Ils prêchoient à leurs fils la vertu, la sagesse, Leur parloient du bonheur qu'ils procurent toujours;
Le père par un conte égayoit ses discours,
La mère par une caresse.
L'aîné de ces enfants, né grave, studieux, Lisoit et méditoit sans cesse;
Le cadet, vif, léger, mais plein de gentillesse, Sautoit, rioit toujours, ne se plaisoit qu'aux jeux. Un soir, selon l'usage, à côté de leur père, Assis près d'une table où s'appuyoit la mère, L'aîné lisoit Rollin: le cadet, peu soigneux D'apprendre les hauts faits des Romains ou des Parthes, Employoit tout son art, toutes ses facultés, A joindre, à soutenir par les quatre côtés Un fragile château de cartes. Il n'en respiroit pas d'attention, de peur. Tout à coup voici le lecteur
Qui s'interrompt: Papa, dit-il, daigne m'instruire Pourquoi certains guerriers sont nommés conquérants,
Et d'autres fondateurs d'empire:
Ces deux noms sont-ils différents?
Le père méditoit une réponse sage, Lorsque son fils cadet, transporté de plaisir, Après tant de travail, d'avoir pu parvenir A placer son second étage,
S'écrie: Il est fini! Son frère murmurant
Se fâche, et d'un seul coup détruit son long ouvrage;
Et voilà le cadet pleurant.
Mon fils, répond alors le père,
Le fondateur c'est votre frère,
Et vous êtes le conquérant.
Le phénix, venant d'Arabie,
Dans nos bois parut un beau jour:
Grand bruit chez les oiseaux; leur troupe réunie
Vole pour lui faire sa cour. Chacun l'observe, l'examine:
Son plumage, sa voix, son chant mélodieux, Tout est beauté, grâce divine, Tout charme l'oreille et les yeux. Pour la première fois on vit céder l'envie Au besoin de louer et d'aimer son vainqueur. Le rossignol disoit : Jamais tant de douceur N'enchanta mon âme ravie.
Jamais, disoit le paon, de plus belles couleurs N'ont eu cet éclat que j'admire, Il éblouit mes yeux et toujours les attire. Les autres répétoient ces éloges flatteurs, Vantoient le privilège unique De ce roi des oiseaux, de cet enfant du ciel, Qui, vieux, sur un bûcher de cèdre aromatique, Se consunte lui-même, et renaît immortel. Pendant tous ces discours la seule tourterelle, Sans rien dire, fit un soupir. Son époux, la poussant de l'aile, Lui demande d'où peut venir
Sa rêverie et sa tristesse:
De cet heureux oiseau désires-tu le sort?
Moi! mon ami, je le plains fort;
Il est le seul de son espèce.
UNE colombe avoit son nid
Tout auprès du nid d'une pie. Cela s'appelle voir mauvaise compagnie,
D'accord; mais de ce point pour l'heure il ne s'agit.
Au logis de la tourterelle Ce n'étoit qu'amour et bonheur;
Dans l'autre nid toujours querelle, OEufs cassés, tapage et rumeur.
Lorsque par son époux la pie étoit battue, Chez sa voisine elle venoit, Là jasoit, crioit, se plaignoit, Et faisoit la longue revue
Des défauts de son cher époux;
Il est fier, exigeant, dur, emporté, jaloux;
De plus, je sais fort bien qu'il va voir des corneilles;
Et cent autres choses pareilles Qu'elle disoit dans son courroux.
Mais vous, répond la tourterelle,
Etes-vous sans défauts? Non, j'en ai, lui dit-elle; Je vous le confic entre nous:
En conduite, en propos, je suis assez légère, Coquette comme on l'est, parfois un peu colère, Et me plaisant souvent à le faire enrager: Mais qu'est-ce que cela? C'est beaucoup trop, ma chère;
Commencez par vous corriger;
Votre humeur peut l'aigrir.... Qu'appelez-vous, ma mie?
Interrompt aussitôt la pie :
Moi de l'humeur! Comment! je vous conte mes maux, Et vous m'injuriez! Je vous trouve plaisante.
Adieu, petite impertinente: Mêlez-vous de vos tourtereaux.
Nous convenons de nos défauts, Mais c'est pour que l'on nous démente..
ENFIN le roi lion venoit d'avoir un fils; Partout dans ses États on se livroit en proie Aux transports éclatants d'une bruyante joie: Les rois heureux ont tant d'amis! Sire lion, monarque sage, Songeoit à confier son enfant bien-aimé Aux soins d'un gouverneur vertueux, estimé, Sous qui le lionceau fit son apprentissage. Vous jugez qu'un choix pareil, Est d'assez gran importance Pour que long-temps on y pense.
Le monarque indécis assemble son conseil: En peu de mots il expose
Le point dont il s'agit, et supplie instamment Chacun des conseillers de nommer franchement Celui qu'en conscience il croit propre à la chose. Le tigre se leva: Sire, dit-il, les rois
N'ont de grandeur que par la guerre; Il faut que votre fils soit l'effroi de la terre : Faites donc tomber votre choix Sur le guerrier le plus terrible, Le plus craint après vous des hôtes de ces bois. Votre fils saura tout, s'il sait être invincible.' L'ours fut de cet avis : il ajouta pourtant
Qu'il falloit un guerrier prudent, Un animal de poids, de qui l'expérience Du jeune lionceau sût régler la vaillance Et mettre à profit ses exploits. Après l'ours, le renard s'explique, Et soutient que la politique Est le premier talent des rois; Qu'il faut donc un Mentor d'une finesse extrême Pour instruire le prince et pour le bien former. Ainsi chacun, sans se nommer, Clairement s'indiqua soi-même:
De semblables conseils sont communs à la cour. Enfin le chien parle à son tour:
Sire, dit-il, je sais qu'il faut faire la guerre, Mais je crois qu'un bon roi ne la fait qu'à regret; L'art de tromper ne me plaît guère : Je connois un plus beau secret
Pour rendre heureux l'État, pour en être le père,
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