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à un degré qui n'exige de la loi qu'une intervention restreinte or, si la législation relative au chèque doit le généraliser comme instrument de paiement entre les particuliers, elle doit tendre surtout à réduire, grâce à l'emploi de ce procédé, les paiements en espèces. Dès lors, le législateur français doit prendre pour modèle, non le législateur d'une nation telle que la Grande-Bretagne, où les Clearing-houses ont atteint le merveilleux développement qui en fait un type accompli de règlement économique des dettes et des créances, mais le législateur d'un pays tel que l'Allemagne, où les organes de compensation (Abrechnungsstellen) ne jouent, comme en France, qu'un rôle effacé et subsidiaire.

Aussi bien suffit-il de se reporter et aux caractères du chèque barré et aux textes qui en proposent l'adoption pour constater que l'objet essentiel du barrement est la garantie contre le risque de vol ou de perte. Aucun obstacle légal ne s'oppose à la remise d'espèces en échange du chèque, et ce n'est point la qualité du bénéficiaire qui suffit à réaliser l'économie de numéraire: en effet, le principe de l'institution du chèque barré consiste dans la limitation, aux banquiers, du droit de toucher les chèques ; dès lors, le bénéficiaire du chèque ne peut se présenter lui-même chez le tiré : il doit recourir à l'intermédiaire d'un banquier; mais rien n'interdit à ce dernier de réclamer, ni au tiré de remettre des espèces en paiement du chèque; le tireur a simplement trouvé dans l'emploi du chèque un moyen pratique et sûr de s'acquitter d'une dette ; mais le créancier reçoit en définitive par l'intermédiaire de son banquier les espèces que le tireur s'est épargné la charge de lui faire parvenir directement.

Le législateur allemand, dont le texte date du 11 mars 1908, a été plus loin il a permis au tireur d'interdire le paiement en espèces du chèque qu'il émet; de la sorte, la dette s'éteint par une simple opération d'écriture le résultat s'obtient par une mention portée sur le chèque (1).

Cela posé, le mécanisme que je propose est le suivant :
Le tireur crée un chèque sur son banquier; il y inscrit la

(1) On trouvera une analyse de la loi allemande et le fac-simile d'un chèque allemand « pour mise en compte » dans mon étude intitulée Le chèque moderne, Paris, 1909.

mention « à porter en compte »; il le remet au bénéficiaire et celui-ci le présente chez le tiré : ce dernier, étant un banquier, au lieu de remettre des espèces au bénéficiaire, est tenu d'en inscrire le montant au crédit du bénéficiaire chez lui-même si le bénéficiaire est un de ses clients, ou de le virer au crédit du compte du bénéficiaire ou de tel compte indiqué par ce dernier chez tel banquier avec qui le banquier est en relations d'affaires.

Pour réaliser l'application de ce régime, plusieurs mesures doivent être prises par le législateur :

1o Le chèque doit être tiré sur un banquier : c'est en effet la condition nécessaire pour que l'inscription comptable au crédit du bénéficiaire ou de l'un de ses ayants droit soit possible. La loi française du 14 juin 1865 ne spécifie point la qualité du tiré ; de là une première réforme à accomplir. Sans doute, l'obligation de ne créer les chèques que sur les banquiers peut être critiquée comme restrictive de la liberté des transactions; mais il est permis de répondre que la nécessité d'une provision chez le tiré rend exceptionnels les cas où ce dernier n'est pas un banquier, et il semble que l'emploi du chèque tiré sur un non-banquer s'inspirerait en général du désir d'éviter la charge fiscale attachée à la création d'une lettre de change: le législateur, qui n'est tenu d'envisager que le cas général et qui a pour mission de prévenir les fraudes, est donc fondé à négliger le cas des particuliers qui règlent par chèque leurs dettes réciproques et à limiter l'octroi des immunités fiscales à des instruments de paiement qui ne soient point détournés de leur fonction normale pour devenir des instruments de crédit. Au reste la spécification légale de la qualité du tiré offre, par les facilités qu'elle donne à l'usage du chèque, des avantages dont le caractère général doit primer les cas particuliers en effet, d'une part, il est évident que les banquiers sont seuls en mesure de régler des engagements échus par de simples écritures, c'està-dire en l'absence du concours de la monnaie ; d'autre part, la solvabilité d'un banquier est plus facile à constater que celle d'un non-banquier, ce qui détermine le public à accepter le papier avec plus de confiance et, dès lors, en facilite la circulation.

REVUE POLIT., T. LXIII.

