Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Les aéroplanes ont aujourd'hui la supériorité de la vitesse, c'est incontestable, mais ils sont tout à fait insuffisants au point de vue du rayon d'action et de l'altitude. Comment les améliorer sous ce rapport? Ici, la solution est plus simple en théorie, mais d'une réalisation plus difficile.

L'aéroplane, en effet, est un instrument d'une souplesse merveilleuse. Les premiers que l'on a fait évoluer pouvaient, d'une manière stricte, résoudre le problème du vol mécanique; les moteurs étaient juste suffisants pour réaliser la sustentation. Mais lorsqu'on dispose d'un moteur surabondant, c'est-à-dire d'une puissance supérieure à celle qui est strictement nécessaire pour obtenir la sustentation dynamique de l'appareil, on peut employer cet excès de puissance à tout ce qu'on veut. On peut l'utiliser pour s'élever à une grande hauteur, en fournissant outre le travail de sustentation, celui qui est nécessaire à l'ascension de tout l'aéronef. On peut aussi augmenter la puissance de transport, c'est-à-dire imposer aux ailes une plus forte charge par mètre carré ; la sustentation ne sera pas compromise pour si peu, à condition que le moteur permette d'accroître la vitesse, avec laquelle on le sait - augmente suivant des lois connues, la force sustentatrice. Qu'on veuille donc posséder l'altitude ou le rayon d'action, il n'y a qu'une seule manière de le faire, c'est au lieu d'avoir des moteurs à peu près strictement suffisants comme ceux que nous possédons aujourd'hui, d'enlever des moteurs surabondants, et nous utiliserons à notre gré l'excès d'énergie dont nous disposerons.

Mais pour arriver à ce résultat, il y a deux moyens : le premier, c'est évidemment d'améliorer les moteurs; sans compromettre leur sûreté de fonctionnement et même en l'augmentant, il faut diminuer le poids du cheval-vapeur de manière à pouvoir disposer à bord de l'aéroplane d'une source d'énergie plus puissante sans augmenter le poids de l'appareil moteur.

L'autre procédé consiste à améliorer l'aéroplane dans toutes

ses parties le munir d'hélices d'un meilleur rendement, lui donner des surfaces sustentatrices plus efficaces, disposer toutes choses de manière à diminuer la résistance à l'avancement; enfin, obtenir, pour un effort de traction déterminé, la plus grande vitesse possible. Quand le travail nécessaire à la sustentation diminuera d'importance par suite de tous ces perfectionnements, et quand en même temps le moteur augmentera de puissance en raison des ameliorations dont il sera lui-même l'objet, nous aurons certainement un excès d'énergie à bord, et nous pourrons alors faire de l'altitude ou du rayon d'action tant que nous voudrons. Mais cela revient à dire qu'il faut, d'une manière générale, perfectionner l'aéroplane dans tous ses détails et dans son ensemble, et il est impossible de prévoir dès maintenant à quelle époque nous arriverons au degré de perfectionnement nécessaire pour tirer de ces engins les services qu'on peut attendre d'eux au point de vue militaire.

Il n'y a donc pas, pour le plus lourd que l'air, de recette infaillible, je dirais presque enfantine, permettant d'obtenir le résultat voulu; nous ne trouvons pour les aéroplanes rien d'analogue au procédé qui consiste à augmenter le volume des dirigeables. Pour tous les spécialistes, il ne fait pas l'ombre d'un doute que les aéroplanes n'arrivent un jour au degré de perfectionnement désiré, mais ce sera dans un avenir plus ou moins lointain, dans deux ans, dans trois ans, peutêtre davantage; tandis que nous pouvons du jour au lendemain, grâce aux dirigeables de gros volume nous procurer des aéronefs militaires non pas irréprochables, mais d'une valeur suffisante.

[ocr errors]

Il me paraît impossible de mieux conclure qu'en reproduisant la phrase lapidaire de M. Painlevé : Négliger les dirigeables serait une imprudence; abandonner les aéroplanes serait une imprévoyance. » Les premiers peuvent nous fournir dès demain une solution suffisante; les autres nous donneront, dans un avenir qui, j'espère, n'est pas trop éloigné, mais qu'il est impossible de préciser, la solution qu'on pourrait appeler parfaite, si la perfection était de ce monde.

V

Je voudrais ajouter ici quelques mots sur notre infériorité actuelle par rapport aux Allemands. On en a beaucoup parlé ces temps derniers, et on a bien fait; il ne faut pourtant pas voir les choses d'une façon par trop pessimiste.

D'après ce que nous avons vu ici, leurs dirigeables ont une supériorité sur certains points; nous pouvons, sur d'autres, revendiquer l'avantage, et, tout compte fait, je crois qu'au point de vue technique, nos solutions valent largement les leurs et ce serait une erreur que de chercher à reconquérir notre supériorité en faisant table rase de tous nos procédés pour copier servilement ceux de l'étranger. En particulier, le type rigide des aérostats Zeppelin, autour duquel on a fait beaucoup de bruit, ne s'est pas montré le plus remarquable lors des manœuvres de dirigeables allemands de l'automne dernier, et d'après les renseignements que j'ai pu recueillir, on commence de l'autre côté du Rhin, à s'apercevoir des inconvénients de ce système. Il en est un qui saute aux yeux, c'est qu'avec le poids énorme de sa carcasse d'aluminium, qui pour un Zeppelin de 13.000 mètres cubes n'est pas inférieure à cinq tonnes, de semblables aéronefs ne valent pas mieux que des dirigeables souples d'un cube inférieur, et il ne reste pas plus de force ascensionnelle pour un Zeppelin de ce volume qu'il n'en resterait pour un dirigeable souple de 8.000 mètres cubes. Mais de plus, si l'on veut s'élever à une altitude donnée, le poids de lest à jeter est proportionnel au volume du ballon; c'est-à-dire que si pour s'élever à 1.500 mètres, un ballon de 8.000 mètres cubes doit sacrifier quelque chose comme 1.500 kilogrammes de lest, un Zeppelin aura besoin d'en jeter près de 2.000; si bien qu'à égalité de capacité de transport, son altitude sera moins élevée.

