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chef de demain. En devanche, en cas de guerre, le ministre ne devait garder auprès de lui que des généraux de brigade, souschefs d'état-major de l'armée. Il risquait d'être insuffisamment secondé. C'est cette lacune qui vient d'être comblée.

Désormais, le chef d'état-major général aura auprès de lui deux généraux de division qui pourront obtenir le rang et les prérogatives de commandant de corps d'armée.

L'un d'eux est destiné à l'accompagner lorsqu'il quittera Paris pour prendre son commandement.

L'autre est un véritable coadjuteur avec future succession.

Ce dernier officier général, grâce à sa participation constante à tout le travail de l'état-major de l'armée, sera parfaitement au courant des questions à traiter lorsqu'il remplacera son chef auprès du ministre.

On aura ainsi évité, dans les limites possibles, de s'en remettre aux hasards de l'improvisation pour la conduite des opérations actives et le fonctionnement du ministère de la Guerre pendant les hostilités.

IV. La liberté d'écrire. Le décret qui a rendu aux cadres subalternes le droit de punir directement, a été beaucoup mieux accueilli que ceux relatifs au droit d'écrire et à la communication des notes.

Les prescriptions du service intérieur du 25 mai 1910, en matière de punitions s'étaient heurtées d'un côté à la susceptibilité de braves gens qui croyaient leur prestige diminué et de l'autre à un désir trop fréquent de n'avoir pas d'histoires. La répression des fautes contre la discipline était presque forcément différée et risquait de devenir inefficace.

Un décret du 13 mai 1912 a modifié les prescriptions de celui du 25 mai 1910, au sujet de la liberté d'écrire, octroyée aux officiers.

Les nouvelles prescriptions réglementaires peuvent se résumer ainsi :

- L'officier est libre de publier un écrit quelconque sous son nom et sa responsabilité. Mais son nom ne doit être accompagné que de la simple indication de son grade et non pas de la mention des fonctions occupées actuellement ou antérieurement.

Chaque chef de corps ou de service est chargé d'apprécier les écrits dûs à la plume de ses subordonnés. Il prononce au besoin une sanction disciplinaire, quand une publication lui paraît préjudiciable à la discipline.

Ces nouvelles prescriptions n'ont pas eu une bonne presse.

La liberté d'écrire serait, dit-on, une liberté concédée à regret aux officiers et dont on voudrait rendre l'usage dangereux pour ceux qui tiendraient à ne pas comprometire leur carrière.

A propos de la mission dévolue aux chefs de corps pour apprécier l'œuvre de leurs sous-ordres, on a prétendu qu'il y aurait plusieurs poids et plusieurs mesures. Tel article de Revue passerait dans un régiment et attirerait les foudres de l'autorité dans le régiment d'à côté.

Ces critiques sont exagérées.

La censure préalable a cessé de vivre en 1910.

Elle ne renaîtra pas de ses cendres, c'est l'essentiel.

Le ministre n'a jamais eu l'intention d'empêcher les officiers de publier leurs travaux personnels.

Il a simplement le désir de n'avoir à répondre ni à des plaintes ni à des demandes d'explications à propos de ces travaux.

L'indication du grade lui a paru très suffisante pour que les lecteurs ne doutassent pas de la compétence de l'auteur d'un écrit.

Quant à la mission confiée aux chefs de corps, il est vrai qu'il se trouvera parmi ceux-ci une grande variété d'appréciations.

Mais, quand une sanction disciplinaire sera prononcée, elle ne le sera pas en dernier ressort. Il devra en être rendu compte au ministre en y joignant la pièce à conviction. Le ministre, voyant les choses de haut, pourra ne pas donner suite à la sanction disciplinaire soumise à son approbation. Les officiers auront ainsi, comme sous le régime du décret du 25 mai 1910 la garantie d'un critérium sensiblement égal pour tous.

D'ailleurs, même avec le chef le moins libéral, un officier peut, sans aucune crainte, confier sa prose à un éditeur s'il a soin de se conformer à la règle de conduite ci-après :

Ne pas attaquer les personnes ni faire état de renseigneinents qu'il n'aura connus, qu'en raison de ses fonctions.

Ceux qui ont l'honneur d'appartenir aux cadres de la nation armée ont des obligations un peu plus étroites que celles imposées aux simples citoyens. Sans qu'ils aient commis le moindre délit de presse, leurs écrits peuvent être répréhensibles; car dans l'exercice de leurs fonctions, ils ont entre les mains des documents qui

ne sont pas dans le domaine public; et le ministre ne saurait s'en remettre au tact de chacun de ses subordonnés pour savoir quelle partie de ces documents peut, sans inconvénients, être livrée à la publicité.

V. La communication des notes. Une décision ministérielle du 15 mai 1912 vient d'abroger les prescriptions de la circulaire du 13 janvier 1905, en vertu de laquelle il devait être donné à chaque officier, communication des notes inscrites dans son dossier.

La circulaire de 1905, dictée par un sentiment qui faisait honneur à M. Berteaux son auteur, avait eu certaines conséquences fâcheuses.

