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missions d'études, etc., et un syndicat qui s'occupera des intérêts matériels, de l'agriculteur. Cette distinction entre des inérêts cependant solidaires est subtile et montre que ses auteurs ont été guidés par des considérations purement théo-, riques. Le même esprit se manifeste lorsqu'ils croient pou voir classer les S. A. en quatre catégories suivant la façon dont ils exécutent leurs opérations, et sans distinguer entre l'acte syndical el l'acte de commerce. N'est-ce pas cependant l'acte syndical qui doit servir de base dans l'appréciation du fonctionnement d'une Association professionnelle? Le Président de la Chambre de Commerce de Laval disait très jus-: tement, à l'Assemblée générale de novembre 1908 à Paris, que « lors que les syndicats se renferment dans l'élément. purement agricole, lorsqu'ils procurent des engrais chimiques à leur clientèle de syndiqués, en vendant purement et simplement à leurs syndiqués et non pas à d'autres, ils n'ont pas fait acte de commerce, mais acte de syndicat.

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En l'espèce la réglementation à adopter doit procéder du même principe que la loi de 1884. Celle-ci établit un droit syndical commun à tous les intérêts économiques, qu'ils soient industriels, commerciaux ou agricoles. Pas de divisions et de subdivisions entre les syndicats, par de classes ou de sous-classes. Par là l'œuvre de 1884 est excellente. Lorsque le législateur procède autrement, lorsqu'il statue séparément sur des questions similaires son effort tend ensuite à réunir en un tout homogène les éléments épars de la législation. C'est ainsi qu'il a fondu en une seule loi les principes. qui régissent les associations, qu'il s'efforce de condenser en un code du travail la législation ouvrière, qu'il a édicté en une seule loi les réglements applicables aux diverses Sociétés de Secours Mutuels. Le projet de loi de la Commission de l'agriculture a donc encore le défaut d'être contraire à la méthode de travail du Parlement, de rompre avec les traditions du législateur actuel. Après le statut syndical spécial aux agriculteurs on serait amené à en faire un spécial aux ployés, puis aux ouvriers de telle ou telle profession. Dans ce cas il est à prévoir que bientôt le législateur se verrait contraint d'intervenir à nouveau pour reconstituer la loi de droit commun syndical qui aurait été imprudemment désagrégée.

Pour se guider dans sa décision le Parlement doit prendre en considération les lacunes de la législation actuelle. Nul n'ignore que les auteurs de la loi de 1884 escomptaient, dans un avenir rapproché, le complément de l'œuvre si difficilement acceptée par le Sénat d'alors; nul ne peut ignorer non plus qu'à l'heure présente il n'y a plus, à proprement parler, de syndicat légal, et que nous nous trouvons en présence de cette injustice qu'on peut injurier, diffamer une Union Syndicale sans qu'elle puisse se défendre devant les tribunaux. Il doit tenir compte en outre de la législation en préparation (par exemple de celle prévue sur les contrats collectifs de travail); du mouvement qui s'est produit dans l'opinion depuis le dépôt, en 1899, des propositions de lois de MM. Waldeck-Rousseau et Millerand qui, en présence des développements du syndicalisme, réclament l'institution du patrimoine corporatif ; et il doit s'inspirer de l'avis des intéressés, plus d'un million de citoyens a fait entendre ses desiderata; si on n'écoutait ni les agriculteurs, ni les commerçants qui écouterait-on? Enfin il doit considérer le syndicalisme comme une doctrine corporative, c'est-à-dire n'étant pas seulement une réunion de personnes défendant leurs intérêts professionnels, mais aussi les réglementant, les coordonnant et les représentant auprès des pouvoirs publics. Il évitera de la sorte de faire verser les syndicats dans l'ornière coopérative et, suivant le vœu exprimé par M. Briand à la tribune de la Chambre, le 13 mai 1907, il donnera de la vie aux organisations syndicales, les remplira d'activité et donnera à la classe ouvrière la faculté de gérer les grands intérêts collectifs, en l'appelant à la propriété.