Ce n'est donc pas au point de vue technique que les dirigeables allemands ont pu se montrer supérieurs aux nôtres, mais nos voisins ont à mettre en ligne à l'heure actuelle un plus grand nombre d'unités, et surtout ils ont une organisation d'ensemble beaucoup plus complète.

Notre infériorité momentanée est donc plutôt d'ordre administratif, et il est facile de la faire cesser en faisant pour cela l'effort financier nécessaire, et en organisant notre service aéronautique militaire sur des bases rationnelles.

Il appartient à l'état-major de l'armée de déterminer le nombre de dirigeables jugé indispensable. Le ministère de la Guerre a déjà certainement arrêté, dans ses grandes lignes, les types à adopter; il faut immédiatement faire les commandes et pousser rapidement l'exécution; ce sera, si on le veut, l'affaire de quelques mois.

Mais, malgré l'effort financier que le Parlement ne manquera certainement pas de faire dans ce but patriotique, nous n'obtiendrions aucun résultat effectif, si nous nous contentions de construire des dirigeables sans nous occuper en même temps d'assurer leur fonctionnement, c'est-à-dire de faire toutes les installations nécessaires, de les munir des approvisionnements de toute nature qui leur sont indispensables, et surtout d'organiser leur personnel.

Au point de vue matériel, il faut d'abord déterminer l'emplacement des ports d'attache ou de refuge de ces navires d'un nouveau genre, et les outiller le mieux possible. Ces installations consisteront avant tout, dans des hangars pouvant abriter des dirigeables tout gonflés et tout équipés. Il ne faut pas, sous prétexte de fausse économie, donner à ces hangars des dimensions trop étriquées, strictement suffisantes pour les ballons d'aujourd'hui, tellement restreintes que la sortie ou la rentrée d'un ballon soit chaque fois un problème difficile, et qu'on redoute à chaque manœuvre de ce genre, un nouvel accident. Il faut que les ballons puissent entrer et sortir à l'aise, et que si demain, nous sommes amenés à augmenter un peu les dimensions de nos types, nous ne nous trouvions pas obligés de démolir les abris d'hier pour en construire d'autres.

Il appartiendra à l'état-major de l'armée de déterminer les emplacements de ces hangars; mais ce n'est un secret pour personne qu'il en faudra nécessairement dans les quatre grandes places de l'Est, Verdun, Toul, Epinal et Belfort, et dans d'autres points de seconde ou de troisième ligne.

Le hangar ne suffit pas pour constituer un port aérien :

celui-ci doit en outre être approvisionné en hydrogène, renfermé dans des gazomètres ou dans des tubes sous pression, et toujours prêt à ravitailler instantanément un ballon qui se présente; il doit, en outre, posséder un appareil chimique ou électrique capable de fournir, avec un débit convenable, de l'hydrogène suffisamment pur.

Ajoutons les approvisionnements d'essence pour les moteurs, d'huile et d'autres matières accessoires; un outillage pour les réparations courantes à la partie mécanique ou à la partie aérostatique de l'aéronef; un assortiment complet de pièces de rechange de toute nature, et nous aurons l'idée de ce que doit contenir un port de dirigeable.

Le hangar devra évidemment être bâti à proximité d'un espace suffisamment vaste pour permettre des évolutions faciles au moment des départs et des atterrissages.

Il est indispensable aussi de constituer un approvisionnement abondant de réservoirs en acier pour l'hydrogène comprimé ; c'est, en effet, le seul moyen pratique dont on dispose pour le renflouement rapide d'un ballon. Ces récipients peuvent être transportés en peu de temps dans un point quelconque, de manière à venir en aide à des dirigeables atterrissant loin d'un de ces ports d'attache. Ici, il faut reconnaître la supériorité de l'organisation allemande ; depuis qu'on y fait évoluer des dirigeables, il y a toujours de l'hydrogène enfermé sous pression dans des tubes d'acier chargés sur des wagons de chemin de fer, et que sur un appel téléphonique venant d'un point quelconque on est prêt à envoyer dans un délai d'une ou deux heures. Et nos voisins attachent tellement d'importance à ce ravitaillement des dirigeables, qu'ils n'hésitent pas à atteler ces récipients derrière des trains rapides, sans se soucier du danger, très problématique d'ailleurs, que pourrait faire courir aux voyageurs l'explosion éventuelle de ces tubes.

Il ne faut pas se dissimuler que ce sera là une source de dépense considérable. Il faut compter, en effet, 10 kilogrammes d'acier pour emmagasiner un mètre cube d'hydrogène ; ce qui représentera, étant donné la qualité de l'acier et les frais de fabrication, une somme d'environ 30 francs par mètre cube d'hydrogène. Si l'on veut constituer pour chaque diri

« AnteriorContinuar »