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FABLE PREMIÈRE.

LA MÈRE, L'ENFANT, ET LES SARIGUES. (*)

A MADAME DE LA BRICHE.

Vous de qui les attraits, la modeste douceur,
Savent tout obtenir et n'osent rien prétendre,
Vous que l'on ne peut voir sans devenir plus tendre,
Et qu'on ne peut aimer sans devenir meilleur,
Je vous respecte trop pour parler de vos charmes,
De vos talents, de votre esprit...

Vous aviez déja peur : bannissez vos alarmes,
C'est de vos vertus qu'il s'agit.

Je veux peindre en mes vers des mères le modèle,
Le sarigue, animal peu connu parmi nous,

Mais dont les soins touchants et doux,
Dont la tendresse maternelle,
Seront de quelque prix pour vous.
Le fond du conte est véritable:

Buffon m'en est garant; qui pourroit en douter?

(*) Espèce de renard du Pérou. (Burron, Hist. nat. D'ailleurs tout dans ce genre a droit d'être croyable, Lorsque c'est devant vous qu'on peut le raconter.

rom. IV.)

Maman, disoit un jour à la plus tendre mère
Un enfant péruvien sur ses genoux assis,
Quel est cet animal qui, dans cette bruyère,
Se promène avec ses petits?

Il ressemble au renard. Mon fils, répondit-elle,
Du sarigue c'est la femelle;
Nulle mère pour ses enfants

N'eut jamais plus d'amour, plus de soins vigilants.
La nature a voulu seconder sa tendresse,

Et lui fit près de l'estomac
Une poche profonde, une espèce de sac,

Où ses petits, quand un danger les presse,
Vont mettre à couvert leur foiblesse.

Fais du bruit, tu verras ce qu'ils vont devenir.
L'enfant frappe des mains, la sarigue attentive

Se dresse, et d'une voix plaintive
Jette un cri; les petits aussitôt d'accourir,
Et de s'élancer vers la mère,

En cherchant dans son sein leur retraite ordinaire.

La poche s'ouvre, les petits

En un moment y sont blottis,

Ils disparoissent tous; la mère avec vitesse
S'enfuit emportant sa richesse.

La Péruvienne alors dit à l'enfant surpris :
Si jamais le sort t'est contraire,
Souviens-toi du sarigue, imite-le, mon fils:
L'asile le plus sûr est le sein d'une mère.

FABLE II.

LE VIEUX ARBRE ET LE JARDINIER.

Un jardinier, dans son jardin,
Avoit un vieux arbre stérile;

C'étoit un grand poirier qui jadis fut fertile :
Mais il avoit vieilli, tel est notre destin.
Le jardinier ingrat veut l'abattre un matin;
Le voilà qui prend sa cognée.
Au premier coup l'abre lui dit :

Respecte mon grand age, et souviens-toi du fruit
Que je t'ai donné chaque année.

La mort va me saisir, je n'ai plus qu'un instant;
N'assassine pas un mourant

Qui fut ton bienfaiteur. Je te coupe avec peine,
Répond le jardinier; mais j'ai besoin de bois.

Alors, gazouillant à la fois,
De rossignols une centaine

S'écrie: épargne-le, nous n'avons plus que lui :
Lorsque ta femme vient s'asseoir sous son ombrage,
Nous la réjouissons par notre doux ramage;
Elle est seule souvent, nous charmons son ennui.
Le jardinier les chasse et rit de leur requête;
Il frappe un second coup. D'abeilles un essaim
Sort aussitôt du tronc, en lui disant : Arrête,
Écoute-nous, homme inhumain :

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