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l'influence de l'alcoolisme, commettent des excès ou bien refusent de marcher, et vendent leurs armes et leurs cartouches.

On les punit de cellule et la cellule consiste alors dans ce qui a été appelé « guignol ou tombeau », guignol ou tombeau », c'est-à-dire en une toile de tente fixée à l'aide de piquets et ayant l'aspect d'une dalle funéraire un peu au-dessus du sol. L'homme puni est installé dessous et gardé par une sentinelle.

Quand on visite les camps confortables et non clos où sont installés les bataillons d'Infanterie légère d'Afrique, on ne peut pas s'empêcher de trouver que le législateur a poussé un peu loin l'amour du sauvetage des gens tarés, en voulant faire de ces bataillons des corps d'épreuve où ceux-ci seraient simplement envoyés en observation.

Les Joyeux qui y sont incorporés ont un sort identique à celui des honnêtes conscrits de France envoyés dans les régiments de zouaves ou de chasseurs d'Afrique, et destinés à y rester pendant leurs deux années de service actif. On ne voit pas pour quelle raison d'anciens condamnés de droit commun ont la perspective de revenir dans la métropole au bout de huit mois, délai d'épreuve fixé par la loi du 21 mars 1905, pour la réintégration dans les troupes régulières (1).

Comme on a constaté que cette mesure donnait de fâcheux résultats, on n'y recourt que très rarement.

L'inconvénient de l'organisation actuelle consiste dans une sélection insuffisante entre les individus complètement tarés et ceux n'ayant eu qu'une défaillance. Sans doute, il est difficile de classer les nuisibles dans des catégories bien distinctes. Mais on ne risquerait pas de commettre des erreurs trop grossières en tenant compte de l'époque de la condamnation. A-t-elle été encourue avant ou après l'appel sous les drapeaux ? Dans le premier cas, il s'agit de condamnés civils qui sont en grande majorité des délinquants d'habitude. Dans le second cas on a affaire à des condamnés militaires dont la plupart sont des délinquants d'occasion. Les uns sont incurables et dangereux, tandis que les autres ont dans leur caractère des bons côtés utilisables. Il y aurait lieu de constituer,

(1) Ce délai va être porté à douze mois.

avec les condamnés militaires, un bataillon à part, où la discipline journalière ne serait peut-être pas meilleure que dans les autres, mais où l'on trouverait, à l'occasion, plus de dévouement et d'esprit de sacrifice.

Quant aux autres bataillons, qui seraient composés d'individus gravement tarés, la meilleure manière d'en tirer parti semble consister dans l'alternance des occupations militaires avec les travaux agricoles. Les Joyeux apprennent vite et ont du temps à perdre. Les deux années de service actif ne doivent pas être considérées, pour eux, comme deux années scolaires à consacrer entièrement à l'instruction. Ils trouveront dans les travaux agricoles ou archéologiques une distraction utile, tout en devenant des militaires bien entraînés. Avec le mouvement d'opinion qui se dessine nettement en faveur de l'épuration de nos régiments, les bataillons d'Infanterie légère d'Afrique sont destinés à recevoir un accroissement de leurs effectifs. Ces effectifs pourraient être utilisés, du moins partiellement, dans nos possessions lointaines, où l'on enverrait ceux qui demanderaient à y servir. Les volontaires ne manqueraient pas. Tous les ans, un certain nombre de Joyeux, à la veille d'être libérés, demandent à rengager dans l'Infanterie coloniale, où l'on ne veut pas d'eux. En les associant à des expéditions d'outre-mer, on les mettrait dans les conditions les plus propices pour la réhabilitation. L'initiative privée pourrait ensuite en fixer un certain nombre dans ces pays neufs, car il ne faut pas oublier que beaucoup de ces malheureux n'ont pas de foyer familial. Cette utilisation comme troupe coloniale permettrait de mieux recruter les cadres inférieurs des bataillons d'Infanterie légère d'Afrique. Ces cadres ont une double origine. Ils se composent en majeure partie de gradés venus de la métropole auxquels se joignent quelques anciens condamnés réhabilités ou du moins sur la bonne voie. Les gradés venus de la métropole sont les seuls qui aient réellement de l'autorité. Ils manquent d'expérience et leur métier est d'ailleurs très difficile. Les sous-officiers de zouaves ou de tirailleurs fourniraient de bien meilleurs cadres, car ils sont acclimatés et connaissent le personnel auquel ils auraient à commander. Mais, comme ils font campagne dans des conditions plus agréables, ces gradés ne de

mandent jamais à passer dans les bataillons d'Afrique; car cela ne leur procurerait aucun avantage de carrière.

Enfin, en ce qui concerne ces bataillons, un nouveau problème se pose. Les médecins militaires y ont trouvé une forte proportion de déséquilibrés. On se demande si on a le droit d'incorporer dans l'armée et de traiter des dégénérés comme s'ils étaient dans un état normal. Il est certain qu'il ne faut pas garder en Afrique ni ailleurs ceux dont la vraie place serait dans les asiles d'aliénés. Quant au criblage entre les sujets réputés sains et ceux profondément atteints, il devrait faire l'objet d'un travail préparatoire entre la clôture des opérations de la Revision et la date de l'appel de la classe.

