Les services subventionnés sont répartis en deux catégories, comprenant la première, six des lignes de navigation au long cours, à savoir: une ligne directe vers Cuba et le Mexique, une ligne de même destination mais via New-York, une ligne vers l'Uruguay et l'Argentine, une ligne sur le Vénézuéła et la Colombie, une ligne sur les Philippines, une ligne sur Fernando Po. Dans la seconde catégorie de services subventionnés, se trouvent les trois lignes de cabotage international suivantes : sur les Canaries, sur les Baléares, sur le continent africain. L'organisation des services des lignes de navigation au long cours est très complexe (1). Le caractère du trafic que devra assumer chaque service, l'importance de la flotte à y affecter, la vitesse moyenne et le tonnage réglementaire des navires sont l'objet de prescriptions minutieuses. Les conditions mises au bénéfice des subventions sont plus rigoureuses que ne le sont celles de la loi en matières de primes à la navigation libre. Ici, l'énumération des obligations imроsées aux concessionnaires par la loi n'est pas limitative, et le gouvernement, s'il le juge à propos, peut en édicter de complémentaires. Les principales conditions indiquées dans le texte même de la loi sont les suivantes : l'agencement intérieur des navires au point de vue du confortable devra être comparable à celui des bâtiments étrangers et les prix de passage des voyageurs ne devront pas excéder ceux des compagnies étrangères pour le même parcours. Les tarifs de fret devront être soumis à l'approbation du gouvernement, les Chambres de Commerce entendues. Le concessionnaire devra s'engager à transporter gratuitement les correspondances postales, et à consentir des réductions de tarif au profit des agents du gouvernement et des marchandises destinées aux services publics. D'autre part, les approvisionnements du navire devront être faits de préférence en Espagne et consister autant que possible en produits espagnols; la loi exige tout particulièrement que les deux tiers au moins (1) Celle des lignes de cabotage international est simple mais présente peu d'intérêt; elle se caractérise par la durée de dix ans pour le contrat de subvention et par la périodicité des services qui sont bi-hebdomadaires, hebdomadaires ou mensuels, suivant la ligne. du charbon embarqué dans les ports espagnols de la Péninsule proviennent des mines nationales, et, pour empêcher que cette prescription ne soit tournée par des navires qui n'emporteraient que la quantité de charbon juste suffisante pour aller faire leur charbon dans un port étranger voisin, elle ajoute que la quantité de charbon espagnol embarqué doit être, en outre, au moins égale aux deux tiers de la capacité des soutes. Pour garantir l'accomplissement de ces conditions, le gouvernement pourra, et même devra, imposer aux concessionnaires, un cautionnement dont il fixera le montant. Le contrat devra prévoir une échelle de pénalités, qui pourront aller jusqu'à la rescision de la convention avec confiscation du cautionnement. La durée des contrats de subvention est fixée à vingt ans. A l'exception des lignes des Philippines et de Fernando Pô, les lignes subventionnées de navigation au long cours devront être desservies par des navires d'au moins 9.000 tonneaux. Pour les deux lignes « plus spécialement affectées au transport des passagers de cabine », celle d'Argentine et celle de Cuba-Mexique, par voie directe, le nombre -de ces bâtiments est fixé à six et leur vitesse réglementaire à 15 nœuds. Les deux lignes à trafic mixte: Vénézuéla-Colombie et La Havane-Véra-Cruz via New-York, pourront ne comporter qu'une flotte de cinq navires et la vitesse moyenne annuelle exigée d'eux n'est que de 13 nœuds et demi (1). En dehors des services principaux, l'organisation des lignes subventionnées comporte des correspondances aux es'cales; mais, en revanche, les navires sont autorisés à toucher dans un port étranger d'Europe en cours de voyage. En retour de ces services, quelles subventions toucheront les lignes ? Les navires des lignes de l'Argentine et de Cuba-Mexique (1) Sauf sur la ligne des Philippines, le tonnage des navires pourra être réduit au-dessous du chiffre réglementaire pourvu que cette diminution soit compensée par une augmentation de la vitesse moyenne, le taux des réductions est limité à un sixième sur les deux lignes à service rapide, à un tiers sur les deux autres lignes; mais on remarquera que la loi n'admet pas en sens inverse une compensation de diminution de vitesse par augmentation de tonnage. direct, toucheront 1 peseta 33 par tonneau de jauge brute et 1.000 milles parcourus; ceux des lignes Vénézuéla-Colombie et Cuba-Véra-Cruz viâ New-York, 1 peseta 10 seulement. Le contingent annuel des subventions instituées au profit des services de long cours s'élève à 9.628.000 pesetas (1). L'ensemble des primes et subventions coûtera au total 14 millions et demi de pesetas au Trésor espagnol, mais l'Espagne se flatte qu'une bonne partie de cette charge sera supportée par la navigation étrangère. En effet, en vertu de l'article premier de la nouvelle loi, à partir du 1er janvier 1911, tous les navires à vapeur naviguant au long cours et transportant des marchandises ou des passagers en provenance de ports étrangers d'Europe, d'Asie ou d'Afrique dans la Méditerranée ou à destination de ces ports acquitteront dans le premier port de la Péninsule ou des îles Baléares, où ils effectueront une opération commerciale, un impôt de 75 centésimos par chaque tonneau de jauge nette. Cet impôt sera réduit à 50 centésimos chaque fois que les opérations commerciales effectuées par le navire n'excèderont pas la moitié de son tonnage net, sauf perception complémentaire, si d'autres