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ment des libéraux, alors qu'ils n'ont eux-mêmes que très peu de chances d'obtenir des voix pour un très petit nombre de candidats (1).

Les candidats du parti du travail seront au nombre de 67 sur 49 députés sortants. Le Comité des Lords qui fait l'office de notre Cour de cassation, réformant un jugement obtenu par des TradeUnionistes adversaires de l'action politique dans les Unions, vient de décider que les Trades-Unions ne peuvent disposer de leurs fonds pour des luttes politiques, ce qui, étant donné les frais de a campagne électorale en Angleterre, leur rend la lutte plus difficile et revient en somme à restreindre leurs droits politiques, ce qui est grave et pourrait peut-être rendre les Unions favorables à la constitution d'un parti socialiste séparé analogue à ceux du con

tinent.

Les socialdémocrates mettent en ligne une dizaine de candidats.

La manifestation contre la condamnation de Ferrer, dont les Français ont pris l'initiative, témoigne de la rapidité avec laquelle peuvent s'organiser aujourd'hui une entente et une démonstration internationales, et l'ampleur qu'elles seraient susceptibles de prendre, en cas, par exemple, de déclaration de guerre.

Cette manifestation, où socialistes, syndicalistes, anarchis es et francs-maçons étaient unis, a été organisée par les socialistes : la Fédération de la Seine, l'Humanité et la Guerre sociale. En fait, les syndiqués et les socialistes ont constitué l'immense majorité du cortège. Cette union dans l'action des syndicalistes et des socialistes se retrouvera spontanément à chaque occasion, dans le milieu populaire que le socialisme atteint et entraîne, et réciproquement les rivalités et les querelles n'existent qu'entre géné. raux; les troupes marchent à l'unisson.

(1) Vorwaerts, du 8 décembre 1909.

LA

VIE POLITIQUE & PARLEMENTAIRE A L'ÉTRANGER

ALLEMAGNE

Par le Dr MONTANUS

Pendant ces quatre derniers mois, la vie politique allemande a continué à être dominée par la « réforme financière », qui venait d'être réalisée et par la crise politique qui en était résultée.

Tout d'abord, la discussion porta, dans les journaux et dans les réunions publiques, sur cette intéressante question qui supportera la responsabilité de ces événements, de la dislocation du bloc conservateur-libéral et de la chute du Chancelier de l'Empire, le prince de Bülow ? Les libéraux déclarèrent naturellement et d'ailleurs c'était la pure vérité que la faute en incombait aux conservateurs, car ceux-ci n'avaient cessé, depuis les journées. de novembre (1), et depuis que le discours du Trône prononcé à l'ouverture du Landtag de Prusse avait annoncé une réforme électorale, de travailler systématiquement et obstinément à la chute du prince de Bülow et au renversement de sa politique du bloc. Les conservateurs se défendirent énergiquement contre cet exposé de faits cependant notoires, et il est caractéristique du régime pseudo-constitutionnaliste de l'Allemagne qu'au moment même où, pour la première fois depuis la fondation de l'Empire, un Chancelier était renversé par un vote de la majorité parlementaire, cette même majorité qui avait provoqué sa chute déployât une dialectique raffinée pour écarter d'elle une pareille « accusation ». Les conservateurs ne se lassaient surtout pas de répéter qu'il ne leur serait jamais venu à l'esprit de renverser « un ministre de Sa Majesté » par un vote parlementaire. Le prince de

(1) Voir notre chronique de septembre 1909.

Bülow, pour lequel ils déclaraient professer la plus haute estime et dont ils savaient apprécier les immenses services, avait tiré, de la situation politique, en donnant sa démission à leur extrême regret une déduction que rien ne l'obligeait à considérer comme seule logique. On n'avait suivant eux ni désiré ni voulu cette démission; on avait simplement travaillé dans l'intérêt national. Si les libéraux ne s'étaient complètement refusés à collaborer à la grande œuvre nationale de la réforme financière, les conservateurs ne se seraient pas vus dans l'obligation de pactiser avec les cléricaux.

La discussion se poursuivit sur ce thème, avec violence, durant des mois. Pendant ce temps, on s'attendait généralement à voir le nouveau gouvernement, et surtout le nouveau Chancelier, M. de Bethmann-Hollweg, prendre position à l'égard des questions politiques actuelles. Mais le nouveau Chancelier garda, en dépit de tout, un silence obstiné, dont il ne voulut pas se départir, même lorsque la presse revint sur les journées de novembre et recommença à mettre en jeu la personnalité de l'Empereur. Ce silence obstiné dura pendant six mois, jusqu'à l'ouverture de la session du Reichstag, et il semble bien qu'il soit sans précédent dans l'histoire parlementaire des Etats civilisés. Voilà, en effet, une grave crise politique qui vient d'éclater; le gouvernement a complètement changé de tactique politique, et cependant l'homme nouveau qui a été installé au gouvernail ne veut dévoiler à personne de quel côté il dirige sa course. Pendant six mois, un peuple aussi hautement civilisé en est réduit à des suppositions et des hypothèses, en vue de deviner bien vaguement quelles sont les véritables intentions du nouveau gouvernement.