Les griefs adressés au projet créant des Syndicats économiques, permettent de dégager les idées suivant lesquelles il est possible de donner satisfaction aux S. A. De fait, plusieurs propositions de lois opposées à celle de la Commission de l'Agriculture ont obtenu leurs faveurs..

Faisant état de ce que les opérations incriminées sont pratiquées depuis un quart de siècle, avec les encouragements des pouvoirs publics, et sont utiles, non seulement aux S. A. mais encore à ceux du commerce et de l'industrie, elles demandent de légaliser ces opérations et d'autoriser à les continuer tous les Syndicats qui les ont effectuées jusqu'ici :

« Il se peut, en effet, écrit M. de Gailhard-Bancel, dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, qu'un Syndicat de petits commerçants soit sollicité par ses membres d'acheter, au prix du gros, des marchandises que ceux-ci, abandonnés à eux-mêmes, ne pourraient acheter qu'au prix du demi-gros ou à des conditions de qualité et de crédit moins avantageuses. Il est également possible que des ouvriers ou des ouvrières trouvent avantage à se procurer leurs instruments de travail, ou à vendre des objets de leur fabrication, par l'intermédiaire de leurs Syndicats. Pourquoi ce droit leur serait-il refusé? »

Il y aurait dans cette faculté la possibilité pour le petit commerce de concentrer ses efforts et de résister à la concurrence des grands magasins; pour les ouvriers de l'aiguille, les tisserands de campagnes, les travailleurs à domicile, le droit d'acheter en commun les outils et matières premières utiles à leurs travaux; pour les petits patrons, forgerons, serruriers, etc., le droit de faire des commandes collectives de charbon, de fonte, de fer, etc.

Le contre-projet de M. de Gailhard-Bancel est le premier en date déposé sur le bureau de la Chambre (18 décembre 1908). Il accorde aux Syndicats professionnels institués par la loi de 1884, le droit d'achat et de revente à leurs membres des objets propres à l'exercice de leur profession ou métier, et il autorise l'emploi des cotisations et des réserves sans que les Syndicats puissent acquérir d'autres immeubles que ceux nécessaires à leurs réunions, à leurs bibliothèques, à des cours d'instruction professionnelle, à des champs d'expérience, à des ateliers d'apprentissage, à des magasins de dépôt de marchandises ou autres objets visés ci-dessus.

Bien que cette proposition soit manifestement inspirée par les vœux des S. A. elle contient cependant quelques dispositions sur lesquelles il y a lieu de faire des réserves. En particulier, l'expression « acheter pour revendre » est un peu ambiguë, il serait sans doute préférable de la remplacer par «< acheter pour répartir »; l'autorisation donnée aux Syndicats de se livrer à toutes opérations de vente des produits de la profession peut ouvrir la porte à des abus, par exemple en ce qui concerne les produits de l'industrie. Elle est d'ailleurs

en opposition avec le vœu des Chambres de Commerce; aussi elle serait vivement combattue devant le Parlement. Enfin l'énumération de l'emploi des ressources des Syndicats est trop limitative. Elle ne comprend pas les publications syndicales, les magasins pour la réparation des outils, les jardins ouvriers, les asiles pour les vieux travailleurs ou les accidentés du travail. Pourquoi ne pas laisser aux Syndicats professionnels toute latitude pour employer leurs réserves aux œuvres d'intérêt professionnel? car « bien entendu, le fait d'accorder aux Syndicats des facultés nouvelles ne comporte pas conseil d'user de ces facultés. Encore moins est-ce les engager dans une voie plutôt qu'une autre. Cela vise uniquement à donner à l'action syndicale un plus grand nombre d'occasions de s'exercer, par conséquent à assurer la liberté dans les choix des moyens (1) ».

