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Les socialdémocrates allemands ont tenualeur Congnès annuelt à Leipzig, à la mi-septembre. Ils ont enregistré d'une année à l'autre des progrès considérables dans/leurorecrutement et dans leurs finances. Ils augmentent leur armée des partisans permanents? et d'électeurs; après les ouvriers des villes, ils enrégimentent ceux des champs, ils éduquent et associent la jeunesse et les femmes.. Ils forment dans l'Etat un petit Etat fort bien administré, dont les impôts rentrent à merveille. Leurs cotisations ont augmenté: cette année de 312.000 marks; leurs dépenses ont, diminué de 162.755 marks. L'ensemble de leurs recettes s'est élevé à 1.123.614 marks en 1909. Aucun parti en Allemagne ne dispose d'un trésor de guerre aussi élevé que ce parti prolétarien, sans parler des rests sources considérables des syndicats allemands qui se chiffrent par millions. Des sommes importantes ont été souscrites pour les grévistes de Suède. Le journal de M. Guesde, le Socialiste, re-e présentant l'orthodoxie marxiste, reçoit mille marks de subsides. Le parti compte aujourd'hui 633.309 membres cotisants; alors qu'en France ce chiffre ne dépasse pas 60.000. C'est exactement le nombre des femmes affiliées au parti en Allemagne, quio viennent de doubler en un an leur effectif. Enfin, en 1907, 3.250.000. bulletins portaient les noms des candidats socialistes au Reichs tag, et l'on peut affirmer, d'après leurs succès dans les élections: partielles et les divers Etats de l'Allemagne, que ce nombre sepa considérablement acoru aux prochaines élections générales.

Ils n'ont cependant aucune influence politique dans le présent, mais-ils travaillent pour l'avenir, pour le temps où le gouverne ment des partis deviendra possible en Allemagne, quand la Prusse dirigeante commencera à entrer dans l'ère démocratique; et il n'est pas douteux qu'on s'y achemine, quoique très lentement.:.

La situation des partis au Reichstag est, à l'heures présente, des plus confuses. Les socialistes ont déjà tiré avantage des divisions entre les libéraux et les conservateurs. A une élection partielle, ils ont triomphé d'un adversaire libéral, grâce à l'appoint des voix catholiques et agrariennes; nous avons vu de même en France les réactionnaires voter pour les unifiés. En Allemagne, les plus intransigeants, les plus violents, tels que Mehring, n'ont pas voulu que cette question des alliances fût posée au Congrès de Leipzig.. Ils tiennent à rester libres de marcher, au second tour de scrutin, aussi bien avec les libéraux, si l'occasion s'en présente, qu'avec les catholiques. Les adversaires d'aujourd'hui deviendront peut-être les alliés de demain (1).

(1) Journal des Débats, du 16 septembre.

La principale question discutée au Congrès concernait le vote que la fraction socialiste du Reichstag, à une faible majorité, avait décidé d'émettre en faveur de l'impôt sur les successions; proposé par le prince de Bülow pour compléter les 400 millions d'impôts indirects nouvellement proposés. La tradition du parti, disaient les orthodoxes, interdit de fournir des ressources à l'Etat bourgeois, c'est ce que signifie le refus du budget imposé aux députés socialistes. Dans le cas présent, les impôts successoraux étaient destinés à doter l'Etat de nouveaux cuirassés, et les socialistes sont absolument opposés à la folie des armements..

A cela les députés mis sur la selletté répondaient qu'ils n'avaient au contraire fait que suivre les principes fondamentaux du parti. Avant de songer à l'emploi auquel ces 68 millions étaient destinés, il faut savoir qui devait les payer. Le fardeau des impôts doit tomber sur les épaules de ceux qui peuvent le porter. Les députés socialistes repoussaient les 400 millions d'impôts indi rects, qui pèsent surtout sur le peuple, mais ils souscrivaient à l'impôt direct, premier pas vers un impôt sur la propriété. En le rejetant, ils eussent confondu leurs votes avec ceux des réactionnaires, fait au scrutin alliance avec les agrariens, les hobereaux, les pires réactionnaires et encouru une juste impopularité..

Les plus intransigeants, tels que M. Kautsky, eussent voulu que les députés fassent de l'obstruction ou en appellent à des protestations populaires. Enfin on leur reprochait de n'avoir pas pris le mot d'ordre du comité directeur.

