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A-t-on su que j'étois, qu'un peuple d'ennemis
S'en vient pour chercher sa victime.

Dans la fureur qui les anime,

Employant contre moi les plus affreux moyens,
De peur que je n'échappe, ils ravagent leurs biens:
Ils y mettroient le feu, s'il étoit nécessaire.

Eh! messieurs, me voilà, dit-elle en se montrant;

Finissez un travail si grand,
Je me livre à votre colère.

Un moissonneur, dans ce moment,
Par hasard la distingue: il se baisse, la prend,
Et dit, en la jetant dans une herbe fleurie:
Va manger, ma petite amie.

FABLE XVI.

LA GUEPE ET L'ABEILLE.

DANS le calice d'une fleur

La guêpe un jour voyant l'abeille,
S'approche en l'appelant sa sœur.
Ce nom sonne mal à l'oreille

De l'insecte plein de fierté,

Qui lui répond : Nous sœurs, ma mie,
Depuis quand cette parenté?
Mais c'est depuis toute la vie,
Lui dit la guêpe avec courroux:
Considérez-moi, je vous prie
J'ai des ailes tout comme vous,

Même taille, même corsage;
Et, s'il vous en faut davantage,
Nos dards sont aussi ressemblants,
Il est vrai, répliqua l'abeille,
Nous avons une arme pareille,
Mais pour des emplois différents.
La vôtre sert votre insolence,
La mienne repousse l'offense;
Vous provoquez, je me défends.

FABLE XVII.

LE HÉRISSON ET LES LAPINS.

IL est certains esprits d'un naturel hargneux
Qui toujours ont besoin de guerre;
Ils aiment à piquer, se plaisent à déplaire,
Et montrent pour cela des talents merveilleux.
Quant à moi, je les fuis sans cesse,
Eussent-ils tous les dons et tous les attributs;
J'y veux de l'indulgence ou de la politesse;
C'est la parure des vertus.

Un hérisson, qu'une tracasserie
Avoit forcé de quitter sa patrie,
Dans un grand terrier de lapins
Vint porter sa misanthropie.
Il leur conta ses longs chagrins,
Contre ses ennemis exhala bien sa bile,

:

Et finit par prier les hôtes souterrains

De vouloir lui donner asile.

Volontiers, lui dit le doyen :

Nous sommes bonnes gens, nous vivons comme frères,
Et nous ne connoissons ni le tien ni le mien;

Tout est commun ici: nos plus grandes affaires
Sont d'aller, dès l'aube du jour,

Brouter le serpolet, jouer sur l'herbe tendre :
Chacun, pendant ce temps, sentinelle à son tour,
Veille sur le chasseur qui voudroit nous surprendre;
S'il l'aperçoit, il frappe, et nous voilà blottis.

Avec nos femmes, nos petits
Dans la gaîté, dans la concorde,

Nous passons les instants que le ciel nous accorde.
Souvent ils sont prompts à finir;
Les panneaux, les furets abrègent notre vie,
Raison de plus pour en jouir.
Du moins, par l'amitié, l'amour et le plaisir,
Autant qu'elle a duré, nous l'avons embellie :
Telle est notre philosophie.

Si cela vous convient, demeurez avec nous,
Et soyez de la colonie;
Sinon, faites l'honneur à notre compagnie
D'accepter à dîner, puis retournez chez vous.
A ce discours plein de sagesse,
Le hérisson repart qu'il sera trop heureux
De passer ses jours avec eux.
Alors chaque lapin s'empresse
D'imiter l'honnête doyen
Et de lui faire polițesse.
Jusques au soir tout alla bien.

:

Mais, lorsqu'après souper la troupe réunie
Se mit à deviser des affaires du temps,

Le hérisson de ses piquants

Blesse un jeune lapin. Doucement, je vous prie,

Lui dit le père de l'enfant.

Le hérisson, se retournant,

En pique deux, puis trois, et puis un quatrième.
On murmure, on se fûche, on l'entoure en grondant.
Messieurs, s'écria-t-il, mon regret est extrême;
Il faut me le passer, je suis ainsi bâti,

Et je ne puis pas me refondre.
Ma foi, dit le doyen, en ce cas, mon ami,
Tu peux aller te faire tondre.

FABLE XVIII.

LE MILAN ET LE PIGEON.

Un milan plumoit un pigeon,

Et lui disoit: méchante bête,

Je te connois, je sais l'aversion

Qu'ont pour moi tes pareils; te voilà ma conquête!
Il est des dieux vengeurs. Hélas! je le voudrois,
Répondit le pigeon. O comble des forfaits!
S'écria le milan, quoi! ton audace impie

Ose douter qu'il soit des dieux?

J'allois te pardonner; mais, pour ce doute affreux, Scélérat, je te sacrifie.

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FABLE ΧΙΧ.

LE CHIEN COUPABLE.

Mon frère, sais-tu la nouvelle?
Mouflar, le bon Mouflar, de nos chiens le modèle,
Si redouté des loups, si soumis au berger,..
Mouflar vient, dit-on, de manger
Le petit agneau noir, puis la brebis sa mère,
Et puis sur le berger s'est jeté furieux.

- Seroit-il vrai? Très vrai, mon frère.
- A qui donc se fier? grands dieux!

C'est ainsi que parloient deux moutons dans la plaine;
Et la nouvelle étoit certaine.

Mouflar, sur le fait même pris,
N'attendoit plus que le supplice;

Et le fermier vouloit qu'une prompte justice
Effrayât les chiens du pays.

La procédure en un jour est finie.
Mille temoins pour un déposent l'attentat:
Récolés, confrontés, aucun d'eux ne varie;
Mouflar est convaincu du triple assassinat :
Mouflar recevra donc deux balles dans la tête
Sur le lieu même du délit.

A son supplice qui s'apprête
Toute la ferme se rendit.

Les agneaux de Mouflat demandèrent la grâce;
Elle fut refusée. On leur fit prendre place :

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