Tout le monde était bien noté depuis que les notes étaient destinées à être connues des intéressés et, par suite, le ministre ne se trouvait plus suffisamment renseigné sur la valeur du personnel placé sous ses ordres.

M. Berteaux avait bien prévu cet écueil à éviter quand il avait prescrit de résumer l'appréciation sur le mérite de chacun par une cote numérique entre 0 et 20.

L'éloquence des chiffres étant sans réplique, on aurait dû trouver là, beaucoup plus que dans une prose banale, un sérieux élément pour se faire une idée de la valeur professionnelle d'un officier.

Malheureusement, si la rédaction des notes restait sensiblement uniforme, les cotes numériques ne variaient que de 17 à 20. Depuis 1905, tous les officiers donnaient à leurs chefs des satisfactions à peu près égales par leur manière de servir et même il n'y avait plus dans l'armée française que des officiers hors ligne. En revanche, le ministre était très embarrassé pour répartir l'avancement d'une façon équitable et faire une attribution judicieuse des emplois.

Le général Percin avait proposé une solution ingénieuse pour obliger les chefs à différencier les bons et les médiocres parmi leurs subordonnés.

Cette solution aurait consisté à fixer, dans un régiment, une moyenne à ne pas dépasser pour les officiers de même grade. Il aurait fallu, en procédant ainsi, compenser les cotes élevées par

des cotes plus ou moins faibles, et la banalité résultant de la communication des notes aurait été sans inconvénients.

Mais, cette solution n'ayant pas été adoptée, le ministre vient de décider, pour couper court à de fàcheux errements, que la communication des notes n'aurait plus lieu que dans les cas prévus par la loi de finances du 22 avril 1905.

Cette loi est destinée à mettre tous les fonctionnaires, civils ou militaires, à l'abri de l'arbitraire. Elle prescrit de leur communiquer tout leur dossier, et par suite de leur donner la possibilité de se défendre, avant qu'ils ne soient l'objet d'une mesure disciplinaire quelconque ou d'un déplacement d'office ou bien encore d'un retard dans l'avancement à l'ancienneté.

Par extension de ce principe, M. Millerand a décidé que tout militaire pourrait encore demander la communication de son dossier quand il se croirait lésé pour l'avancement au choix.

Il est vrai que le ministre se réserve de ne pas faire droit à cette demande, mais le sas serait tout à fait exceptionnel et on peut dire que la communication d'un dossier aura lieu quand la chose en vaudra la peine.

C'est là une garantie sérieuse, à laquelle le ministre a ajouté l'obligation, pour les généraux, de recevoir individuellement chacun de leurs subordonnés comme aux inspections générales d'autrefois.

L'officier, en tête à tête avec son chef, libre de lui parler à cœur ouvert, en vertu d'une vieille tradition, pourra se justifier d'appré ciations, qu'il croira inexactes et demander les raisons d'un ostracisme dont il se jugera victime.

Presque personne ne songerait à demander davantage si l'avancement fonctionnait d'une manière satisfaisante.

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VI. La nouvelle loi des cadres de l'infanterie.

L'espace fait dé

faut pour examiner le projet de loi des cadres de l'infanterie qui doit être prochainement discuté devant la Chambre.

Dans ce projet, l'augmentation du nombre des sous-officiers destinés aux formations de seconde ligne rencontre une approbation unanime. A chaque convocation des régiments de réserve, on constate les services que rendent les sous-officiers de l'armée active pendant que leurs camarades réservistes se remettent au courant

des détails du service. En dehors des convocations, il est facile d'utiliser ces modestes serviteurs du pays non seulement pour l'instruction de la troupe, mais dans les multiples emplois que nécessite le vaste phalanstère qu'est un régiment du temps de paix.

En ce qui concerne les officiers, on a adressé de vives critiques aux cadres complémentaires, auxquels on reproche d'être inoccupés.

Ces critiques peuvent être justes, mais il n'en est pas moins vrai que l'existence des cadres complémentaires répond à une nécessité. Avec le faible rendement de la population française, la force principale de notre armée résidera de plus en plus dans les réserves. Celles-ci ont besoin d'être encadrées par des professionnels, et il faut éviter d'emprunter ces professionnels aux unités de l'armée active.

Le Parlement doit seulement limiter au strict nécessaire le nombre des officiers dépourvus de commandements actifs et exiger que ces officiers soient utilisés le mieux possible.

Pour les unités actives, il est indispensable qu'elles aient toujours à leur tête les chefs qui doivent les commander en temps de guerre.

Mais, quand il s'agit d'unités qui normalement n'existent que sur le papier, le commandement est suffisamment assuré avec un officier occupé ailleurs et arrivant quelques heures avant ses hommes au chef-lieu de la subdivision.

Enfin, comme il s'agit d'une augmentation de dépenses, on ne saurait négliger les économies qui pourraient servir de compensation.

Si l'infanterie n'a pas assez d'officiers, elle peut cesser de fournir le cadre du régiment des sapeurs-pompiers de Paris. L'arme du génie a un personnel suffisant et parfaitement apte à assurer l'encacadrement de ce régiment.

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