Il est probable que si l'on eût voté au Congrès de Leipzig, la majorité eût approuvé la tactique des députés socialistes au Reichstag. Mais aucune sanction ne fût proposée, et la question des impôts fut ajournée à un prochain Congrès.

Contre les impôts de consommation, les 80 millions de droits nouveaux, le Congrès, à l'unanimité, a décidé le boycottage de l'eau-de-vie, les droits étant destinés à assurer aux propriétaires fonciers, d'après les socialistes, un profit annuel de plus de 50 millions. Le bon billet! On a d'abord d.scuté si cette interdiction morale s'appliquait au cognac. Le comité directeur résolut ce cas de conscience en décidant « qu'aucune goutte de Schnaps, quel que soit son nom, allemand ou étranger, ne devait humecter les lèvres d'un socialdémocrate, inscrit au parti. A Breslau, la consommation de l'alcool, a diminué dans les cabarets de 30 0/0; mais les socialistes boivent, paraît-il, d'autant plus chez eux. A Hambourg, le comité socialiste sur la question du boycottage a passé à l'ordre du jour: la maison des syndicats approuva le débit de l'alcool à une grande majorité, disant que la décision du Congrès n'impliquait qu'une contrainte morale et nuisait financièrement à la maison ouvrière. Cette décision est donc restée lettre morte.

La question de la fête du 1er mai met aux prises le parti politique, qui en voudrait le maintien, et les syndicats allemands qui s'en désintéressent de plus en plus, et réduiraient volontiers la démonstration à des meetings et des conférences reportés au premier dimanche de mai. Un jour de chômage dans la semaine les prive de leur salaire ou leur vaut une expulsion. Les ouvriers voudraient qu'en ce cas les caisses centrales du parti et les syndicats leur assurent une indemnité, que les caisses locales ne leur procurent que d'une façon très insuffisante. Les meneurs socialistes, dans un but de propagande et pour terrifier la société bourgeoise, exigent que les ouvriers se mettent en branle dans le monde entier ; mais ils se montrent moins soucieux de payer les frais de la fête. Le 1er mai ne se pourra terminer dignement qu'après le triomphe du socialisme. En attendant, il périclite.

On a beaucoup discuté sur le point de savoir si le Congrès de Leipzig marquait un pas décisif dans la voie du révisionnisme, un abandon des principes et de la tradition révolutionnaire. Notre opinion est qu'après comme avant il n'y a rien de changé. Les socialistes allemands sont en majorité intransigeants en paroles, opportunistes en fait: Ils appuieront les libéraux s'ils leur donnent des garanties. Le succès d'un conservateur ou d'un libéral ne leur est pas indifférent, parce qu'un libéral est plus engagé vis-à-vis de ses électeurs, plus responsable. Ils reconnaissent la valeur de la tactique parlementaire, et obéissent, en dépit des déclarations et des motions de leurs Congrès, à des considérations essentiellement pratiques. Ils songent à gagner des voix, non à élever des barricades. Et leurs succès récents, favorisés par le mécontentement causé par la réforme financière des conservateurs sont bien faits pour justifier leur méthode et exalter l'espérance qu'ils ont de renouveler aux prochaines élections l'éclat des heures de victoire de juin 1903 et la revanche de leur échec

en 1907.

Aux élections partielles du Reichstag ils gagnent des sièges et des voix, de même que dans les élections communales des grandes villes, Berlin, Altona, Cologne. Ils ont triomphé dans les élections aux Landtags du Grand-Duché de Bade, de Saxe, de Meiningen, de Saxe-Weimar. En Bade, tandis que le Centre perdait deux mandats, les socialistes en gagnaient huit, passant de 12 à 20 sièges. Les trois partis centre et conservateurs, libéraux, socialistes se font presque équilibre.

La Saxe, le royaume rouge, qui a envoyé tant de socialistes au Reichstag, s'était préservée de leur entrée au Landtag, grâce au système des trois classes; par le système pluraliste, appliqué pour la première fois au Landtag, les socialistes ont conquis 25 mandats sur 91. Ils estiment qu'avec le suffrage universel, ils auraient eu pour eux la majorité des électeurs.

A Meiningen, ils se sont emparés de cinq sièges. Le changement de constitution dans le Mecklembourg leur sera également favorable.

