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distinctement, sous l'appellation de Biribi, les ateliers de travaux publics, les pénitenciers et les compagnies de discipline. Celles-ci sont comprises, dans les textes officiels, sous la même dénomination de corps d'épreuve, avec les bataillons d'Infanterie légère d'Afrique. On confond ainsi des condamnés subissant leur peine avec des mauvais sujets mis en correction, et ces derniers sont confondus à leur tour avec d'anciens condamnés libérés qui ne subissent ni peine ni correction.

Sans entrer dans le détail, l'organisation et le régime des divers corps d'épreuve et établissements pénitentiaires peuvent se définir ainsi :

Les soldats, faisant partie des bataillons d'Infanterie légère d'Afrique sont tous, sans exception, d'anciens condamnés de droit commun ayant encouru six mois de prison au moins pour infraction contre la probité ou les mœurs. Ils accomplissent leur service militaire dans les mêmes conditions que les soldats affectés aux régiments d'Infanterie métropolitaine. Ils sont armés comme eux et jouissent des mêmes heures de liberté.

Leur incorporation dans un corps de troupe à part est une conséquence de leur casier judiciaire. Elle a pour but d'éviter la contamination du contingent honnête et non pas de punir une deuxième fois des jeunes gens qui ont subi leur peine et ne doivent plus rien à la société.

Les Compagnies de discipline reçoivent des militaires qui ont commis des fautes parfois peu graves, mais répétées. Pour ces fautes, qui ne sont pas des délits, on est soumis, par punition, à un régime disciplinaire spécial.

Les militaires condamnés, pendant qu'ils sont au service. à des peines correctionnelles, sont envoyés soit dans une prison militaire, soit dans un pénitencier, soit dans un atelier de travaux publics.

L'emprisonnement, prononcé indistinctement pour délit militaire ou délit de droit commun, conduit, selon sa durée, à la prison ou au pénitencier.

Une condamnation aux travaux publics, prononcée pour des délits purement militaires, mais de nature plus grave

REVUE POLIT., T. LXIII.

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que ceux entraînant l'emprisonnement, conduit à l'atelier de travaux publics (1).

Il va sans dire que l'on passe fréquemment, par nouvelle condamnation, des pénitenciers aux ateliers de travaux publics, et réciproquement, et que le temps de service est interrompu pendant la durée des peines correctionnelles.

Enfin, il existe en Algérie des sections d'Exclus, où les individus déchus de leurs droits civils, accomplissent leurs deux années de service actif en étant employés, sans aucun salaire, à des travaux d'utilité publique.

COMPAGNIES DE DISCIPLINE.

Pour les enfants perdus de la grande famille militaire, les plus dignes d'intérêt sont les soldats envoyés aux Compagnies de discipline. Ces Compagnies, qui jusqu'à présent étaient stationnés dans l'Afrique du Nord, sont réellement des corps d'épreuve. Le régime y est très sévère. Il consiste dans la privation de toute sortie individuelle et de tout argent de poche, dans le fait d'être affublé d'une tenue de forçat, «< ce qui est excessif », et d'être employé comme main-d'œuvre pénale à des travaux d'utilité publique pendant le semestre d'hiver. Le semestre d'été est consacré à l'instruction militaire. Il ne faut pas s'exagérer la dureté du régime imposé aux disciplinaires, qui sont, ne l'oublions pas, des soldats d'une qualité telle, qu'il y aurait danger à les armer en dehors des camps et à leur confier des cartouches. Malgré leurs vices et les excès auxquels ils se livrent en trompant la surveillance des gradés, ils ont une mortalité moyenne de 4,42 pour 1.000. Cette mortalité est inférieure à celle des autres troupes françaises stationnées en Algérie et en Tunisie. D'ailleurs la sévérité du régime ne tarde pas à être adoucie pour ceux qui montrent de bonnes dispositions. D'après les décrets du 2 novembre 1902, il a été organisé une sélection progressive permettant de passer au bout de trois mois

(1) Les condamnés appartenant à l'armée de mer subissent leurs peines dans les établissements du ministère de la Guerre. Toutefois l'emprisonnement de courte durée est subi dans une prison maritime.

à une section de transition où l'on peut jouir de quelques sorties individuelles et d'un peu d'argent de poche, et ensuite la réintégration dans un régiment est possible après un nouveau délai de trois mois. Malheureusement, dans la pratique, il arrive fort rarement que les choses se passent ainsi. Grâce à la promiscuité des trois premiers mois de séjour dans ces corps d'épreuve, les passages à la section de transition ne sont pas très nombreux. La réintégration dans les régiments donne, la plupart du temps, de mauvais résultats et l'on a le regret de constater que des jeunes gens, n'ayant pas de casier judiciaire, reviennent chez eux complètement gangrénés.

Bref, malgré la sélection organisée par les décrets du 2 novembre 1902 et les précautions prises pour éviter le mélange d'éléments sociaux trop différents, les chances de relèvement sont restées ce qu'elles étaient autrefois, c'est-à-dire à peu près nulles. De sérieux progrès ont cependant été réalisés au point de vue du régime intérieur. Les cadres sont bien recrutés, grâce aux avantages qui leur sont assurés. Les châtiments corporels ne sont jamais employés et les seules punitions applicables sont les mêmes que dans les troupes régulières. Il a simplement fallu prendre quelques précautions contre des manifestations de révolte telles qu'on n'en voit jamais dans nos régiments de France.

