I. Etablissements scolaires. 1o Enseignement supérieur. Au Caire n'existent pas seulement, comme dans toutes les grandes villes du Levant, d'es établissements français d'enseignement primaire et secondaire, mais deux établissements d'enseignement supérieur. Le gouvernement de la République y possède une école française de droit, placée sous la dépendance directe du ministère des Affaires étrangères. C'est à l'initiative privée qu'est due la fondation de cette sorte de Faculté, aujourd'hui devenue institution d'Etat. En 1890, le sénateur Boulanger étant venu en Egypte, quelques-uns des membres les plus influents de notre colonie l'entretinrent de l'intérêt que présentait la création d'un enseignement juridique français et de l'avenir qui semblait y être assuré. Séduit par cette idée, M. Boulanger entra en relations avec les Jésuites, en vue de fonder au Caire une Faculté de droit analogue à la Faculté de médecine que ces religieux dirigent à Beyrouth. D'autre part, les Frères des écoles chrétiennes avaient, au début de la même année, inauguré dans leur collège des cours de droit qui étaient faits par deux de leurs anciens élèves, avocats au barreau du Caire. Abandonnant alors les pourparlers entamés avec les Jésuites par M. Boulanger, dont le projet rencontrait des difficultés, le comte d'Aubigny, ministre de France en Egypte, fit appel au concours de notables de la colonie et créa, auprès des cours institués chez les Frères, un comité de surveillance qui organisa l'enseignement conformément aux programmes de première année de nos Facultés de droit. Le comité confia les cours ainsi reconstitués à des professeurs choisis dans la colonie, principalement parmi les fonctionnaires français de l'administration égyptienne des domaines. Quatorze élèves les suivirent dès l'origine. Entre temps, M. Boulanger, revenu en France, avait mis son influence au service de la jeune école, dont le ministre des Affaires étrangères, M. Ribot, avait signalé l'intérêt à la tribune du Sénat. Grâce à l'active intervention du comte d'Aubigny, puis du marquis de Reverseaux, dont l'appui a très efficacement contribué au succès de l'entreprise, le gouvernement français envoya, au début de 1892, un docteur en droit, professeur à la Faculté d'Alger, prendre la direction de ce qui sera désormais l'école française de droit du Caire. Décidément favorisée par la fortune, l'école eut la chance de trouver, en M. Pélissié du Rausas, le directeur le plus avisé, en même temps que le plus passionné pour sa tache. Le meilleur éloge qu'on puisse faire de lui consiste à rappeler, d'une manière malheureusement trop brève, les résultats d'une direction qui compte déjà 17 années et n'est pas encore près de son terme. Peu à peu, les collaborateurs bénévoles de la première heure sont remplacés par des professeurs, docteurs en droit, envoyés par le gouvernement français de qui ils reçoivent leurs traitements. Leur nombre, d'abord limité à deux, sans compter le directeur, est porté à quatre, puis à cinq. En 1897-98, aux cours de préparation à la licence est ajouté un cours de préparation au doctorat. L'assentiment du gouvernement français est obtenu aux diverses mesures, dispense du baccalauréat de l'enseignement secondaire, dispense d'assiduité aux cours des Facultés de France, inscriptions cumulatives, qui constituent ce qu'on pourrait appeler le régime de faveur des étudiants de l'Ecole française de droit du Caire; et, grâce à ce régime, un groupe de plus en plus en plus nombreux de ces étudiants se dirige chaque année vers la France, pour y subir, auprès des Facultés de Paris, d'Aix, de Toulouse, de Lyon, etc. les examens de licence et de doctorat. L'excellence de l'enseignement est prouvée par la forte proportion des candidats admis, proportion jamais inférieure et souvent supérieure à 85 0/0. Aussi le nombre des élèves qui vont se faire inscrire à notre école s'accroît-il avec une surprenante rapidité : de 15 la première année, il passe à 33 la seconde, à 68 la troisième; en 1895-96, il est arrivé à 80, atteint 114 en 1900-01, 240 en 1906-07, 295 en 1907-08, 375 en 1908-09. L'immeuble loué dont l'inconfort n'a pas découragé cette affluence devient insuffisant à la contenir. Aussi, en 1907-08, l'école s'installe-t-elle pour la première fois << dans ses meubles ». La libéralité d'un autre établissement français dont nous parlerons tout à l'heure l'a, en effet, dotée d'un édifice vraiment approprié à sa destination et pourvu de tous les aménagements, amphithéâtre, salles de cours, salles de travail, bibliothèque, etc., qui sont nécessaires à une Faculté. Il nous faudrait encore, pour montrer le succès de l'Ecole, suivre ses anciens élèves dans les carrières qu'ils ont embrassées et les hautes situations échues à nombre d'entre eux. Mais l'historique de l'Ecole française de droit mériterait à lui seul une brochure distincte, et nous ne pouvons que nous borner à la lui souhaiter Ce souhait vient d'être exaucé en ce qui concerne un autre établissement, l'Institut français d'archéologie orientale. L'inauguration du nouvel