Oui, ce qu'il faut, c'est mettre à la libre disposition des Syndicats les moyens d'organiser une société corporative puisant en elle-même les ressources nécessaires à son existence et à son développement.

La proposition de loi de M. de Gailhard-Bancel eut, néanmoins, le grand mérite de donner une expression parlementaire aux vœux des S. A. et d'obliger les Chambres à aborder sans détour l'étude de l'extension des droits et de la capacité des Syndicats professionnels le jour où le projet de création des Syndicats économiques viendra en discussion.

Les réserves que nous avons faites sur ce contre-projet, disparaissent en grande partie devant la proposition de loi déposée quelques mois après par MM. Millerand et Dubief, et soutenue par la Commission du Travail. Elle fait droit aux revendications des S. A. tout en limitant sagement les facultés nouvelles accordées aux associations professionnelles, et comble les lacunes que contenaient les autres projets au sujet des Unions. Il est ainsi conçu :

ARTICLE PREMIER. Tout syndicat professionnel, régi par la loi du 21 mars 1884, peut, s'il y est autorisé par ses statuts et à la condition de ne pas distribuer de bénéfices, même sous forme de ristournes, à ses adhérents:

(1) Avis de la Commission du Travail sur le projet de loi relatif aux S. A. F. Dubief.

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1o Acheter, pour les revendre, louer ou prêter à ses seuls membres, tous les objets nécessaires à l'exercice de leur profession, notamment les matières premières, machines, instruments et outils, les engrais, semences et bestiaux;

2o Recevoir en dépôt les produits du travail de ses membres;

3o Prêter son entremise pour la vente de ces produits; faciliter cette vente par expositions, annonces, publications, groupement de commandes et d'expéditions, sans pouvoir l'opérer sous son nom et sous sa responsabilité;

4o Passer des marchés avec les administrations publiques;

5o Faire tous les actes nécessaires à la création et au fonctionnement d'œuvres annexes, strictement professionnelles, telles que champs d'expériences, laboratoires, cours d'instruction professionnelle, publications syndicales, périodiques ou non.

ART. 2. Tout syndicat peut acquérir les immeubles nécessaires aux opérations spécifiées à l'article 1er.

ART. 3. Les Unions de syndicats jouissent des mêmes droits et sont soumises aux mêmes obligations que les syndicats. Le dernier alinéa de l'article 5 de la loi du 21 mars 1884 est abrogé.

ART. 4. Les infractions aux présentes dispositions sont poursuivies dans les formes, et punies de pénalités prévues à l'article 9 de la loi du 21 mars 1884.

L'interdiction faite par l'article premier de distribuer des ristournes aux adhérents, c'est-à-dire la restitution des trop perçus sur leurs commandes, sera probablement combattue par quelques S. A. Cependant elle est logique, nous oserions même dire indispensable. Elle marque la différence qui doit exister entre les Syndicats et les Coopératives. Le Syndicat travaille dans l'intérêt de la collectivité, c'est l'intérêt de la corporation qui est au premier plan et qu'il doit satisfaire avant tout; tandis que dans la Coopérative cette préoccupation fait place au souci de procurer aux adhérents le maximum d'avantages personnels. Et pour couvrir mon opinion d'une autorité respectée par tous les S. A. j'invoquerai celle du regretté Duport, disant au Congrès International des S. A. tenu à Paris en 1900:

« Vous jugerez sans doute qu'il ne sera pas inutile d'établir tout d'abord que les S. A., tout en ayant des facultés analogues à celles des coopératives, sont cependant absolument distincts de ces associations. S'ils ont reçu de la loi le droit d'acheter pour leurs adhérents tout ce dont ceux-ci ont besoin pour l'exercice de leur profession et cela n'est plus contesté aujourd'hui (mais sans qu'on ait pu comprendre pourquoi, cela l'est en 1909), ils diffèrent absolument des coo

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