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gramme tracé par le mémoire préfectoral, les conseillers voyaient le montant de tous ces projets de travaux s'élever : dépasser 600, puis 725 millions. C'est pour cela qu'ils voulurent comprendre tout ce qui leur était demandé dans le programme à doter et que, mal affermis dans la résolution de principe dont le vote était dû plutôt à l'insistance énergique de M. Lefèvre qu'à leur conviction profonde, ils appuyèrent le nouveau rapporteur général, M. L. Dausset, quand il préconisa l'étude de projets financiers permettant à la ville de dépenser bien davantage que les sommes prévues au mémoire du préfet de la Seine.

Par une délibération prise le 31 décembre 1908, à la suite d'un exposé très intéressant du nouveau rapporteur général du budget, le Conseil municipal, sans statuer sur les conclusions de ce mémoire préfectoral du 18 mars 1908, invitait l'administration « à étudier et à chiffrer d'une façon précise le programme des grandes opérations et les combinaisons. financières y afférentes sur les bases de la proposition la plus large formulée au rapport général sur le budget de 1909 et à présenter les éléments de cette proposition avec toutes autres qui ont été produites.

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Ne se sentant plus du tout appuyée dans ses propositions (pourtant inspirées du vote du Conseil municipal) et redoutant, pour l'avenir du crédit de la Ville, des combinaisons financières basées sur des opérations de conversion des obligations si bien classées du type 4 0/0, l'administration, tout en rappelant sa proposition du 18 mars 1908, présenta, le 7 juin 1909, un nouveau mémoire préfectoral abandonnant le principe exclusif de l'utilisation des futurs disponibilités.

500 millions de francs d'opérations, à exécuter de 1910 à 1940, dont: Pour les édifices municipaux

25.000.000 15.000.000

Pour les promenades et plantations

Pour opérations de voirie et de viabilité

Pour travaux de défense contre la tuberculose

Pour réserve pour imprévus

Total.

395.000.000

50.000.000

15.000.000

500.000.000

En ajoutant aux annuités visées au mémoire les disponibilités résultant de l'extinction de l'emprunt 1865, de 1929 à 1945, on gageait pour 623.385.000 francs de travaux.

Ce mémoire concluait au vote d'une combinaison permettant de doter pour 785 millions et demi de francs d'opérations, à exécuter de 1910 à 1946. Mais, au lieu de payer directement les travaux, on consacrait la presque totalité des diverses disponibilités à gager 700 millions de francs d'emprunts, c'est-à-dire à amortir et à servir les intérêts de deux emprunts de 300 et de 400 millions de francs, réalisables de 1910 à 1929, amortissement et service se traduisant par un total de charges cumulées, s'espaçant de 1909 à 1975, de 1.772 millions de francs. Au lieu de doter par les disponibilités, au cours des 25 à 26 ans, pour 500 millions de francs, de travaux, on affectait pendant une durée presque triple la plupart des disponibilités à gager deux emprunts successifs.

En résumé, pour gager immédiatement pour environ 300 millions de francs de plus d'opérations diverses, on devait accepter un fardeau financier supplémentaire considérable, bien que réparti sur un grand nombre d'exercices.

Dans cette nouvelle combinaison, les travaux une fois exécutés, les engagements de la Ville ne laissaient plus intactes, pour les besoins budgétaires à venir, après 1935 ou 1940, comme dans le système de la dotation directe sans emprunt, les disponibilités à provenir de la disparition des annuités des emprunts 1865, 1869, 1871, 1875 et 1876 ainsi que de l'extinction de la dette secondaire. Les annuités de l'emprunt 1871 étaient affectées jusqu'en 1946, celles des emprunts 1875 et 1876 jusqu'en 1950, celles des emprunts 1865 et 1869 jusqu'en 1974. Pour rendre la surcharge moins écrasante, on l'éparpillait sur une plus longue période.

Aux personnes qui s'étonneront de cette brusque évolution des idées de l'administration parisienne et déploreront un tel abandon des plus saines idées financières, nous dirons qu'il est impossible, pour ceux qui ne vivent pas au milieu des assemblées élues, de concevoir la force des courants d'opinion qui s'y forment, parfois presque subitement.

La puissance de l'opposition aux idées que consacrait le premier mémoire du préfet était si bien reconnue par tous à ce moment que M. André Lefèvre lui-même, au lieu de persister à défendre le principe qui avait triomphé grâce à lui, crut devoir faire la part du sentiment qui poussait irré

sistiblement le Conseil à établir un programme si vaste de travaux que sa dotation dépassait de beaucoup le total qu'on pouvait tirer des disponibilités sans emprunter.

Il étudia et présenta un projet dans lequel, grâce à une série d'emprunts contractés à un taux déterminé d'avance vis-à-vis de la Caisse nationale des retraites, il dotait pour environ 800 millions de francs d'opérations et permettait même, en ajournant leur amortissement, de disposer de sommes encore plus importantes.

Peut-être si, en 1908, on avait, lors de sa production, très énergiquement appuyé le mémoire du préfet, si alors on l'avait discuté, n'aurait-on pas eu à subir, quelques mois plus tard, un courant d'opinion d'une telle force?

