interimpérial va passer avant toute autre préoccupation et, si nous en croyons divers renseignements, l'assurance de trouver dans les Dominions des renforts contre l'invasion du Made in Germany serait un des arguments les plus propres à décider l'électeur britannique à une atténuation du libre-échange.

La situation parlementaire, à Londres, est présentement difficile, les vieilles institutions cèdent à la poussée de la démocratie, la Chambre des Lords est contrainte à des réformes profondes de ses prérogatives; les Irlandais guettent le moment de conquérir enfin leur Home rule; les incertitudes de la politique internationale ne permettent pas de ralentir l'activité des chantiers navals, ni la formation d'une robuste armée de terre. Ce sont autant de circonstances qui préparent, à ce qu'il nous semble, l'avènement de l'entente impérialiste. Après le vote récent du Canada, un cabinet britannique soutiendrait difficilement que le partnership commercial de l'Empire n'est qu'une utopic, ou encore, (c'est ainsi que s'exprimait un ministre il y a quelques mois), que l'on peut célébrer les funérailles de la préférence impériale. « Les morts que vous tuez se portent assez bien », lui ré

pondent les Canadiens. Certes, il y a beaucoup à faire encore avant que métropolitains et coloniaux soient d'accord; il existe entre eux tant de différences d'éducation, de tempérament, d'intérêts apparents et immédiats! Mais ils sont, au fond, tous de même race ou nous pensons ici aux Canadiens-Français, de même groupe, soudé par l'histoire ; les élections canadiennes de septembre 1911 les invitent, tous ensemble, à méditer sur cette parenté, à élargir leurs égoïsmes particuliers. Français, amis sincères de la grande Angleterre d'aujourd'hui, nous suivrons avec une sympathie fidèle les péripéties de cette crise de croissance, d'où sortira la plus grande Angleterre de demain.

HENRI LORIN.

Professeur à la Faculté des Lettres de Bordeaux.

ASSURANCE, MUTUALITÉ, TONTINE

RÉPONSE A M. L. CHARLES LEFEBVRE (1)

Un article paru dans la Revue politique et parlementaire, le 10 juin 1912, réédite contre les entreprises d'assurances sur la vie à forme tontinière toutes les critiques qui, depuis quel que temps, sont faites contre cette forme d'assurances et qui sont particulièrement reproduites dans une presse spéciale, plus violente que désintéressée. L'auteur de cet article dont le ton est révélé par son titre même « L'exploitation légale de l'épargne, Tontines et pseudo-Mutualités », agrémente ces critiques non seulement d'appréciations tout au moins malveillantes, mais en outre, d'inexactitudes flagrantes.

Nous voulons répondre, en laissant de côté toutes les appréciations malveillantes, mais en relevant avec soin les inexactiludes. On remarquera certainement que nous comparons fréquemment, au cours de cette réponse, le système d'assurances à primes fixes au système tontinier. C'est M. Lefebvre qui nous y a contraint lui-même en opposant constamment dans son article un de ces deux systèmes à l'autre.

La première inexactitude est au début même de l'article. « Les premières entreprises de cette nature (Tontines), écrit M. Lefebvre, et se disant Mutualités, ne sont pas récentes, «<elles datent de près de vingt années. » Elles datent de beaucoup plus loin et l'une d'entre elles, notamment, a été autorisée par ordonnance royale du 2 août 1844, (Bulletin des lois, no 734), en tant que Société anonyme pour la formation et la gestion de Sociétés d'assurances mutuelles sur la

(1) Fidèle à sa méthode libérale et sachant que du choc des idées nait la lumière, la Revue Politique et Parlementaire se fait un devoir de publier aujourd'hui la réponse de M. Félix Leseur.

F. F.

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