L'un d'eux, chancelant dans sa foi, L'autre étoit crédule et bigot; Il y vit de l'esprit l'abus trop ordinaire, Mais, de peur d'offenser l'astre qui nous écla Et condamna ses yeux à ne le voir jamais. Humains, pauvres humains, jouissez des bienfaits Nos vertus au Très-Haut sont le plus digne hommage, Et l'homme juste est le seul sage. 1 FABLE ΧΙΧ. MYSON. MYSON fut connu dans la Grèce Par son amour pour la sagesse, Pauvre, libre, content, sans soins, sans embarras, Il vivoit dans les bois, seul, méditant sans cesse, Et parfois riant aux éclats. Un jour deux Grecs vinrent lui dire : De ta gaîté, Myson, nous sommes tous surpris : Tu vis seul; comment peux-tu rire? Vraiment, répondit-il, voilà pourquoi je ris.. FABLE XX. LE CHAT ET LE MOINEAU. La prudence est bonne de soi; Mais la pousser trop loin est une duperie : Des moineaux habitoient dans une métairie. Leur donnoit du grain à foison. Et trouve un tour tout neuf. Il va tremper dans l'eau Sa patte dont il fait éponge. Dans du millet en grain aussitôt il la plonge; Ne bougeant non plus qu'une souche. Sa patte ressembloit à l'épi le plus gros: Venoit pour becqueter, de l'autre patte: Crac! Voilà mon oiseau dans le sac. Il en prit vingt par cette feinte. Que chaque épi de grain étoit patte de chat. Il se retire, et plus n'en sort, FABLE XXI. LE ROI DE PERSE. Un roi de Perse certain jour Chassoit avec toute sa cour. Il eut soif, et dans cette plaine On ne trouvoit point de fontaine. Près de là seulement étoit un grand jardin Rempli de beaux cédras, d'oranges, de raisin: A Dieu ne plaise que j'en mange! Dit le roi, ce jardin courroit trop de danger : Si je me permettois d'y cueillir une orange, Mes visirs aussitôt mangeroient le verger. FABLE ΧΧΙΙ. LE LINOT. UNE linotte avoit un fils Qu'elle adoroit selon l'usage; C'étoit l'unique fruit du plus doux mariage, Et le plus beau linot qui fût dans le pays. Sa mère en étoit folle, et tous les témoignages Que peuvent inventer la tendresse et l'amour Étoient pour cet enfant épuisés chaque jour. Notre jeune linot, fier de ces avantages, Se croyoit un phénix, prenoit l'air suffisant, Tranchoit du petit important Avec les oiseaux de son âge : Persifloit la mésange ou bien le roitelet, Donnoit à chacun son paquet, Et se faisoit haïr de tout le voisinage. Sa mère lui disoit : Mon cher fils, sois plus sage, Plus modeste surtout. Hélas! je conçois bien Les dons, les qualités qui furent ton partage; Mais feignons de n'en savoir rien, Pour qu'on les aime davantage. A tout cela notre linot Répondoit par quelque bon mot; La mère en gémissoit dans le fond de son âme. Un vieux merle, ami de la dame, |