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lons d'Infanterie légère d'Afrique, que leur permettre de donner ces vices aux honnêtes recrues. L'assainissement moral de nos régiments est aussi nécessaire que leur assainissement physique.

En revanche, ceux qui ont vu de près les ateliers de travaux publics, pénitenciers et prisons militaires (maisons de correction), ne peuvent que souhaiter bien sincèrement la suppression de ces institutions.

Elles datent d'une époque où le service militaire n'était pas obligatoire pour tous les Français et où l'armée avait dans la nation une vie à part. On croyait alors qu'il était nécessaire d'entretenir des établissements pénitentiaires spéciaux pour soustraire à la promiscuité des prisons du ministère de l'Intérieur, les soldats condamnés correctionnellement, et destinés à reprendre leur place dans le rang.

Aujourd'hui, on trouve dans les corps de troupe de la métropole d'anciens condamnés de droit commun ayant séjourné dans les établissements du ministère de l'Intérieur. Ce séjour, avant l'incorporation, a paru sans inconvénients au point de vue militaire; on peut se demander pourquoi la situation serait différente après l'incorporation. Un soldat condamné à l'emprisonnement, pendant lequel son service militaire sera interrompu, doit cesser d'être un soldat pour le redevenir quand il aura subi sa peine.

Ces idées avaient rencontré l'adhésion unanime de la Commission des réformes judiciaires de la Chambre des députés. Cette Commission était d'avis qu'une armée, chargée de la préparation à la guerre, et des services pénitentiaires, chargés de faire exécuter les peines privatives de la liberté, devaient être des institutions parfaitement distinctes.

D'accord avec le Gouvernement, elle proposait la suppression de tous les établissements pénitentiaires dépendant du ministère de la Guerre et la dispersion des détenus militaires dans les établissements du ministère de l'Intérieur, et seulement dans ceux où fonctionnerait le régime cellulaire. Grâce à cette restriction on évitait le danger de la promiscuité avec les condamnés de droit commun. Mais certains députés ont craint que cette réforme ne fût onéreuse pour les finances départementales, auxquelles incombe l'entretien des prisons.

La Chambre n'a supprimé que les ateliers de travaux publics, et a maintenu les pénitenciers et prisons militaires. Il faut espérer que ce vote n'est pas définitif.

Quant aux apaches, on va les mettre à leur vraie place, c'est-à-dire dans les bataillons d'Infanterie légère d'Afrique.

Le Gouvernement n'a pas hésité à proposer au Parlement de revenir aux dispositions de la loi du 15 juillet 1889, en les aggravant dans certains cas, et en abrogeant, pour les réservistes, les dispositions bienveillantes dont le but était de permettre aux anciens Joyeux de trouver du travail. Seulement, en pareille matière, il ne suffit pas de voter des lois, il faut surtout les appliquer strictement. Si, dans le nouveau texte, on conserve le paragraphe en vertu duquel l'incorporation dans l'Infanterie légère d'Afrique doit avoir lieu « sauf décision contraire du ministre », on laisse une porte entr'ouverte pour bien des atténuations.

SIMON ROBERT.

LE CHÈQUE BARRE ET L'ÉMISSION FIDUCIAIRE

I

Toutes les facilités d'échanges amènent un accroissement d'affaires, exactement comme les facilités de transports engendrent un accroissement de voyageurs. En ce qui concerne les modes de paiement ou de libération, nous en sommes presque encore à l'époque des diligences de Laffitte et Gaillard. Sans doute, le chèque existe. Il est pratiqué, mais dans une infime proportion. On aime encore à faire soi-même ses paiements en espèces. On espère toujours obtenir une petite diminution dans le prix à payer. Quand on reçoit un chèque on ne le donne pas à son banquier, on va l'encaisser soi-même.

En Angleterre, il n'en est pas ainsi. Ce n'est même pas distingué de solder en espèces. Tout le monde a son banquier. Tout le monde a son carnet de chèques. On se sert surtout du chèque barré presque inconnu en France; ou, du moins, non prévu par le législateur. De l'autre côté de la Manche, quand, en faisant un chèque, on met dessus deux barres transversales, ce chèque n'est plus payable que par un banquier à un banquier. Cette garantie est tellement avantageuse, qu'elle est déjà parfois pratiquée en France, mais sans aucune certitude que le chèque ne sera payé qu'à un banquier. Le législateur français n'a établi à cet égard aucune prescription. Il serait utile d'introduire dans la loi ce que l'usage a déjà introduit dans la pratique. Actuellement chez nous, un chèque barré peut être payé très régulièrement à un particulier sans que le banquier s'expose à aucune

revendication légale. Si la plupart du temps il refuse de payer à un particulier, c'est à titre officieux, c'est par suite d'une convention tacite sans sanction légale.