opérations sont faites dans d'autres ports espagnols au cours du même voyage. Les navires pourront, en remplacement de cet impôt, prendre un abonnement annuel de 2 pesetas par tonneau de jauge nette, payable d'avance. Le but du gouvernement espagnol, en faisant cette loi, n'a pas été de maintenir à tout prix les services maritimes qu'il prime ou qu'il subventionne, par amour-propre et par vaine gloire; il n'a eu en vue que de favoriser le commerce extérieur de l'Espagne. Le texte de la loi, à chaque page, le prouve : « Seront exemptés du paiement de l'impôt les navires qui embarqueront exclusivement des fruits frais, A.I., p.5. (1) Les navires qui réunissent les conditions requises pour bénéficier des primes et subventions, sont appelés, par surcroît, à jouir d'avantages accessoires. Il convient de citer entre beaucoup de faveurs du même genre, la réduction de moitié des honoraires à payer aux jaugeurs jurés, maîtres de port, mécaniciens experts, etc., ainsi que du tarif d'expédition et de visa des patentes de santé, l'exception du droit de visite sanitaire, et la modification des règlements sur la libre pratique et l'amarrage. ... Le gouvernement pourra traiter du remplacement de la ligne des Philippines par une autre ou d'autres plus en rapport avec l'intérêt général, A.XVII., p.3 —. >> Evidemment les Espagnols estiment que c'est avec leurs anciennes colonies d'Amérique et d'Australasie, et ce qui leur reste de colonies en Afrique, voire avec l'Afrique du Nord en général, qu'ils ont intérêt à développer le plus leurs relations commerciales, mais si dans l'avenir ils doivent, de ce côté, éprouver des déceptions ils sauront se retourner et, dès maintenant, la loi donne au gouvernement la plus grande latitude pour agir à cet égard en conformité avec « l'intérêt général ». Un long article de la loi l'article 18 trace au gouvernement un programme des mesures à prendre « pour donner plus d'efficacité aux primes à la navigation et aux subventions accordées aux services réguliers », en favorisant l'exportation des produits nationaux. Les uns présentent pour le commerce espagnol une utilité immédiate, ce sont « le développement des tarifs réduits de transport par chemin de fer pour les articles de production nationale destinés à l'exportation, les ententes entre les Compagnies de chemins de fer et les Compagnies de navigation nationales qui permettront d'établir avec régularité et efficacité des transports combinés terrestres et maritimes avec tarifs spéciaux réduits aux taux de fret courant, et facilitant l'accès du littoral, l'introduction par celui-ci et l'exportation directe par navires nationaux des principaux articles de production nationale et plus spécialement du charbon ». Le même article stipule déjà une prime de 30 centésimos par tonne de charbon espagnol exporté ou distribué par voie maritime. Un grand nombre de matières premières de l'industrie seront exemptes à leur débarquement de l'impôt de transport maritime si elles proviennent en trafic direct de leur pays d'origine et sont importées par des navires effectuant un voyage d'aller et retour avec, pour point de départ, les ports espagnols de la Péninsule et des îles Baléares, à l'aller, et au retour pour destination unique, les mêmes ports. D'autres mesures moins immédiatement utiles ne laisseront pas que de favoriser l'essor du commerce extérieur de l'Espagne, et ces mesures, la loi du 14 juin 1909 ordonne au gouvernement de les favoriser, ce sont toutes ententes capables « d'assurer le plus convenablement possible l'autonomie administrative des plus importants ports d'Espagne et leur développement », et encore, la création de banques et de syndicats d'exportation, de musées commerciaux, de sociétés de crédit maritime et d'hypothèque maritime, etc. Le désir qu'a l'Espagne de développer sa puissance économique, est louable en soi, mais il n'est pas certain que tous les moyens employés par elle dans ce but y soient également appropriés. Il y a contradiction pour un pays, à vouloir étendre son trafic maritime en même temps que restreindre les voies de communication et les moyens de transport qui l'unissent aux pays avec qui il veut commercer. C'est là pourtant le double but que poursuit l'Espagne; elle ne se contente pas de donner des primes et des subventions à sa marine marchande, elle cherche à réduire, en l'entravant par certaines dispositions de sa nouvelle loi, le trafic des marines étrangères dans ses ports. La clause qui exempte de l'impôt de transport maritime les matières premières importées « par navires nationaux et étrangers armés au long cours pourvu que le débarquement ait lieu au retour des navires effectuant un voyage d'aller et retour, ayant pour point de départ les ports espagnols de la Péninsule et des îles Baléares, à l'aller, et pour destination unique, les mêmes ports au retour », est un moyen et n'est qu'un moyen détourné d'exempter les importations par navires espagnols de droits qu'auront à supporter les marchandises importées sous pavillon étranger, ou, si l'on préfère, de frapper en pratique les seuls navires étrangers d'un impôt que l'on déclare en principe devoir peser également sur les navires nationaux aussi bien que sur les navires étrangers. Tranchons le mot: l'Espagne rétablit chez elle le système de la surtaxe de pavillon, et elle le fait pour cesser d'être le port d'escale des marines des autres pays européens. Sa situation géographique cependant, l'y condamne, comme la nôtre nous y condamne également. Si, au point de vue d'une marine marchande nationale, cette situation géographique est une grave cause d'infériorité et si l'on comprend qu'un pays qui voit sa marine dans cet état d'infériorité l'aide au moyen de pri |