et spacieux local où cet institut s'est installé l'année dernière lui a fourni l'occasion de publier une plaquette commémorative, donnant l'historique de sa fondation et de son développement. Vingt-neuf ans se sont écoulés depuis que le décret du 28 décembre 1880 a organisé au Caire une « mission permanente » ayant pour objet l'étude des antiquités égyptiennes, de l'histoire de la philosophie et des antiquités orientales. C'était une lacune réellement fâcheuse que comblèrent les initiateurs de cette œuvre, Mariette, Maspero, Xavier et Gabriel Charmes, en créant un centre permanent d'études pour toutes les sciences qui se rattachent à l'archéologie, à la géographie, à la philologie, non seulement de l'Egypte, mais du nord-est de l'Afrique et de la Syrie, et en choisissant le Caire pour y établir ce que Renan appelait ce <<< grand khan scientifique ». Le Caire, en effet, écrivait Renan dans un remarquable rapport sur cette fondation, « a l'avantage d'être le centre naturel de la branche la plus féconde de l'archéologie orientale, et de pouvoir servir de quartier général aux autres branches de recherches ». Pour guider ses premiers pas et la mettre dans la bonne voie, la « mission permanente » du Caire a eu le maître incontesté de l'égyptologie, depuis que la mort a ravi Mariette à cette science: Maspero. Cet illustre savant ne put rester que quelque temps à la tête de la mission, le gouvernement égyptien l'ayant appelé à recueillir, à la tête du service des antiquités, la succession de son maître Mariette. Après lui, MM. Lefèbure, Grébaut, Bourient et Chassinat se succédèrent à la direction de la mission, transformée en « Institut français d'archéologie orientale », investie de la personnalité civile, dotée d'une organisation définitive par un décret de mai 1898 rendu sous l'inspiration de M. Xavier Charmes, mise enfin dans ses meubles, après avoir vécu dix-huit ans en garni par le gouvernement français qui lui fit construire, au quartier Ismailieh, un édifice qu'elle a échangé, l'année dernière, contre un palais situé à Mounira. C'est sur le jardin de ce palais que l'institut a prélevé le terrain nécessaire à la construction de la nouvelle Ecole française de droit. La justaposition de ces deux établissements forme aujourd'hui, à Mounira, une sorte de groupe français, composé de deux établissements, dont l'un est une véritable Faculté de droit et l'autre une institution analogue à ce que sont l'Ecole d'Athènes pour la Grèce, l'Ecole de Rome pour l'Italie, l'Ecole d'Hanoï pour l'Extrême-Orient. La compétence nous fait défaut pour mettre en lumière la contribution que les membres de notre Institut d'archéologie ont apportée aux diverses sciences dont ils poursuivent l'étude, avec une activité dont fait foi la riche collection de leurs mémoires. Une imprimerie, dotée d'un matériel complet de caractères hiéroglyphiques, arabes et hébreux, ne se borne pas à l'impression des travaux des membres de la mission, mais exécute encore, pour le service égyptien des antiquités, des publications qui font l'admiration des connaisseurs, comme des profanes. 2° ENSEIGNEMENT SECONDAIRE. Cet enseignement ne peut encore s'adresser en Egypte qu'à une clientèle assez restreinte. Aussi s'explique-t-on facilement que les établissements de ce degré soient relativement peu nombreux. Ce sont en première ligne les deux collèges des Jésuites du Caire et d'Alexandrie. Le collège de la Sainte Famille a été fondé au Caire en 1879, pour fournir aux Jésuites les moyens d'entretenir un séminaire copte-catholique. Installé avec le confort dont la Société de Jésus s'applique toujours à pourvoir ses établissements, il contient aujourd'hui 432 élèves. A sa tête se trouve un missionsionnaire à qui un premier séjour en Egypte a, de longue date, appris à connaître le terrain où il a été rappelé il y a deux ans. Entre temps, une mission prolongée à Constantinople, où nos ambassadeurs, M. Cambon et M. Constans, ont eu maintes occasions d'éprouver son patriotisme, a fait du Père André le type accompli du missionnaire d'Orient, qui ne sépare pas l'intérêt de sa patrie de celui de sa foi (1). Les Jésuites possèdent à Alexandrie un établissement analogue à celui qu'ils dirigent au Caire. Leur intention, en débarquant dans ce port en 1881, n'était pas de s'y livrer à l'enseignement, mais seulement d'y fonder une simple résidence qui devait servir de procure à leur mission d'Orient. Mais l'incendie qui suivit le bombardement d'Alexandrie ayant détruit, l'année d'après, le collège que tenaient les Lazaristes, les Jésuites, cédant aux instances de quelques familles, acceptèrent d'en prendre la suite et ouvrirent le collège Saint-François Xavier. Dans l'édifice spacieux et confortable qu'ils firent élever et qu'entoure un beau jardin, 254 enfants reçoivent, en français, l'enseignement secondaire, primaire ou commercial. La direction en a été confiée, il y a deux ans, à un religieux de grand mérite, le Père Cotet, qui avait précédemment (1) Le R. P. André vient d'être appelé à réorganiser la mission des Jésuites, à Adana. |