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Les preuves de cet état de choses ont été fournies à maintes reprises par des autorités en la matière, notamment par M. Pierre Baudin, M. Charles Roux, M. Ambroise Colin, M. de Rousiers, etc. M. Audiffred, dans sa proposition de loi relative à l'achèvement des ports et des voies navigables (annexe au procèsverbal de la séance du Sénat du 2 avril 1909), vient de réfuter une fois de plus l'erreur économique « que les chemins de fer peuvent aujourd'hui suffire à tous les transports et qu'il n'y a plus dès lors à s'occuper des canaux .

Comme il le dit très bien, « le chemin de fer ne remplace pas le canal, parce qu'il ne peut transporter les marchandises aux mêmes conditions de bon marché »...

<< Il n'y a pas antagonisme entre ces divers moyens de transport; ils ne sont pas destinés à se faire concurrence et à se nuire..., et il est temps de rétablir l'équilibre, si nous ne voulons pas être écrasés par des concurrents mieux outillés. »

Parmi ces concurrents il en est deux en particulier, Hambourg et Anvers qui ont su réaliser par les voies navigables le maximum de pénétration à l'intérieur, et c'est par elles que la plus grande partie des marchandises exportées arrivent sans grands frais à ces ports d'embarquement, tandis que l'absence d'un canal latéral du Rhône, de Marseille à la frontière suisse, d'un canal latéral de la Loire de Nantes à Bâle, d'un canal de Bordeaux à Montluçon continue à laisser s'étendre derrière ces trois grandes sorties maritimes une sorte de muraille de Chine qui les isole de leur hinterland et du reste du pays.

On est donc en droit de demander qu'en raison des services qu'il peut rendre aux ports et aux navires, l'Etat non seulement développe le transport par rivières et canaux, mais que si ses adversaires veulent le tuer, il le protège en obligeant par exemple les Compagnies de chemins de fer à étendre à l'ensemble de leur réseau tout tarif local agressivement réduit en vue de supprimer la ba-1 tellerie.

D'ailleurs, la voie ferrée devrait à l'avenir contribuer aussi de son côté plus efficacement à la concentration des marchandises et du fret d'exportation dans nos ports, et pour nos navires. Certaines lignes doivent être créées, comme par exemple celle que réclame le Havre pour le relier au Sud-Ouest de la France dont il reste absolument séparé. Le principe d'équilibre invoqué par M. Audiffred, serait évidemment méconnu si on faisait maintenant concurrence que lui fait par ses tarifs la Compagnie du Midi. (Notice sur le port de Bayonne du Tableau général de la navigation en 1907).

pencher exclusivement la balance vers l'achèvement des voies navigables. Les chemins de fer ont une place trop marquée dans le développement de l'expansion commerciale du pays pour qu'on puisse les négliger au profit des rivières et des canaux.

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En second lieu et c'est là un point capital il faut que nos Compagnies de chemins de fer, d'un commun accord avec nos Compagnies de navigation, établissent des tarifs spéciaux favorisant l'exportation de nos ports sous pavillon français.

Une étude parue dans le Bulletin de la Ligue maritime du mois de février 1905 a décrit le système employé en Allemagne pour assurer aux deux grandes lignes de navigation hambourgeoises, la Deutsche Levante Linie et la Deutsche Ost Africa Linie un fret abondant et rémunérateur au moyen de primes indirectes,mais qui ne coûtent rien à l'Etat. Ce système est basé sur l'accord suivant : les Directions des chemins de fer accordent aux lignes de navigation précitées une réduction déterminée pour le transport sur leurs voies ferrées des marchandises d'exportation destinées à ces dernières, et celles-ci en retour de cette concession accordent à ces marchandises un fret maritime également réduit dans certaines proportions (1). Ainsi, les deux réductions de fret terrestre et maritime sont en quelque sorte mises bout à bout, ce qui permet aux produits de l'intérieur du pays d'arriver d'abord à Hambourg, puis aux Echelles du Levant ou sur la côte d'Afrique dans des conditions de transport éminemment favorables à la vente.

