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désordres et des violences et la police eut toutes les peines du monde à disperser les manifestants.

Pour endiguer le flot montant du slavisme, qui pénètre de toute sa force dans les dernières provinces restées homogènes au point de vue de la langue, et pour arrêter cette invasion, les Diètes de la Basse-Autriche, de la Haute-Autriche, de Salzburg et du Vo rarlberg toutes les autres provinces d'Autriche étant habitées par deux nationalités au moins ont décidé de voter des lois tendant à protéger leurs écoles et leurs bureaux et offices auto

ncmes.

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Pour toutes les écoles primaires et secondaires établies par la province elle-même, l'allemand fut décrété langue officielle de l'enseignement et reçut également la qualité de langue officielle pour toutes les affaires administratives provinciales et commu rales. Ainsi donc peuvent seuls être nommés des Allemands comme instituteurs, professeurs et fonctionnaires. Le gouvernement a ratifié ces lois, car la constitution des pays autrichiens les autorisait à prendre de pareilles décisions, et ces quatre lois ont reçu la sanction de la couronne. Toutefois, elles ne sauraient avoir pour effet d'arrêter l'invasion de l'élément slave, par suite du besoin considérable de main-d'œuvre dans ces pays où l'industrie progresse sans cesse. L'évolution des divers éléments de la population s'en trouvera contrariée, mais non empêchée, et, d'ailleurs, les lois ne valent qu'aussi longtemps qu'elles ne sont pas modifiées. Néanmoins, les Slaves considérèrent comme une défaite la ratification de ces lois, et, aussitôt que la Couronne eut sanctionné celles-ci, tous les groupes qui composent l'Union slave se coalisèrent pour renverser le Cabinet. Ils rompirent toutes né gociations avec lui et cherchèrent à le contraindre à démissionner en faisant de l'obstruction à tous les travaux parlementaires.

C'est pourquoi, à côté de la crise parlementaire, se déchaîna une crise ministérielle. Le budget demeura en souffrance et le gouvernement dut renoncer à obtenir la ratification par le Parlement des traités de commerce, en particulier ceux avec les Etats balkaniques. Les Tchèques pressèrent le gouvernement de démis sionner, mais se heurtèrent à la résistance de la Couronne, qui ne voulait pas sacrifier le ministère Bienerth.

Le club polonais offrit de s'entremettre en vue d'amener un compromis entre les autres Slaves et les Allemands. Les Polonais, en effet, n'avaient pas adhéré à l'Union slave et, avec les Allemands et les socialistes, constituaient une majorité parlemen taire désireuse de poursuivre les travaux législatifs, mais impuis

REVUE POLIT., T. LXIII.

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sante en présence de l'obstruction slave. Le règlement de la Chambre offrait, d'ailleurs, à l'obstruction de nombreux moyens d'empêcher tout travail utile, car les motions pour lesquelles l'urgence est demandée doivent, aux termes du règlement, être discutés immédiatement et passer avant tous projets et toutes propositions de lois. L'obstruction ne présentait, en conséquence, que des motions pour lesquelles elle demandait l'urgence et trouvait les vingt signatures nécessaires, afin d'empêcher la Chambre de s'occuper d'aucun travail parlementaire. En prononçant d'interminables discours, en exigeant des scrutins par appel nominal et la lecture intégrale de toutes les pétitions et interpellations, un groupe, même faible, se trouvait en mesure de paralyser toute activité parlementaire.