Tandis que les partis se livraient à des discussions de pure théorie, sans chance d'aboutir pour le moment à un résultat positif, les faits se chargeaient de les instruire. Il fut procédé, en effet, à des élections complémentaires, qui, toutes uniformément, accusèrent une formidable augmentation du nombre des voix socialistes. Il était facile, dès lors, de mesurer quelle irritation avait produite, dans le peuple, une réforme qui consistait à charger davantage les classes pauvres, en faveur des classes riches. D'abord eurent lieu trois élections complémentaires pour le Reichstag : dans trois circonscriptions (Kaiserslautern, Cobourg, Halle), les socialistes enlevèrent le siège qui avait appartenu jusque-là à d'autres partis. Dans deux autres élections, il leur manqua bien peu de voix pour atteindre la majorité absolue. Dans les autres cas (et même dans une élection complémentaire où ils défendaient un

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siège à eux), ils ont considérablement augmenté le nombre de leurs voix, alors que celles de tous les autres partis diminuaient dans une proportion correspondante.

Mais plus impressionnants encore furent les résultats des élections générales aux Diètes du royaume de Saxe et du Grand-Duché de Bade, deux des Etats confédérés les plus importants. Ces élections, qui eurent lieu au mois d'octobre, représentent pour ces deux pays le point de départ d'une orientation nouvelle. de leur politique intérieure.

Le royaume de Saxe constitue, depuis nombre d'années, la terre d'élection de la réaction politique. A ce point de vue, il éclipse même la Prusse. La lutte à mort contre les socialistes, lutte poursuivie par tous les moyens, constituait précisément la base même de la politique saxonne. C'est ainsi qu'on avait réussi, il y a pas mal d'années, à réduire les socialistes au silence en les privant tout simplement, en fait, du droit de vote. Bien que constituant numériquement l'un des plus forts, ou même le plus fort des partis politiques en Saxe, ils n'eurent, pendant longtemps, aucun représentant à la Diète de Saxe. Finalement un seul et unique socialiste avait réussi à grand'peine à y être nommé. Mais même la Saxe n'avait pu rester complètement à l'écart du mouvement démocratique général qui se répand depuis des années sur le monde civilisé et a envahi jusqu'à la Perse et la Turquie. Finalement, pour apaiser l'opinion publique, le gouvernement saxon et la majorité réactionnaire-conservatrice de la Diète durent se décider, bon gré mal gré, à procéder à une réforme électorale. Après de laborieuses négociations en vue d'un compromis, négociations qui durèrent plusieurs années, cette réforme aboutit enfin cette année-ci et s'opéra sur la base du vote plural. Elle avait été combinée de telle façon qu'elle devait, d'après les intentions de ses auteurs, permettre infailliblement au gouvernement et à la majorité réactionnaire de la Diète, de continuer à exclure presque complètement de la Diète le parti socialiste, ou, du moins, de l'empêcher d'exercer aucune inffuence et de le réduire à l'impuissance. D'après le système adopté, la « propriété et la culture générale » et ensuite l'âge, sont favorisés de toutes les manières, si bien qu'un seul électeur peut avoir jusqu'à quatre voix.

C'est donc en octobre dernier qu'on allait expérimenter pour la première fois ce nouveau système. Il donna des résultats qui provoquèrent une stupéfaction générale la majorité réactionnaire fut balayée; le parti conservateur fut réduit, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, à l'état de minorité impuissante, et le

nombre des voix socialistes augmenta dans de formidables proportions. Aussi les socialistes, que l'on avait voulu exclure, obtinrent-ils environ un tiers des mandats, malgré que les autres. partis se fussent ligués contre eux au scrutin de ballottage.

Ces résultats, qui causèrent une surprise générale, ne sont pas seulement importants pour le royaume de Saxe- qui se trouva, depuis l'ouverture de la Diète, dans un état de crise gouvernementale permanente, mais ils sont non moins importants, au point de vue de l'orientation de la politique générale de l'Empire. La Saxe allant se trouver contrainte, d'ici plus ou moins longtemps, à s'engager dans la voie du libéralisme, la Prusse se trouvera dans un « splendide isolement » et représentera le seul des Etats conférérés qui ait un caractère nettement réactionnaire. Même le Mecklembourg, le seul des Etats confédérés resté jusque-là sans constitution à proprement parler, est maintenant sur le point de devenir un Etat moderne et constitutionnel. Les « Chevaliers » ayant repoussé récemment le nouveau projet de constitution, les deux grands-ducs les ont menacés officiellement de l'intervention de l'Empire, en vue de faire triompher la constitution proposée. Aussitôt après la reprise de la session du Reichstag, en janvier, y sera discutée une interpellation portant sur la question constitutionnelle dans les deux Mecklembourgs. Quelle situation, si la Prusse se trouvait en arrière même du Mecklembourg, le pays jusque-là le plus en retard de toute l'Europe au point de vue constitutionnel!

Mais à un autre point de vue encore ces élections saxonnes sont importantes. L'établissement du vote plural, auquel on avait consenti en Saxe, était considéré jusqu'ici en Prusse comme l'idéal suprême par tous ceux qui voulaient maintenir la réaction tout en faisant d'apparentes concessions à l'opinion publique. Ce système avait du moins, pensait-on jusque-là, l'avantage certain d'arrêter les socialistes. Or, on découvre maintenant que cette conception était une illusion! Evidemment, on peut tirer de cette erreur, puis de cette désillusion, des conclusions fort divergentes. On peut en conclure tout simplement que le système de vote plural le plus ingénieusement combiné ne constituant pas une sûre garantie contre le flot montant du socialisme, il vaut encore mieux passer au suffrage universel, base des élections pour le Reichstag, et avec lequel on a réussi, jusqu'à présent, à se garantir de ce flot. Mais on peut aussi bien tirer la conclusion suivante : la concession, cependant bien faible, que représente l'établissement du vote plural, étant de nature à renforcer, considérablement les

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