De ces réductions de fret, il résulte évidemment pour les chemins de fer une certaine perte; mais celle-ci se trouve compensée : 1° par l'accroissement des transports; 2° par l'impulsion que reçoit l'industrie du pays. De même les pertes primitivement subies par les Compagnies de navigation sont compensées par l'accroissement des transports.

Nous avons bien en France des tarifs d'exportation. Mais ainsi que le fait remarquer M. René Bossière (2), « il existe entre nos tarifs d'exportation et ceux de l'Allemagne cette différence fondamentale, que nous en accordons le bénéfice aux navires étrangers, qu'ils soient allemands, anglais, japonais ou autres, tandis que les tarifs d'exportation de nos voisins ne sont consentis qu'aux seules marchandises allemandes devant être chargées sur les seuls na

(1) Les tarifs sont établis à forfait pour 1.000 kilos de toute marchandise rendus à destination, avec connaissement direct combinant en bloc : chemin de fer, transit et navire.

(2) La Prospérités des Ports Français, par M. RENÉ BOSSIÈRE. Librairie Challamel, 1906.

vires allemands. Qu'un navire français ou anglais essaye donc de s'annoncer en charge à Hambourg pour un point desservi par une ligne régulière ! Non seulement il n'aura pas les marchandises allemandes, mais il n'obtiendra pas même les émigrants russes, autrichiens ou bulgares qui viennent par centaines de mille s'embarquer à Hambourg - par cette raison qu'à la douane allemande on leur demande leur destination, et s'ils ne présentent pas en même temps que leur billet de chemin de fer, leur billet de passage sur un bateau allemand, ils ne peuvent pas franchir la frontière. » (Discours de M. Baudin, 1er décembre 1905, et de M. Thierry, 7 décembre 1905.)

En France, non seulement les prix de transport ne peuvent supporter aucune comparaison avec le bon marché allemand, mais le bénéfice de notre tarif d'exportation est accordé à nos rivaux, si bien que le Shipping World (1) déclarait le 18 juillet 1904, que le tarif français d'exportation favorise la navigation anglaise plutôt. que celle de la France.

Sans doute, des tentatives d'amélioration sont faites. La Compagnie du Nord fait maintenant son possible pour aider Dunkerque. Le système des connaissements directs commence à se répandre. Mais «ces timides efforts qui ne consistent qu'à additionner les frais successifs du chemin de fer, du transit et du navire et ne constituent nullement un forfait, sont bien peu de chose auprès un système qui, en Allemagne, s'arrange pou ramener pour presque rien la marchandise le long du bord du navire national qui doit la transporter. »

Un pareil système ne peut pas évidemment s'appliquer chez nous de toutes pièces et dans la forme exposée par l'auteur de l'étude parue dans le Bulletin de la Ligue maritime, la majorité de nos chemins de fer appartenant à des Compagnies privées, tandis qu'en Allemagne c'est l'Etat qui en est propriétaire. Mais avec les modifications qui ont été proposées et qui ont pour base le concours financier de l'Etat, il serait facile d'aboutir à une solution qui réduirait à des taux très modérés les frais de transport par chemin de fer des produits français à exporter, et n'accorderait le bénéfice de cette réduction qu'aux marchandises françaises destinées à être embarquées sur les seuls navires français.

C'est cette solution qui contribuera le plus efficacement à faire reprendre à notre pavillon dans les grands ports français une partie de la place qu'il y a perdue. Il y a enfin une autre mesure de

(1) Journal anglais.

REVUE POLIT., T. LXIII.

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protection qui s'impose et que M. René Bossière a mise très heureusement en lumière à propos des droits de port qui actuellement consacrent une injustice criante.

<< Traiter d'une façon égale un navire qui vient écrémer le marché français, sans acheter un morceau de pain dans la ville et celui qui est attaché au port, qui y est entré en cale sèche, y a fait des réparations, y a acheté ses vivres et ses provisions, y a recruté son équipage, ce n'est pas de l'égalité.