C'est en vain que le professeur Glombinski, le président du Club polonais, chercha à faire aboutir un compromis avec les partis d'obstruction. Ceux-ci exigeaient un remaniement ministériel et l'attribution, dans le nouveau Cabinet, de la moitié au moins des portefeuilles à des ministres slaves. La Couronne se refusait à obéir aux injonctions des Slaves et à se mettre ainsi en lutte ouverte contre les Allemands. D'ailleurs, des raisons de politique extérieure empêchaient d'attribuer aux adversaires de la Triple-Alliance une influence prépondérante dans le gouvernement. La politique que représentait le Cabinet Bienerth s'inspirait du principe suivant en Autriche, on ne doit pas gouverner contre les Allemands. Or, c'est précisément cette politique qui poussait les Slaves à une opposition constante, mais ils n'étaient pas assez forts, pour imprimer à la volonté de l'Empereur une orientation différente. L'Union slave, en effet, restait isolée; l'arrêt de tout travail parlementaire menaçait de causer d'importants préjudices au point de vue économique; il se produisit des différends entre les groupes composant l'Union slave, groupes dont certains voulaient cesser l'obstruction pour redevenir de simples partis d'opposition, puisque la méthode d'obstruction n'avait pas donné les résultats espérés, la Couronne se refusant à renvoyer le ministère. L'Union slave se voyait obligée de chercher à sortir de l'impasse dans laquelle elle s'était engagée.

Depuis des années, les diverses majorités parlementaires demandaient que le règlement fût modifié de façon à permettre de se débarrasser de l'obstruction des minorités. Des propositions de loi relatives à cette réforme avaient été déposées en grand nombre chaque fois que l'obstruction paralysait l'activité parlementaire, mais aucune tentative de ce genre n'avait pu aboutir,

car l'obstruction ne voulait pas se laisser enlever son arme la plus puissante et s'opposait à toute révision du règlement. Impossible de sortir de ce cercle vicieux. Les majorités changeaient et les minorités se défendaient toujours au moyen de l'obstruction.

C'est alors que se produisit un coup de théâtre. L'Union slave, se décida à sortir de l'impasse où elle s'était engagée et à abandonner sa tactique d'obstruction, pour prendre une part active au gouvernement et faire entrer plusieurs de ses membres dans le ministère, à la suite d'un remaniement. A la surprise générale, elle présenta une motion urgente tendant à la révision du règle

ment.

Le Reichsrat autrichien possède une loi établissant un règlement général et, à côté, un règlement qui précise dans le détail la procédure parlementaire et les pouvoirs du bureau. Le règle ment général peut lui aussi, être modifié par voie de motion urgente, à condition qu'une majorité des deux tiers se prononce dans ce sens. Mais le règlement particulier, que le Parlement établit en toute indépendance, sans avoir à solliciter la sanction de la Couronne, renferme la disposition suivante toutes motions tendant à modifier ce règlement ne peuvent bénéficier des mesures ayant pour objet d'abréger les débats, mesures qu'il est loisible de prendre pour la discussion de projets et de propositions de lois. Les Tchèques, voulant opérer par surprise, présentèrent une proposition de révision portant sur la loi qui établit le règlement général, afin de permettre la discussion d'urgence. En portant ce coup droit à la majorité, ils provoquèrent une véritable panique. L'Union slave gagna à sa proposition, au moment même de la déposer, les Polonais et les démocrates-chrétiens. D'autre part, les socialistes, désireux d'assurer le fonctionnement régulier du premier Parlement élu au suffrage universel, ne pouvaient qu'appuyer toute initiative à cet effet. Ils durent donc se mettre, non sans hésitation, sous la direction de l'Union slave et les autres groupes parlementaires durent en faire autant, bien qu'à contre-cœur, afin de ne pas faire obstacle à la réalisation de cette révision du règlement, dans l'intérêt de leur propre réputation.

Le texte primitivement présenté subit plusieurs atténuations successives, car il contenait des dispositions par trop draconiennes et il mettait entre les mains du bureau tous les droits de la Chambre concernant l'action à exercer par le Parlement sur la marche des travaux. On finit par adopter une résolution, qui

assurément ne supprimait pas radicalement toute obstruction, mais la rendait beaucoup plus difficile. Seuls les grands partis ou les coalitions de partis pourront à l'avenir faire de l'obstruction et l'on ne verra plus un groupe comprenant même moins de vingt députés arrêter tout travail parlementaire.

La réforme en question confère au bureau le droit de porter à la connaissance de la Chambre, soit au commencement, soit à la fin seulement de la séance, toutes communications écrites du gouvernement et des députés. Il devient ainsi impossible à l'obstruction d'empêcher la discussion des questions inscrites à l'ordre du jour, alors que, jusque-là, elle pouvait faire donner intégralement lecture de toutes les requêtes au bureau, interpellations, motions, propositions et pétitions, qu'elle présentait en

Il arrivait même assez souvent que le texte d'une interpellation. adressée au gouvernement était représenté par une véritable brochure.

