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Qu'on abatte la maisonnette;

Mais le calife veut que d'abord on l'achète.
Il fallut obéir: on va chez l'ouvrier,

On lui porte de l'or. Non, gardez votre somme,
Répond doucement le pauvre homme;

Je n'ai besoin de rien avec mon atelier :
Et, quant à ma maison, je ne puis m'en défaire;
C'est là que je suis né, c'est là qu'est mort mon père,

Je prétends y mourir aussi.

Le calife, s'il veut, peut me chasser d'ici,

Il peut détruire ma chaumière :
Mais, s'il le fait, il me verra

Venir, chaque matin, sur la dernière pierre
M'asseoir et pleurer ma misère.

Je connois Almamon, son cœur en gémira.
Cet insolent discours excita la colère
Du visir, qui vouloit punir ce téméraire
Et sur-le-champ raser sa chétive maison.
Mais le calife lui dit: Non,
J'ordonne qu'à mes frais elle soit réparée;
Ma gloire tient à sa durée :
Je veux que nos neveux, en la considérant,
Y trouvent de mon règne un monument auguste
En voyant le palais ils diront: Il fut grand;
En voyant la chaumière ils diront: Il fut juste.

FABLE IX.

LA MORT.

L'a Mort, reine du monde, assembla, certain jour,

Dans les enfers toute sa cour.

Elle vouloit choisir un bon premier ministre
Qui rendît ses États encor plus florissants.
Pour remplir cet emploi sinistre,
Du fond du noir Tartare avancent à pas lents
La Fièvre, la Goutte et la Guerre.
C'étoient trois sujets excellents;
Tout l'enfer et toute la terre

Rendoient justice à leurs talents.

La Mort leur fit accueil. La Peste vint ensuite.
On ne pouvoit nier qu'elle n'eût du mérite,
Nul n'osoit lui rien disputer;
Lorsque d'un médecin arriva la visite,
Et l'on ne sut alors qui devoit l'emporter.
La Mort même étoit en balance :
Mais les Vices étant venus,
Dès ce moment la Mort n'hésita plus;
Elle choisit l'Intempérance.

FABLE X.

LES DEUX JARDINIERS.

DEUX frères jardiniers avoient par héritage
Un jardin dont chacun cultivoit la moitié;
Liés d'une étroite amitié,

Ensemble ils faisoient leur ménage.

L'un d'eux, appelé Jean, bel esprit, beau parleur,
Se croyoit un très grand docteur;:::
Et monsieur Jean passoit sa vie

A lire l'almanach, à regarder le temps
Et la girouette et les vents.

Bientôt, donnant l'essor à son rare génie,
Il voulut découvrir comment d'un pois tout seul
Des milliers de pois peuvent sortir si vite;
Pourquoi la graine du tilleul,

Qui produit un grand arbre, est pourtant plus petite
Que la fève, qui meurt à deux pieds du terrain;

Enfin par quel secret mystère

Cette fève, qu'on sème au hasard sur la terre,
Sait se retourner dans son sein,

Place en bas sa racine et pousse en haut sa tige.
Tandis qu'il rêve et qu'il s'afflige

De ne point pénétrer ces importants secrets,
Il n'arrose point son marais;
Ses épinards et sa laitue

Sèchent sur pied; le vent du nord lui tue

Ses figuiers qu'il ne couvre pas.

Point de fruits au marché, point d'argent dans la bourse,

Et le pauvre docteur, avec ses almanachs,

N'a que son frère pour ressource.

Celui-ci, dès le grand matin,

Travailloit en chantant quelque joyeux refrain,
Bechoit, arrosoit tout du pêcher à l'oseille.
Sur ce qu'il ignoroit sans vouloir discourir,
Il semoit bonnement pour pouvoir recueillir.
Aussi dans son terrain tout venoit à merveille;
Il avoit des écus, des fruits et du plaisir.

Ce fut lui qui nourrit son frère;
Et quand monsieur Jean tout surpris
S'en vint lui demander comment il savoit faire :
Mon ami, lui dit-il, voici tout le mystère :

Je travaille, et tu réfléchis;
Lequel rapporte davantage?
Tu te tourmentes, je jouis;
Qui de nous deux est le plus sage ?

FABLE ΧΙ.

LE CHIEN ET LE CHAT.

Un chien vendu par son maître
Brisa sa chaîne, et revint
Au logis qui le vit naître.
Jugez de ce qu'il devint

Lorsque, pour prix de son zèle,
Il fut de cette maison

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Reconduit par le bâton
Vers sa demeure nouvelle.
Un vieux chat, son compagnon,
Voyant sa surprise extrême,
En passant lui dit ce mot:
Tu croyois donc, pauvre sot,
Que c'est pour nous qu'on nous aime!

FABLE XII.

LE VACHER ET LE GARDE-CHASSE,

COLIN gardoit un jour les vaches de son père;

Colin n'avoit pas de bergère,

Et s'ennuyoit tout seul. Le garde sort du bois :
Depuis l'aube, dit-il, je cours dans cette plaine,
Après un vieux chevreuil que j'ai manqué deux fois,

Et qui m'a mis tout hors d'haleine.
Il vient de passer par là-bas,

Lui répondit Colin: mais, si vous êtes las,
Reposez-vous, gardez mes vaches à ma place,

Et j'irai faire votre chasse;

Je réponds du chevreuil. - Ma foi, je le veux bien: Tiens, voilà mon fusil, prends avec toi mon chien,

Va le tuer. Colin s'apprête,

S'arme, appelle Sultan. Sultan, quoiqu'à regret,

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