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mes et de subventions, à supporter la concurrence étrangère, on comprend mal qu'il veuille écarter entièrement cette concurrence qui empêche les frets de s'élever à des prix de monopole.

Dans ses lois protectrices de la marine marchande nationale, la France, depuis 1881, a su borner ses efforts à maintenir la concurrence des transports maritimes en défendant l'existence de sa marine marchande; par sa nouvelle loi, l'Espagne veut établir un monopole en faveur de sa marine nationale; quoi qu'il en soit des apparences, la différence entre les deux législations est radicale et essentielle. Notre politique économique se comprend et se justifie; celle que suivent nos voisins du Sud-Ouest est tout au moins imprudente, elle suffira peut-être à compromettre le succès définitif de leur renaissance économique qui, jusqu'ici, s'annonce si belle; mais il n'est pas temps encore d'envisager cette éventualité, la loi nouvelle n'est applicable qu'à partir de l'an prochain et, d'ici là, le législateur espagnol a le loisir de la réviser.

G. LECARPENTIER et M. DEWAVRIN.

LE

PROJET DE LOI SUR LES CHÈQUES POSTAUX

Mon cher Directeur,

Je n'aurais pas repris la plume et adressé un nouvel appel à la bienveillante hospitalité de la Revue, s'il ne me paraissait nécessaire de relever les allégations inexactes, les erreurs de fait qui accompagnent la réponse de M. Guillaume Chastenet à mon article sur le projet de loi des chèques postaux.

L'honorable député de la Gironde reproche aux sociétés de crédit et aux grandes banques privées d'avoir complètement négligé l'exemple des institutions analogues dans les pays étrangers, et de n'avoir tenté aucun effort sérieux pour développer l'usage des chèques, le système des méthodes de compensation et des clearing-houses. Or, que répondent les faits à une pareille acusation? Ne sont-ce pas les grandes banques privées et les sociétés de crédit qui ont, au contraire, provoqué et propagé, par tous les moyens en leur pouvoir, la diffusion du chèque dans notre organisme financier et consenti des sacrifices considérables pour créer, dans toutes les localités suffisamment importantes, un réseau serré d'agences et de succursales dont la délivrance des chèques à la clientèle constitue une des principales attributions?

Ne sont-ce pas les mêmes établissements financiers qui ont pris l'initiative de créer à Paris la première organisation des clearing-houses, et lui fournissent aujourd'hui son principal aliment? La Chambre de compensation de Paris, affirme M. Chastenet, n'a jamais compensé que des sommes tout à fait insignifiantes (9 milliards); si on les compare à celles que nous présentent les clearing-houses des grandes villes

de l'Angleterre et des Etats-Unis. Or, le mouvement de la Chambre de compensation de Paris n'est pas, comme le croit à tort M. Chastenet, de 9 milliards; il s'est élevé, en 1909, à la somme déjà respectable de 29 milliards 219.942.000 fr. Comment s'étonner, d'ailleurs, que ce chiffre ne soit pas comparable à celui de l'Angleterre, si l'on songe que, le montant des dépôts dans les établissements financiers du Royaume-Uni étant trois fois au moins supérieur au chiffre des dépôts français, les échanges et, par suite, les occasions de compensation ne peuvent qu'y être naturellement beaucoup plus intenses, et que ce montant est même à peine égal, sinon inférieur au chiffre des dépôts de l'Allemagne, tel qu'il ressort des bilans et des états de situation publiés par les établissements de crédit de ce pays?

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Et puis, n'est-ce pas se faire une singulière conception des conditions du commerce de la banque, que de sembler croire que l'extension de l'usage du chèque, des méthodes de compensation et des clearing-houses dépend exclusivement de la volonté et de l'initiative des sociétés de crédit, qu'elle ne reste pas, avant tout, subordonnée à l'activité du mouvement des échanges, des besoins du marché économique et financier, et qu'elle ne se conforme pas nécessairement aux habitudes d'esprit, au tempérament de la clientèle, du rentier ou du commerçant français, qui s'est, jusqu'ici, montré beaucoup plus réfractaire à la pratique du chèque que le rentier ou le commerçant anglais ou américain ?

Enfin, M. Chastenet perd de vue que la constitution particulière de notre régime de banque nous rend bien moins nécessaire qu'à d'autres pays le développement des méthodes de compensation et des clearing-houses. En effet, la Banque de France ne vient-elle pas jouer chez nous le rôle d'une véritable Chambre de compensation, par suite du chiffre colossal d'effets de commerce à échéance brûlante que lui remettent les banques privées et les sociétés de crédit, pour en soigner l'encaissement, d'autant plus que les opérations de banque du commerce français sont par leur nature même infiniment plus fractionnées, plus démocratisées, que celles du commerce anglais ou américain, et que les ventes au détail extrêmement nombreuses, tendent à encombrer le porte

feuille des établissements de crédit d'une masse énorme de broches qui ne peuvent donner lieu à des opérations de compensation, et prennent naturellement le chemin de la Banque de France?

Au cours de sa réponse, M. Chastenet se défend énergiquement de vouloir être étatiste et partisan des monopoles d'Etat. Nous lui répondrons qu'en pareille matière les intentions comptent beaucoup moins que les faits et que les actes.

N'étions-nous pas autorisés à dénoncer comme une nouvelle forme d'étatisme le plus caractérisé, ce projet de loi qui aspire à priver le commerce national de la Banque d'une initiative financière et d'une branche importante d'affaires qui rentrent directement dans sa compétence, et à tarir, par suite, une source légitime de ses bénéfices pour en enrichir, à ses dépens, l'Etat, qui n'est manifestement pas fait pour ajouter cette nouvelle attribution aux services déjà trop considérables qu'il a tant de peine à bien gérer ?

TH. FERNEUIL.

LE CHÈQUE ET LA COMPENSATION

Dans ses derniers numéros, la Revue Politique et Parlementaire a donné, sur la question du chèque, des articles si ingénieux et si documentés que toute incursion nouvelle semble téméraire dans ce domaine. Néanmoins, au risque d'encourir un tel reproche, je me hasarde à signaler un aspect du problème qui me paraît avoir été négligé jusqu'ici. Je ne viserai point l'institution du chèque postal sur laquelle je partage les craintes de M. Ferneuil et de M. Legrand. Je me bornerai à reprendre une idée que j'ai formulée naguère dans une proposition de loi et que l'usage du droit de pétition m'a permis de soumettre au Parlement le 4 novembre dernier, grâce à la bienveillante intervention de M. Alexandre Ribot au Sénat et de M. Lebrun à la Chambre.

Mon but a été de réduire, grâce à la diffusion du chèque et à l'amélioration de son emploi, la quantité de numéraire que les transactions ne cessent de réclamer en France. Alors que le 10 février dernier la circulation de la Banque de France était de plus de 5 milliards, celle de la Banque d'Allemagne n'atteignait que 1 milliard 900 millions, et celle de la Banque d'Angleterre ne s'élevait qu'à moins de 700 millions de francs. Tel est sans doute l'objet des propositions de loi relatives au chèque postal ou au chèque barré mais les premières ont l'inconvénient d'attribuer à l'Etat une fonction nouvelle, celle de banquier, qui ne semble pas plus lui convenir que toute fonction industrielle ou commerciale, et les secondes n'apportent à la législation en vigueur qu'une modification incomplète.

La création du chèque barré s'inspire, en effet, de l'exemple de l'Angleterre, c'est-à-dire d'un pays où l'usage de la compensation est répandu, par suite des habitudes nationales,

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