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rait, sans doute, quelque exactitude et quelque utilité; mais il a bien d'autres prétentions; il indique la répartition par chapitre. Discutons-le sur des exemples:

Voici un extrait de l'état H pour 1910, relatif aux deux bâtiments: Quinet et Waldeck-Rousseau:

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2.592.694 2.408.399 1.705.620 1.280.000 254.507 Waldeck-Rousseau. 28.361.23828 et 29 8.332.856 4.534.8633.068.000 3.115.339 206.089

Au premier examen de ce tableau, son extrême précision doit mettre en défiance. Au moment où s'établit cet état H, l'année 1909 n'est pas terminée; néanmoins, on fixe au franc près, et volontiers au centime, les dépenses probables en matières et main-d'œuvre. Bien plus, si on prend un bâtiment non encore mis en chantier, pour lequel n'existe même ni plans, ni devis, l'état H prévoit, à 1 franc près, la répartition en matières et main-d'œuvre, et la distribution année par année. Cependant, quand il s'agira d'exécuter, l'arsenal en cause règlera son programme de travaux en tenant compte de sa disponibilité de main-d'œuvre; il sera libre d'exécuter lui-même ou de commander à l'industrie nombre de travaux ou d'appareils.

L'état H ne permet, d'ailleurs, aucune comparaison utile; pour les deux bâtiments: Quinet et Waldeck-Rousseau, la main-d'œuvre totale s'élève pour l'un, à 5.618.770 francs, pour l'autre à 7.241.220 francs. Pourquoi cet écart de 1.700.000 francs? Aucune explication n'est donnée au Parlement, et comment deviner, d'après l'état H, que dans l'un des cas, l'appareil moteur est construit à Indret et que la main-d'œuvre d'Indret est noyée dans celle des arsenaux, de telle sorte que le prix de l'appareil n'apparaît pas dans les chiffres analogues, pour les deux bâtiments. Si l'état H ne permet

pas de comparer les devis et moyens de construction de divers bâtiments construits dans les arsenaux, encore moins permet-il de comparer les constructions des arsenaux à celles de l'industrie. Ici, tout est en bloc, comme de juste la Marine n'a à voir que le prix global et à étager ses paiements. Si l'état H est, pour le Parlement, un document de valeur nulle, il est pour la Marine un document trompeur. Les mises en chantier sont faites sur la foi de ce document: par le jeu des chiffres, il met en lumière des disponibilités de maind'œuvre qui n'existent pas; il ne vise, en effet, au chapitre main-d'œuvre que les soldes du personnel ouvrier; or, c'est toujours avec des francs que l'on paie les ouvriers, qu'ils soient chaudronniers, mécaniciens ou électriciens. Les disponibilités de main-d'œuvre qui paraissent exister, n'existent donc qu'en deniers, et non en ouvriers; c'est cette confusion qui explique la déplorable situation de nos chantiers des arsenaux. On met en construction des navires; mais s'il faut des mécaniciens pour les achever et si on n'a que des chaudronniers, les bâtiments n'avancent pas. Les erreurs dues à cette cause ne se comptent plus; à Toulon, alors que le Dupetit-Thouars n'avançait pas, on ordonnait la construction du Victor-Hugo; un an après, on devait l'abandonner et l'attribuer à Lorient. Le même Lorient se voyait, deux ans auparavant, chargé de la construction du Condé, d'abord prévue à Cherbourg. Au moment où s'élaborait le programme de 1900, la même confusion a failli faire confier aux arsenaux la construction de presque toute la nouvelle flotte; Cherbourg, qui eut toutes les peines du monde à terminer le Jules-Ferry, devait recevoir, deux croiseurs du même type. Enfin, la triste situation de nos sous-marins a la même origine; M. H. Michel, dans son remarquable rapport, montre que la Marine a dû abandonner les constructions de 21 sous-marins qui ont paru plusieurs années dans les états H. Malgré cet abandon, dans quels délais seront terminés ceux qui restent et ont été ordonnés en 1906 ? Quelques-uns n'entreront en service qu'en 1912 et 1913.

La leçon sera-t-elle profitable et l'administration de la Marine ne risque-t-elle plus de commettre les mêmes fautes ? On doit l'espérer; mais il ne faut pas se dissimuler que la ten

dance de cette administration, comme celle, d'ailleurs, de toute industrie, est de se mettre à l'abri du chômage en recherchant à tous prix les commandes. Les directeurs des arsenaux se préoccupent à bon droit de ne pas laisser quelques douzaines d'ouvriers sans ouvrage tout le monde est inconsciemment complice, ouvriers, chefs de chantier, ingénieurs, pour faire apparaître la possibilité théorique de construire dans des délais suffisants, Les bureaux du ministère ne savent pas résister à ces sollicitations appuyées de celles des députés qui voient dans de nouvelles constructions la perspective d'augmentations de personnel et de satisfactions électorales et on arrive, peu à peu, à détruire à la fois, par ces procédés, et la valeur des arsenaux qui ne peuvent plus suffire à leur tâche, et la réputation de l'industrie française à qui la durée exagérée des constructions françaises porte le plus grand préjudice.

