FABLE II. LE BOEUF, LE CHEVAL ET L'ANE Un bœuf, un baudet, un cheval, Se disputoient la préséance. Un baudet! direz-vous, tant d'orgueil lui sied mal. A qui l'orgueil sied-il? et qui de nous ne pense Valoir ceux que le rang, les talents, la naissance, Élèvent au-dessus de nous? Le bœuf, d'un ton modeste et doux, Alléguoit ses nombreux services, Le coursier sa valeur, ses nobles exercices, Et l'âne son utilité. えい 1 Prenons, dit le cheval, les hommes pour arbitres: Et demande le jugement. Un des juges choisis, maquignon bas-normand, Le cheval a gagné. Non pas, mon cher confrère, Tout autre avis seroit d'une injustice extrême. Oh que nenni, dit le troisième, Fermier de sa paroisse et riche laboureur, Au bœuf appartient cet honneur. Quoi! reprend le coursier, écumant de colère, Votre avis n'est dicté que par votre intérêt ? Eh mais, dit le Normand, par quoi donc, s'il vous plaît? N'est-ce pas le code ordinaire? FABLE III. LE ROI ET LES DEUX BERGERS. CERTAIN monarque un jour déploroit sa misère, Et se lamentoit d'être roi : Quel pénible métier! disoit-il; sur la terre Je prends tous les moyens, inutile est ma peine; Dispersés, bêlants, éperdus, Et des beliers sans force errant dans les bruyères. Leur conducteur Guillot alloit, venoit, couroit, Puis à sa brėbis la plus chère; Et tandis qu'il est d'un côté, Un loup prend un mouton qu'il emporte bien vite; Le berger court, l'agneau qu'il quitte Par une louve est emporté. Guillot tout haletant s'arrête, S'arrache les cheveux, ne sait plus où courir, Voilà bien ma fidèle image! S'écria le monarque; et les pauvres bergers, Tant leur riche toison les gêne, Fait accourir de loin les agneaux bondissants. On les écarte mal avec un chalumeau. Ah! comme je rirois!... Dans l'instant le loup passe, Comme pour lui faire plaisir; Mais à peine il paroît, que, prompt à le saisir, Un chien s'élance et le terrasse. Au bruit qu'ils font en combattant, peux Un autre chien part, les ramène, Et ne quittoit pas sa musette. Alors le roi presque en courroux Lui dit: Comment fais-tu? Les bois sont pleins de loups, Tes moutons grås et beaux sont au nombre de mille, Et, sans en être moins tranquille. Dans cet heureux état toi seul tu les maintiens! Tout mon secret consiste à choisir de bons chiens. Alloient à pied tous deux à la ville prochaine. Thomas trouve sur son chemin Une bourse de louis pleine; Il l'empoche aussitôt. Lubin, d'un air content, Lui dit: pour nous la bonne aubaine! Pour nous n'est pas bien dit, pour moi c'est différent. Thomas tremblant, et non sans cause, Il tire la bourse et la donne. Qui ne songe qu'à soi quand sa fortune est bonne, FABLE V. LES SERINS ET LE CHARDONNERET. Un amateur d'oiseaux avoit, en grand secret, Parmi les œufs d'une serine Glissé l'œuf d'un chardonneret. La mère des serins, bien plus tendre que fine, Le petit étranger, sorti de sa coquille |