«Faire des travaux onéreux pour permettre aux lignes étrangères de venir plus facilement concurrencer les nôtres, ce n'est pas de la fraternité.

<< Croirait-on qu'actuellement nos droits de quai soient perçus de telle manière que de 1 fr. par tonneau de jauge à l'entrée et de 1 fr. à la sortie, soit 2 fr. au total que payent presque tous les navires de nos lignes régulières, ces droits tombent le plus souvent jusqu'à 0,10 en tout par tonneau de jauge pour les paquebots étrangers qui ne font qu'une apparition de quelques heures dans nos ports?

«Sait-on que le transatlantique allemand qui touche chaque semaine à Cherbourg, pour enlever aux lignes françaises le meilleur de leurs passagers, a obtenu une réduction considérable sur le tarif de pilotage et ne paie aucun droit de quai..., tandis que son concurrent direct, le transatlantique français qui, chaque samedi, lorsqu'il sort des jetées du Havre, laisse derrière lui aux 10.000 personnes qui ont travaillé plus ou moins directement à son armement, une somme qui avoisine le demi-million, se voit imposer à chaque voyage les droits de quai à l'entrée et à la sortie c'est-à-dire doubles, et plein tarif de pilotage, augmenté même d'une surtaxe s'il veut choisir ses pilotes?

« On a vraiment peine à concevoir un tel renversement des saines idées de justice et d'équité. Tout le contraire devrait avoir lieu. Les navires devraient payer des taxes inversement proportionnelles aux services qu'ils rendent au pays et aux ports... >>

Nous avons imposé pendant longtemps un droit spécial aux navires étrangers fréquentant nos ports. Les traités de commerce ont amené sa suppression. Mais pourquoi n'imiterions-nous pas les Anglais qui, dans la perception des taxes pour phares, bouées et relèvement d'épaves (service absolument gratuit en France), accordent à leurs navires un traitement de faveur aujourd'hui parfaitement avoué et reconnu ? Pourquoi n'imiterions-nous pas les Etats-Unis qui appliquent la méthode de taxes plus élevées pour les navires de passage?

Entre les systèmes absolus de la protection et du libre-échange, il y a place pour celui de la « liberté économique » ; et nous devons nous en servir pour favoriser l'utilisation de nos ports par les navires français d'abord et en second lieu par les navires quels qu'ils soient qui leur rendent le plus de services.

C'est par l'ensemble des mesures que nous venons d'exposer que nous pourrons combattre la trop grande concurrence faite dans nos ports à notre pavillon, que nous pourrons faire disparaître le germe d'indifférence à son égard, et diminuer la prime à l'internationalisme que renferme inconsciemment tout projet de restaur tion matérielle de nos points d'appui des flottes commerciales.

C'est à leur prompte réalisation que devront travailler les pou voirs publics, les futures administrations des ports devenues plus ou moins autonomes et aussi les armateurs, les commerçants et les industriels de la France entière.

H. LAURIER.

Commissaire en chef de la marine, E. R.

III

LA FRANCE ÉDUCATRICE ET CHARITABLE EN ÉGYPTE

Le but de cet article est de dresser très simplement, mais aussi exactement que possible, l'inventaire des établissements d'enseignement et de charité que la France a fondés et qu'elle entretient. ou soutient en Egypte. Nous ne nous dissimulons pas ce qu'un tel inventaire a nécessairement d'aride et de peu attrayant. Mais le lecteur qui aura eu la patience de le parcourir, verra s'en dégager l'impression de ce que la France a fait de grand et d'utile, et de ce qu'elle continue de faire, dans un pays auquel elle s'est toujours intéressée.

Les institutions que nous nous sommes donné pour tâche de passer en revue sont de deux sortes scolaires et charitables. La nature de l'enseignement crée parmi les premières des différences qui nous fourniront les divisions de notre inventaire.

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