Ce travail, consistant en une enquête sur les antécédents morbides et la conduite des condamnés, pourrait être confié à l'officier commandant le petit dépôt des bataillons d'Afrique qui a été constitué à l'île d'Oléron. On dirige actuellement sur ce dépôt les Joyeux de complexion délicate ou rentrant de congé à la veille de la libération. On pourrait y envoyer aussi les jeunes soldats que les médecins classeraient comme douteux; et, après un certain temps, ceux-ci seraient dirigés vers le port d'embarquement, ou bien envoyés devant la Commission de réforme. Le rôle des chefs militaires ne doit pas aller plus loin que ce triage entre les individus qui sont physiquement capables de servir et ceux qui ne le sont pas. Le ministère de la Guerre a des attributions assez nombreuses, auxquelles il est inutile d'ajouter encore, comme cela a été proposé, la direction d'écoles de redressement pour les anormaux psychiques.

ETABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

Les établissements pénitentiaires du ministère de la Guerre comprennent des prisons militaires et pénitenciers pour les condamnés à l'emprisonnement, et des ateliers de travaux publics pour les condamnés aux travaux publics. Les prisons militaires et pénitenciers sont installés soit en France, soit en Algérie et Tunisie. Les ateliers de travaux publics sont tous dans l'Afrique du Nord. Les pénitenciers installés en France

sont au nombre de deux. Ils contiennent des détenus condamnés à l'emprisonnement pour deux ans au moins. Ces détenus sont sous le régime du travail en commun et en silence pendant le jour et de l'isolement pendant la nuit. Aucun abus n'a été signalé depuis longtemps dans ces deux établissements. La mortalité y est inférieure à la moyenne de celle des troupes de la métropole, qui est de 3,72 pour 1.000. Le régime des pénitenciers d'Algérie est tout différent. Ce régime est identique à celui des ateliers de travaux publics. Les détenus, ou plutôt les condamnés ne se différencient que par le costume. Pénitenciers et ateliers ne sont que des centres d'administration. Les condamnés y séjournent rarement et sont, la plupart du temps, répartis par détachements campés à proximité de chantiers où ils exécutent des travaux agricoles, ou de terrassement, sous la garde de tirailleurs indigènes. L'isolement n'existe pas pendant le jour, et la promiscuité de la tente le réalise encore moins pendant la nuit. Il est inutile d'insister sur les résultats d'une promiscuité qui se continue alors même que cette main-d'œuvre pénale, de qualité médiocre, ne trouve pas à être employée. On voit alors, et le fait se présente assez souvent, les condamnés se vautrant dans une cour et se levant avec peine et de mauvaise grâce quand un surveillant les appelle pour une corvée quelconque.

Les punitions les plus rigoureuses, sont naturellement sans effet, et la haine qui existe entre les détenus et les soldats indigènes qui ont la pénible corvée de les garder cause de véritables drames.

Quant aux prisons militaires, on peut constater que, dans la plupart d'entre elles, l'application du régime cellulaire est impossible et dans un trop grand nombre, l'organisation d'ateliers est également impossible. Il en résulte que le régime est souvent l'oisiveté en commun avec tous ses inconvénients.

Un décret du 21 janvier 1903 a très sagement opéré un classement des condamnés à l'emprisonnement d'après les motifs des condamnations en cours. On évite ainsi le mélange des délinquants de droit commun avec ceux qui ont commis des délits purement militaires. Un classement, où l'on aurait tenu compte du casier judiciaire antérieur à la condamnation

en cours, aurait peut-être été plus efficace contre les dangers de la promiscuité.

En résumé, à part les deux pénitenciers situés en France, on peut dire que le ministère de la Guerre est mal outillé pour remplir la mission de surveiller une population de près de 4.000 détenus. Malgré le faible rendement de la maind'œuvre, on constate dans les pénitenciers et ateliers (1) de l'Afrique du Nord une mortalité qui dépasse 13 pour 1.000, alors que celle des troupes françaises en garnison dans les mêmes régions est de 4,59 pour 1.000. Il y a là un argument de plus pour ceux qui demandent qu'on débarrasse l'armée de ce boulet qu'elle traîne après elle, et qu'on passe les détenus militaires aux services pénitentiaires du ministère de l'Intérieur.

CONCLUSION

Qu'il s'agisse de corps d'épreuve ou d'établissements pénitentiaires, on est en présence d'un état de choses qui ne peut plus durer bien longtemps.

Pour les uns comme pour les autres l'opinion publique se demande «< Faut-il supprimer, ou vaut-il mieux essayer d'améliorer? >>

En ce qui concerne les unités de discipline et les bataillons d'Infanterie légère d'Afrique, il ne semble pas possible de supprimer.

Il est nécessaire que l'on ait des moyens de débarrasser les régiments des mauvais sujets sur lesquels toute la gamme des punitions réglementaires a été sans effet.

Etant donné que le service militaire doit être une charge pour un certain nombre de Français qui ont perdu le droit de le réclamer comme un honneur, il faut de deux maux savoir choisir le moindre. Mieux vaut risquer d'augmenter la somme des vices des Joyeux en les groupant dans les batail

(1) La Chambre des députés a voté la suppression de la pénalité des travaux publics, ce qui simplifiera la solution du problème pénitentiaire. Elle a pensé qu'une pénalité pouvant s'élever à cinq ans d'emprisonne ment serait suffisante pour réprimer les délits militaires auxquels étaient applicables les travaux publics pour deux ans au moins et dix ans au plus.

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