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L'un d'eux, chancelant dans sa foi,
N'estimant rien que ses chimères,
Prétendoit méditer, connoître, approfondir
De son dieu la sublime essence;
Et du matin au soir, afin d'y parvenir,
L'œil toujours attaché sur l'astre qu'il encense,
II vouloit expliquer le secret de ses feux.
Le pauvre philosophe y perdit les deux yeux,
Et dès-lors du soleil il nia l'existence.

L'autre étoit crédule et bigot;
Effrayé du sort de son frère,

Il y vit de l'esprit l'abus trop ordinaire,
Et mit tous ses efforts à devenir un sot:
On vient à bout de tout; le pauvre solitaire
Avoit peu de chemin à faire,
Il fut content de lui bientôt.

Mais, de peur d'offenser l'astre qui nous écla
En portant jusqu'à lui des regards indiscrets,
Il se fit un trou sous la terre,

Et condamna ses yeux à ne le voir jamais.

Humains, pauvres humains, jouissez des bienfaits
D'un dieu que vainement la raison veut comprendre,
Mais que l'on voit partout, mais qui parle à nos cœurs.
Sans vouloir deviner ce qu'on ne peut apprendre,
Sans rejeter les dons que sa main sait répandre,
Employons notre esprit à devenir meilleurs.

Nos vertus au Très-Haut sont le plus digne hommage,

Et l'homme juste est le seul sage.

1

FABLE ΧΙΧ.

MYSON.

MYSON fut connu dans la Grèce Par son amour pour la sagesse, Pauvre, libre, content, sans soins, sans embarras, Il vivoit dans les bois, seul, méditant sans cesse,

Et parfois riant aux éclats.

Un jour deux Grecs vinrent lui dire : De ta gaîté, Myson, nous sommes tous surpris : Tu vis seul; comment peux-tu rire? Vraiment, répondit-il, voilà pourquoi je ris..

FABLE XX.

LE CHAT ET LE MOINEAU.

La prudence est bonne de soi;

Mais la pousser trop loin est une duperie :
L'exemple suivant en fait foi.

Des moineaux habitoient dans une métairie.
Un beau champ de millet, voisin de la maison,

Leur donnoit du grain à foison.
Ces moineaux dans le champ passoient toute leur vie
Occupés de gruger les épis de millet.
Le vieux chat du logis les guettoit d'ordinaire,
Tournoit et retournoit; mais il avoit beau faire,
Sitôt qu'il paroissoit, la bande s'envoloit.
Comment les attraper? Notre vieux chat y songe,
Médite, fouille en son cerveau,

Et trouve un tour tout neuf. Il va tremper dans l'eau

Sa patte dont il fait éponge.

Dans du millet en grain aussitôt il la plonge;
Le grain s'attache tout autour.
Alors à cloche-pied, sans bruit, par un détour,
Il va gagner le champ, s'y couche
La patte en l'air et sur le dos,

Ne bougeant non plus qu'une souche.

Sa patte ressembloit à l'épi le plus gros:
L'oiseau s'y méprenoit, il approchoit sans crainte,

Venoit pour becqueter, de l'autre patte: Crac!

Voilà mon oiseau dans le sac.

Il en prit vingt par cette feinte.
Un moineau s'aperçoit du piège scélérat,
Et prudemment fuit la machine;
Mais dès ce jour il s'imagine

Que chaque épi de grain étoit patte de chat.
Au fond de son trou solitaire

Il se retire, et plus n'en sort,
Supporte la faim, la misère,
Et meurt pour éviter la mort.

FABLE XXI.

LE ROI DE PERSE.

Un roi de Perse certain jour

Chassoit avec toute sa cour.

Il eut soif, et dans cette plaine

On ne trouvoit point de fontaine. Près de là seulement étoit un grand jardin Rempli de beaux cédras, d'oranges, de raisin: A Dieu ne plaise que j'en mange! Dit le roi, ce jardin courroit trop de danger : Si je me permettois d'y cueillir une orange, Mes visirs aussitôt mangeroient le verger.

FABLE ΧΧΙΙ.

LE LINOT.

UNE linotte avoit un fils

Qu'elle adoroit selon l'usage; C'étoit l'unique fruit du plus doux mariage, Et le plus beau linot qui fût dans le pays. Sa mère en étoit folle, et tous les témoignages Que peuvent inventer la tendresse et l'amour Étoient pour cet enfant épuisés chaque jour. Notre jeune linot, fier de ces avantages, Se croyoit un phénix, prenoit l'air suffisant, Tranchoit du petit important Avec les oiseaux de son âge : Persifloit la mésange ou bien le roitelet, Donnoit à chacun son paquet, Et se faisoit haïr de tout le voisinage. Sa mère lui disoit : Mon cher fils, sois plus sage, Plus modeste surtout. Hélas! je conçois bien Les dons, les qualités qui furent ton partage; Mais feignons de n'en savoir rien, Pour qu'on les aime davantage. A tout cela notre linot

Répondoit par quelque bon mot; La mère en gémissoit dans le fond de son âme. Un vieux merle, ami de la dame,

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