Sous l'influence de l'énervement, causé sans doute par l'alcool absorbé clandestinement, des disciplinaires se mettent, sans rime ni raison, à injurier leurs chefs. Quelle que soit l'impassibilité de ceux-ci, on ne tarde pas à avoir le spectacle d'un état de fureur analogue aux symptômes d'une attaque de délirium.

Contre les forcenés, qu'il faut mettre hors d'état de nuire, on est obligé d'employer la camisole de force, qui ne peut causer aucune douleur physique, et est couramment en usage dans les prisons et les asiles d'aliénés.

C'est à cela que se bornent les moyens préventifs et répressifs exceptionnellement employés, et, quant à certains supplices dont on a fait le récit sensationnel avec une exagération non douteuse, ils ont pu être appliqués dans le passé, mais on peut affirmer qu'ils ont disparu.

Cependant l'opinion publique est convaincue que des abus sont encore possibles et qu'ils le deviendraient beaucoup moins si les Compagnies de discipline étaient transférées en France, où il serait facile de procéder à des inspections inopinées.

Dans cet ordre d'idées, il a été constitué à l'île d'Oléron un Dépôt de disciplinaires, où l'on se proposait d'appliquer un système de sélection préalable que l'on croyait appelé à plus de succès que celui de la sélection progressive organisé par les décrets du 2 novembre 1902. Cet essai d'organisation nouvelle n'a pas donné les résultats qu'on en attendait au point. de vue de l'amendement des dévoyés. Il sera cependant continué sur une large échelle.

Le ministre de la Guerre a annoncé à la Chambre qu'il allait faire venir à l'île d'Oléron la Compagnie de discipline qui se trouvait dans la province d'Alger, et que désormais on ne dirigerait sur l'Afrique du Nord que les éléments les plus mauvais. On ne peut qu'applaudir à cette réforme et souhaiter que le ministre ne se laisse pas arrêter par les objections des routiniers, qui allègueront le défaut de place dans les casernements de l'île d'Oléron.

Quant aux abus, dont il est question de temps à autre, on oublie généralement d'expliquer qu'ils se sont produits rcn pas dans les Compagnies de discipline, mais dans les unités de discipline des bataillons d'Infanterie légère d'Afrique, c'est-à-dire dans un milieu tout différent et beaucoup moins digne d'intérêt (1). Ces abus ne sont jamais le fait des officiers, et les gradés subalternes que l'on accuse d'employer, à défaut de peines corporelles, des punitions parfois terribles, pour forcer l'obéissance, invoquent sans doute comme circonstance atténuante la qualité morale des individus avec lesquels ils sont en contact continuel.

Le haut commandement ne doit pas craindre d'exagérer les scrupules, même quand il s'agit des moins dignes de sa sollicitude. Il est certainement plus intéressant de s'occuper de l'instruction des troupes régulières, mais il ne faut

(1) Pour éviter le mélange d'éléments sociaux trop différents, il a été créé des unités de discipline dans les corps de troupe qui ont un recrutement spécial.

pas hésiter à pousser à fond les enquêtes pour frapper d'une façon exemplaire les chefs tortionnaires ou injustes.

BATAILLONS D'INFANTERIE LÉGÈRE D'AFRIQUE

Ces bataillons, au nombre de cing, tiennent garnison en Algérie et en Tunisie. Ils sont recrutés uniquement avec d'anciens condamnés de droit commun.

Les trois quarts de leur effectif ont été incorporés directement tandis que le dernier quart se compose d'anciens soldats condamnés par les conseils de guerre. Chaque bataillon se compose de cinq compagnies.

Les chefs de corps ont pris l'initiative d'une sélection entre ces unités en ayant trois compagnies composées de sujets réputés bons, une compagnie spéciale de discipline où l'on est privé de liberté en dehors du camp, et une compagnie de transition où s'opère constamment un filtrage. Le régime de ces bataillons est le même que celui de tous les régiments français dont ils ne diffèrent que par la société qu'on y rencontre.

Le service exigé des Joyeux est souvent moins pénible que celui des soldats en France, et leur nourriture est même plus soignée, grâce aux vastes jardins potagers dont on dispose.

Ceux qui sont bien notés et satisfont à des examens peuvent obtenir des galons. Lors de la libération on reçoit des effets civils et un livret individuel où il n'est pas fait mention du passé. Ce livret est établi au titre du régiment auquel l'ancien Joyeux est affecté comme réserviste, car, une fois le service actif accompli, il n'est plus question de convocation à part pour les périodes d'instruction, ni en cas de mobilisation. Les punitions sont les mêmes que dans les troupes régulières. Il a seulement fallu prévoir, comme dans les Compagnies de discipline, l'emploi éventuel de la camisole de force. En outre, comme en colonne on ne transporte pas avec soi des locaux disciplinaires démontables, on est obligé d'employer des moyens spéciaux pour mâter les révoltés qui, sous

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