D'autre part, le bureau devient seul maître de décider à quel moment, au cours d'une séance, devra être discutée une motion urgente. Jusque-là, toute motion urgente annoncée au début de la séance devait être discutée et faire l'objet d'un vote avant que la Chambre pût passer à l'ordre du jour. C'était là pour l'opposition un moyen facile d'empêcher à son gré le gouvernement et les partis de s'occuper des questions législatives réellement les plus urgentes.

Enfin, d'autres dispositions restreignent le nombre des cas dans lesquels le vole nominal pourra être exigé, alors que l'obstruction avait fréquemment recours à ce moyen.

Les pouvoirs disciplinaires du Président sont considérablement renforcés. Jusqu'ici tout ce qu'il pouvait faire était de rappeler les députés à la question et de leur retirer la parole au bout de trois avertissements. Au cas de résistance et de propos offensants, un député pouvait être rappelé à l'ordre et recevoir un blâme. Maintenant, le Président aura le droit, lorsqu'il sera personnellement offensé par un député, ou lorsque celui-ci se refusera ouvertement à obéir à ses injonctions, de l'exclure pour toute la séance et même pour la séance ou les deux séances suivantes. Il pourra être fait appel de cette décision avant la Chambre, qui se prononcera, sans discussion, à la majorité des voix. Provisoirement, les dispositions qui précèdent ne s'appliqueront que jusqu'au 31 décembre 1910, mais il est invraisemblable que, dès avant cette date, le Parlement leur donnera un caractère définitif.

Après s'être vainement efforcée d'amener la minorité à abandonner sa tactique d'obstruction, la majorité était moralement obligée d'accepter le projet de réforme en question, qui permit à l'obstruction slave de battre en retraite. Les innomrbables mo tions urgentes qui empêchaient la discussion des projets de lois gouvernementaux furent retirées et le Parlement se trouva, à l'improviste, passer à l'ordre du jour.

Dans les dernières séances de l'année, il vota un budget provisoire et autorisa le gouvernement à conclure des traités de commerce, en particulier avec les Etats balkaniques. Le comte d'Aerenthal, ministre des Affaires étrangères, put ainsi rendre parfait le traité de commerce avec la Roumanie, et chose plus importante pour lui, engager des négociations avec la Serbie, le Monténégro et la Bulgarie au sujet des relations économiques avec ces pays.

L'Union slave s'est tirée de l'isolement politique dans lequel elle était tombée à la suite de son obstruction, et elle est maintenant en mesure de négocier avec le gouvernement au sujet du remaniement du Cabinet. Certains optimistes croient que la si tuation s'est améliorée au point de permettre d'entreprendre quelque chose de décisif en vue de régler les questions de nationalités. L'idée a de nouveau pris corps d'établir une loi protégeant toutes les minorités nationales et restreignant ces éternels conflits provoqués par la question des langues. Reste à savoir si la réforme du règlement et le fait que le Président auquel on a attribué un tel pouvoir pour la direction des débats parlementaires, appartient actuellement à un certain parti, ne fortifieront pas l'obstruction actuelle dans son intention de tenter d'établir dès maintenant la prépondérance de l'élément slave dans le Parlement et de provoquer ainsi la résistance de la minorité allemande. Déjà le remaniement du ministère Bienerth montrera dans quelle mesure le gouvernement est disposé à céder aux revendications de l'Union slave, à savoir: une « égalité qualitative et quantitative » pour les Slaves dans l'attribution du pouvoir.

La direction de la politique extérieure sera fortement influencée par ce remaniement. Les rapports étroits entre l'AutricheHongrie et l'Allemagne ont empêché jusqu'ici l'établissement en Autriche d'un régime slave et ils continueront à constituer, dans l'avenir, un rempart protecteur pour les Allemands contre la marée montante du slavisme.

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