Mais à quoi eut-il servi de récriminer? il fallait statuer avant les vacances de juillet 1909, afin d'obtenir avant la fin de l'année le vote des prorogations des centimes. Et comme, dans une assemblée délibérante, si convaincu qu'on soit, d'avoir raison contre la majorité, il faut bien se résoudre à obéir aux votes de cette majorité, on s'explique la double évolution de M. Lefèvre et de l'administration municipale. Ni M. André Lefèvre, ni le préfet de la Seine ne sont des théoriciens; ce sont des administrateurs et des hommes politiques devant, dans un délai imparti, agir en tenant compte du milieu où ils opèrent.

Mais la concession que faisaient le nouveau mémoire du préfet et la proposition ingénieuse de M. André Lefèvre se heurtèrent à une série de combinaisons, fort séduisantes, du rapporteur général du budget, M. L. Dausset. Elles étaient - et il ne le dissimulait nullement — finalement bien plus onéreuses; mais, alors que le préfet, dans son dernier mémoire, prévoyait de 1910 à 1919 l'exécution de 389.465.000 francs d'opérations; que M. André Lefèvre, en prévoyait pour 327.165.000 francs, M. L. Dausset offrait une échelle allant de 523 à 734 millions de francs. M. Dausset et la majorité tenaient pour essentiel de faire beaucoup de travaux en peu de temps. Pour eux la nécessité d'emprunter restait un inconvénient secondaire.

C'est dans ces conditions que s'ouvrit la discussion. En dépit d'une remarquable défense de sa conception devant la

commission des finances, M. André Lefèvre y fut battu à une voix. La Commission écarta également la proposition primitive du préfet et, dans un rapport présenté par M. Ernest Caron, demanda le vote d'une délibération approuvant presque intégralement les propositions du second mémoire, soit un emprunt de 700 millions de francs, remboursable en 56 ans à partir de 1920.

Pour le service d'intérêts dès 1910 et d'amortissement à partir de 1920 de cet emprunt on demandait la prorogation pendant 31 ans, à partir du 1er janvier 1910, de la portion non renouvelée par la loi du 10 mars 1908 de l'imposition extraordinaire dont la perception a été autorisée au profit de la Ville de Paris jusqu'au 31 décembre 1900 par loi du 11 juillet 1899, ladite portion comprenant :

Pour l'année 1910, 34 centimes additionnels au principal des contributions foncière, personnelle-mobilière et des portes et fenêtres, et 17 centimes additionnels au principal de la contribution des patentes;

De 1911 à 1919, 31 centimes additionnels au principal des contributions foncière, personnelle-mobilière et des portes et fenêtres, et 15 centimes 5 additionnels au principal de la contribution des patentes;

De 1920 à 1940, 40 centimes additionnels au principal des contributions foncière, personnelle-mobilière et des portes et fenêtres, et 20 centimes additionnels au principal de la contribution des patentes.

Sur cette imposition, le produit de 20 centimes additionnels au principal des contributions foncière, personnelle-mobilière et des portes et fenêtres, et de 10 centimes additionnels au principal de la contribution des patentes devait servir au payement des dépenses municipales tant ordinaires qu'extraordinaires.

Le surplus du produit de l'imposition devait être exclusivement affecté, concurremment avec les disponibilités devant résulter ultérieurement de l'extinction de la dette secondaire et de l'emprunt de 1865, au service de l'emprunt de 700 millions visé à l'article de la délibération et à son amortissement anticipé, si les circonstances le permettaient.

Enfin, le préfet de la Seine était autorisé à solliciter des

REVUE POLIT., T. LXIII.

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pouvoirs publics la prorogation pendant 31 années à partir du 1er janvier 1910, de l'imposition extraordinaire de 4 centimes additionnels au principal des quatre contributions directes et de 20 centimes additionnels au principal de la contribution foncière dont la perception a été autorisée au profit de la Ville de Paris jusqu'au 31 décembre 1909 par la loi du 22 juillet 1892.

Le produit de cette imposition restait affecté, concurremment avec des prélèvements sur les ressources générales du budget, au service de l'emprunt municipal de 200 millions contracté en vertu de ladite loi.

Mais, bien que, prudemment, la première Commission ait proposé d'ajourner la discussion du programme des grands travaux, c'était, bien plus que les voies et moyens financiers, ce programme même et son importance qui préoccupaient le Conseil municipal. On fut submergé sous les demandes..

Chaque Commission permanente apporta le chiffre des opérations la concernant; chacune tenait ses propositions comme devant inéluctablement entrer dans le total des opérations. Quand on fit l'addition, après même qu'on eut rogné certains, il se trouva qu'elle ne pouvait être réduite audessous de 900 millions de francs. Et comme chaque Commission entendait réaliser «ses travaux» sans délais excessifs, en dix à quinze ans au plus, les pauvres disponibilités, même cumulées pendant 25 et 30 ans, restaient impuissantes à doter assez promptement toutes ces demandes. C'est pour ce motif qu'on abandonna définitivement l'idée de ne plus emprunter. Peut-être sera-t-il moins aisé qu'on ne se l'est imaginé de réaliser toutes les opérations de ce gigantestque programme en si peu de temps.

Toutefois, au début de la brève discussion en séance publique, la question de principe fut débattue grâce à un partisan déterminé de la répudiation du système des emprunts (sauf pour les services industriels), M. Lampué. Il reprit les arguments de M. André Lefèvre et du préfet en faveur de la dotation directe des travaux par les disponibilités, quitte à étendre à 40 ou 45 années la durée de leur affectation au paiement du vaste programme à dresser.

Sa motion, exposée avec une conviction qui fit impres

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