Le Parlement devra donc avoir à cœur de supprimer un document qui le trompe et qui trompe la Marine. Qu'il se contente d'un état très sommaire, fixant simplement le devis total et la durée de construction; s'il veut davantage, que ses exigences soient alors plus précises: qu'il demande à la Marine, pour les constructions des arsenaux, un devis détaillé ainsi qu'un état détaillé par profession de la main-d'œuvre disponible et de celle employée à chaque construction. Son contrôle, avec une semblable pièce, pourra être effectif et il sera en mesure de prendre ses responsabilités il ne suffit pas, pour le couvrir, d'insérer dans un texte de loi que la durée de construction ne dépassera pas trois ans. Pareil engagement ne signifie rien on l'a bien vu pour le Danton et le Mirabeau.

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Combien de réflexions pourraient encore être utilement présentées au sujet du budget de la Marine? Il faut nous limiter et nous dispenser d'initier le lecteur aux mystères du livre bleu, des prix réels, etc., et de toutes ces institutions imposées par le Parlement, oubliées par lui aussitôt qu'adoptées, mais qui ont le grave défaut d'immobiliser des ar

mées d'employés et d'accabler les dirigeants de la marine sous un fatras de papiers.

Une double conclusion s'impose. Comment de si funestes pratiques se sont-elles imposées et maintenues? L'explication en est simple longtemps la Marine a vécu d'une vie propre ; on lui faisait confiance et le Parlement n'avait pas le souci de la surveiller par voie budgétaire. Le jour où cet âge d'or a pris fin, le Parlement a voulu voir clair, et ne connaissant rien de la Marine, il a cru y réussir en imposant à celle-ci mille liens inacceptables. La Marine n'a pas osé résister: quelques irrégularités, du genre de celles qu'aucune administration ne peut éviter, quelques absurdités que créaient de vieux règlements insuffisamment remaniés suivant les besoins du progrès, ont permis aux parlementaires d'exercer sur elle une mainmise énergique. Le gâchis actuel est le résultat des efforts en vue de la lumière et de la clarté prodigués pendant vingt ans par les commissions et les rapporteurs du budget. A dire vrai, depuis quelques années, les rapporteurs se sont abstenus de ce genre d'ingérence; mais le mal est fait et subsiste. Que le Parlement contrôle la Marine, qu'il la contraigne à faire les évolutions nécessaires, mais qu'il se garde bien de se substituer à elle et de prendre lui-même l'initiative des transformations. Il risquera, faute de connaissances suffisantes, de faire une œuvre caduque ou funeste.

Deuxième conclusion: l'exemple du passé doit servir de leçon pour l'avenir. Ce que nous avons exposé montre à quel point est louable le projet de M. Chéron de modifier la forme du budget; mais qu'il se garde de confier ce soin à des mains inexpertes et inhabiles. La Marine connaît le danger de tomber de Charybde en Scylla. Mieux vaut conserver le statu quo, quelque déplorable qu'il soit, que tout bouleverser pour retomber dans un gâchis administratif encore accru.

C. FERRAND.

REVUE POLIT., T. LXIII.

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t

LE PROJET DE LOI SUR LES CHÈQUES POSTAUX

Mon cher Directeur,

Vous avez bien voulu me signaler un article paru dans la Revue Politique et Parlementaire du 10 janvier, relatif au projet de loi sur les chèques postaux, et m'offrir l'hospitalité de la même tribune pour y répondre (1).

J'avais déjà lu l'article; ancien collaborateur de la Revue, si le temps me fait maintenant défaut, pour y exposer mes idées, je trouve toujours grand profit à y suivre les discussions de doctrine qui y sont développées.

Je saisis d'autant plus volontiers l'occasion que vous m'offrez de m'expliquer, que cet article, fort intéressant d'ailleurs, porte ce sous-titre : « Une nouvelle forme d'étatisme ».

Or, s'il est un reproche que je ne veux pas mériter, c'est bien celui-là.

Je suis, en principe, adversaire de l'extension des monopoles d'Etat, et notamment du monopole des assurances, qu'on a voulu mettre à l'ordre du jour.

J'irai même plus loin j'avouerai qu'un monopole comme celui des téléphones me paraît très discutable, surtout si on l'examine au point de vue des résultats par trop médiocres que nous en avons obtenus.

Mais, il ne s'agit pas ici de créer un monopole, ni de supprimer la concurrence. Il s'agit simplement de développer une organisation existante et de la mettre à la hauteur de tous les services auxquels elle doit pourvoir.

(1) Suivant sa tradition libérale, la Revue Politique et Parlementaire est heureuse de pouvoir publier les explications de l'honorable M. Guillaume Chastenet que notre collaborateur Ferneuil avait personnellement visé dans son remarquable article du 10 janvier 1910.

F. F.

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