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D'ailleurs, dans ce système, le chèque n'est pas nécessairement présenté par un banquier chez le tiré ; le bénéficiaire lui-même peut le présenter; il lui faut sans doute avoir un banquier ou être en relations avec un individu qui a un banquier, puisque le chèque n'est payable que par voie d'inscription comptable.

Toutefois le terme de banquier ne peut être inscrit dans la loi sans donner lieu à des erreurs ou à des mécomptes : ainsi, tel banquier-escompteur sera patenté comme escompteur et non comme banquier, et réciproquement, tel.commerçant patenté comme banquier n'exercera point la profession de banquier; il semble donc utile de remplacer la mention de banquier par celle de « commerçant qui effectue à titre professionnel des encaissements et des paiements ».

2o Le tireur doit être autorisé à interdire par une mention formelle le paiement du chèque en espèces cette mention donne à la fois la certitude de l'économie du numéraire et une garantie contre le vol, puisque le détenteur du chèque ne peut obtenir du banquier tiré qu'une inscription comptable du montant porté sur le chèque le détenteur ne peut donc faire usage du chèque qu'à condition d'être titulaire d'un compte en banque ou d'être en relations avec le titulaire d'un tel compte. Il convient même, à raison de l'utilité de cette mention, d'en autoriser l'inscription non seulement par le tireur, mais encore par un endosseur ou par le bénéficiaire.

3o Le tiré doit être obligé au respect de cette interdiction : à cet effet, la loi doit spécifier qu'au cas de paiement en numéraire, il est responsable du dommage qui peut en résulter.

4° La mise en compte doit être assimilée légalement au paiement; de plus lorsqu'un chèque, revêtu ou non de la mention qui interdit le paiement en numéraire, est présenté dans une chambre de compensation où le tiré est représenté, le porteur doit conserver son recours contre les signataires du chèque dans les mêmes conditions de délai que si le chèque avait été présenté chez le tiré.

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Telles sont les mesures qui paraissent de nature à généraliser en France, par l'emploi du chèque, l'économie de numéraire.

La proposition de loi dans laquelle je les ai résumées se réduit aux trois articles suivants, qui pourraient être ajoutés à la loi du 14 juin 1865.

La loi du 14 juin 1865 est complétée par les articles eiaprès :

ARTICLE 8. Le chèque ne peut être tiré que sur un commerçant qui effectue à titre professionnel des encaissements et des paiements.

ARTICLE 9. Le chèque revêtu, sur le recto, de la mention transversale « à porter en compte » n'est point payable en numéraire ; il ne peut donner lieu qu'à une inscription comptable.

Cette mention peut être inscrite soit par le tireur soit par un endosseur soit par le bénéficiaire. Elle ne peut être supprimée.

Le tiré qui paie en numéraire un chèque revêtu de la mention précitée est responsable du dommage qui en résulte. L'inscription comptable vaut paiement.

ARTICLE 10. - La présentation, dans une chambre de compensation où le tiré est représenté, d'un chèque revêtu ou non de la mention précitée, équivaut à la présentation du chèque chez le tiré.

MAURICE BELLOM.

VARIÉTÉS

I

L'EXPANSION COMMERCIALE ET INDUSTRIELLE
DE LA FRANCE (1)

Messieurs,

Vous savez que la destinée des nations est étroitement liée à leur développement économique, à leur puissance d'expansion industrielle et commerciale dans le monde. Dans chaque pays, d'un bout à l'autre de l'étroit univers, nous voyons désormais les problèmes du travail et du capital, de la production, de l'échange, et de la répartition des richesses l'emporter sur tous les autres et les rivalités industrielles et commerciales entre les peuples devenir chaque jour plus ardentes Les esprits délicats peuvent s'attrister de ce phénomène, el craindre que l'humanité, en proie au délire économique, ne fasse, en s'y livrant, que forger un nouvel anneau à la chaîne infinie de ses déceptions et de ses chimères... Mais l'essentiel, en ces matières, n'est point de philosopher; il faut vivre. Or, la vie, en ce moment, c'est l'action, l'essor économique. Malheur à la nation qui reste « tassée sur elle-même comme un petit marchand dans sa boutique étroite »>! Malheur au peuple qui, las et agité, se complaît en de vaines disputes, ou s'endort en rêvant sur les bords de son fleuve comme l'Indien de Bénarès !

Pour mesurer le prodigieux effort économique auquel se livre l'humanité du xx° siècle, il suffit d'envisager un instant les chiffres du commerce extérieur dans les pays où les échanges dépassent un milliard.

(1) Conférence faite par M. Jean Cruppi, le 16 février 1910, à la Ligue de l'Enseignement, 3, rue Récamier (V. Revue Politique et Parlementaire, du 10 février, p. 292.)

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