Le chèque tel que nous le possédons, est régi par la loi du 24 juin 1865, modifiée par les lois du 23 août 1871, 19 février 1874 et par le décret du 22 mars 1875. Il ne date donc pas de bien loin et quand il a été introduit en 1865, on a presque considéré cette innovation comme téméraire. Le remarquable exposé des motifs présenté au corps législatif est extrêmement intéressant à lire. On le croirait vieux d'un siècle et cependant il n'a que 50 ans. Cette modification dans le mode de libération n'a pas donné tout ce que l'on pouvait en attendre, parce qu'il nous manque un rouage que nous voudrions voir adopter par le Parlement. Il suffirait de dire que le chèque barré ne pourra être payé que par un banquier à un banquier soumis à la patente l'un et l'autre. Ces paiements de banquier à banquier se font par voie de compensation dans les établissements de Clearing house. Les banquiers ou plutôt leurs commis se réunissent une ou deux fois par jour et les chèques sont échangés. Le règlement est fait sans déplacement des espèces. On évite par ce moyen les erreurs de comptage du numéraire. On supprime ou du moins on diminue le nombre de ces malheureux garçons de caisse exposés à être volés et parfois même à être assassinés. Nous avons bien en France, depuis 1872, un Clearing house, mais combien petite est son importance comparée à l'importance du Clearing house de Londres ou de NewYork.

Le Clearing house de Londres n'est qu'un comptoir d'échanges de chèques dont la création remonte à 1773. Il nous a donc fallu cent ans environ pour adopter un mode de simplification commerciale. Pendant que les compensations de chèques s'élevaient par an à Londres à 291 milliards, elles n'atteignaient à Paris que 26 milliards. Il est vrai qu'il faut ajouter à ce chiffre relativement minime de 26 milliards, les mandats de virement remis à la Banque de France par les maisons de commerce qui ont un compte à cet établissement. Pourquoi cette infériorité de la France ? Uniquement parce que le chèque n'est pas aussi généralisé chez nous qu'il l'est

dans les autres pays. La seule manière d'arriver à cette généralisation c'est de donner au chèque barré un caractère légal qui lui manque, puisqu'aujourd'hui, barré ou non, il peut tout aussi bien être payé à un particulier.

Si on entrait dans la voie que nous indiquons, on ne tarderait pas à voir se multiplier l'habitude si répandue en Angleterre, d'avoir un banquier.

Personne ne garderait d'argent chez soi exposé au vol et à l'incendie. On ne conserverait que ce qui est nécessaire pour les besoins journaliers. Les banquiers se multiplieraient pour le plus grand avantage de la circulation fiduciaire et monétaire et notre Clearing house verrait augmenter le chiffre de ses compensations. Nous sortirions de l'état d'infériorité dans lequel nous sommes.

Le chèque n'est pas un acte commercial. Il n'est pas un instrument de crédit. Il ne représente que de l'argent disponible déposé chez un banquier. Cette provision est même la condition essentielle de son existence. Il est un instrument de circulation de valeur sans déplacement de la valeur. En étant barré, il est un ordre de compensation. Il mobilise l'argent mis en dépôt chez les banquiers. En d'autres termes, il fait circuler les encaisses tout en les laissant à l'état de capitaux productifs.

Il y a des gens timides qui s'effraient du montant des dépôts effectués chez les banquiers particuliers ou dans les grandes sociétés de crédit. Le montant de nos dépôts est en France de 2 milliards et demi, tandis qu'en Angleterre il dépasse 20 milliards. Le dépôt dans les banques, c'est le bas de laine modernisé, mais il est à craindre qu'il n'y ait en France encore bien des bas de laine contenant de l'argent inutilisé et exposé à bien des risques. Le progrès avance lentement. Nous n'avons assurément que trop de lois, et la fécondité parlementaire gagnerait à être quelque peu stérilisée.

Mais, quand il s'agit de régulariser un usage spontanément introduit dans la vie commerciale, on peut affirmer qu'il y a nécessité et même urgence d'inscrire dans la loi ce que la pratique révèle. Il ne s'agit que de la transformation d'un acte officieux en un acte officiel. Cette transfor

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