Dans la Saxe-Weimar, la partie de Gæthe, le système électoral est unique. 5 sièges sont réservés aux grands possesseurs terriens, 5 aux électeurs possédant plus de 3.000 marks de revenu, 1 au Sénat universitaire d'Iéna, 1 à la Chambre agricole, 1 à la Chambre artistique, 1 à la Chambre du travail : ce qui assure, dans toutes les discussions qui touchent aux diverses branches de la vie sociale, un orateur spécial et compétent, les autres sièges sont réservés aux élus du suffrage universel, direct et secret. Les socialdémocrates ont obtenu 4 sièges et se trouvent en balottage dans 7.

A Bade, en Saxe, à Meiningen, les socialistes occupent aux Landtag des sièges de vice-présidents. En cette qualité, du moins à Meiningen et à Bade, ils doivent rendre visite au souverain, et ils se sont acquittés de ce devoir sans se soucier des censures et criailleries du comité directeur de Berlin, qui estime que c'est aller à l'encontre des convictions républicaines du parti. L'un des vice-présidents a fait cependant cette concession de se présenter à la cour non en habit, mais en veston et chapeau mou; ce qui rappelle les gros souliers de Roland à la cour de Versailles. Les Allemands du Sud et certains socialistes en vue, tels que Bernstein en Allemagne, Ferri par une déclaration récente en Italie, estiment que le socialisme se peut très bien accommoder de la monarchie.

Cet exposé ne serait pas complet si nous n'ajoutions quelques mots des procédés qu'emploient les socialistes peu scrupuleux en matière de procédés électoraux. Ils pratiquent le terrorisme le plus éhonté à l'égard des innombrables petits commerçants qui vivent du monde ouvrier, laitiers, crêmiers, épiciers, marchands de bois, restaurateurs, les obligeant sous menace de ruine, à voter pour eux ou à s'abstenir; n'est-ce pas une manière de candidature officielle imposée sous peine de ruine ? On juge, d'après

cela, ce que valent leurs revendications indignées de la liberté électorale et on imagine les garanties d'indépendance dont jouis raient les électeurs, une fois les socialistes maîtres du pouvoir ! L'Angleterre n'échappe pas à la poussée démocratique qui se ma nifeste dans tous les pays et aux embarras financiers qui résultent de la double nécessité de pourvoir aux armements et aux réformes ouvrières. Le budget de M. Asquith, avec sa taxe sur l'augmentation de la valeur du sol, monopolisé par l'aristocratie, a créé le conflit entre les Communes et les Lords, qui sera résolu par le résultat des élections du 13 janvier. Quelle sera dans ce conflit l'at titude du parti ouvrier? Il reste indépendant, mais son intérêt est identique à celui des libéraux. Avec son esprit politique habituel la fraction des députés ouvriers à la Chambre basse s'est prononcée contre l'abolition des Lords, dans une réunion tenue le 2 décembre. Elle se bornera à appuyer le gouvernement, car il n'y a pas de majorité dans le Royaume-Uni pour un seul Parlement. La suppression des Lords aurait pour conséquence la créa tion d'une seconde Chambre qui disposerait d'une plus grande au torité. Il vaut mieux laisser subsister la Chambre haute, mais en limitant, ses droits, pour la rendre inoffensive.

Le manifeste électoral du parti ouvrier ne dit donc pas que les Lords doivent disparaître, mais il formule des exigences extrêmes. Il réclame non seulement les pensions pour la vieillesse; mais le droit électoral pour les femmes, le sol pour le peuple; « à bas les privilèges ! » Quant aux partis socialistes proprement dits, l'Indépendant Labour Party réclame l'abolition des Lords; le parti socialdémocratique, le moins nombreux, fait appel à la lutte de classes : « les libéraux et les lords se combattent en apparence; ce sont deux cliques, toujours alliées pour piller le peuple, leur opposition n'est que superficielle. >>>

La question importante, touchant l'issue de la prochaine campagne électorale, sera l'attitude du parti ouvrier vis-à-vis des libéraux. Sans la question des Lords, les deux partis présenteraient leurs candidats opposés. Mais ils sont unis contre les Lords, et ils devront se faire des concessions réciproques. Le second tour de scrutin n'existe pas en Angleterre. Les candidatures ouvrières et socialistes ou libérales devraient être posées selon les chances plus ou moins grandes de succès contre leurs adversaires qui auraient tout intérêt à les voir se combattre. Parti ouvrier et partis socialistes devaient donc s'abstenir de simples candidatures d'agitation; mais ces partis ne semblent pas d'accord sur ce point. Les socialdémocrates voudraient que les concessions viennent unique

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