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françaises ne se rencontre guère qu'à Nantes, Saint-Nazaire et Bordeaux. Dans les deux premiers ports, les Compagnies étrangères sont à peine représentées. A Bordeaux 17 Compagnies nationales possédant 148 navires d'un tonnage de 226.441 T. concurrencent heureusement 22 Compagnies étrangères avec 110 navires jaugeant 92.512 T.

Mais d'une façon générale le plus grand nombre de nos Compagnies n'exploite que des lignes de cabotage national, voire même de bornage.

Quelques-uns n'ont qu'une exploitation fluviale. D'autres, comme à Brest, Lorient, Toulon, font seulement un service de rade. Nous n'avons guère à pratiquer la navigation au long cours que la Compagnie transatlantique, celles des Messageries maritimes, des Chargeurs-Réunis, la Compagnie hâvraise péninsulaire, la Compagnie Fraissinet et la Maison Bordes. Les autres se cantonnent surtout dans le cabotage international mais avec quelle timidité, avec quel peu d'ampleur dans leur rayon d'action! Dans le Nord, elles n'assurent que dans une très faible proportion nos relations avec la Belgique, l'Allemagne, la Suède, la Norvège, le Danemark et la Russie. Même avec l'Angleterre qui est à nos portes, elles abandonnent tout le trafic aux Compagnies de cette nation. A Dunkerque, à Boulogne, au Havre, à Saint-Malo aucun service régulier direct de notre pavillon sur les ports britanniques. C'est le pavillon anglais qui domine en maître. A Saint-Malô, c'est une Compagnie anglaise qui a le monopole des relations avec Jersey et Guernesey. Ce n'est qu'à Dieppe et à Calais que, grâce au service postal subventionné de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest et de la Compagnie du Nord, les paquebots de ces Compagnies desservent périodiquement Newhaven et Douvres. Dans ce dernier port au développement duquel les Anglais travaillent fiévreusement, on ne voit en dehors du courrier postal de Dieppe que quelques voiliers français apportant les oignons ou des pierres et repartant sur lest. Et nous avons vu plus haut comment le port de Brest favorisait lui-même l'installation d'un service régulier avec Plymouth par la Great-Eastern Railway. Dans la Méditerranée, Marseille, Port-Vendres et Cette sont ports d'attache ou d'escale d'assez nombreuses lignes de cabotage international. Mais les relations du port d'Alger avec les pays du Nord de l'Europe et du bassin de la Méditerranée sont presque entièrement monopolisées par les Compagnies de navigation étrangère, principalement par des Compagnies allemandes (1).

(1) Il y a en Allemagne 175 Compagnies de navigation dont les deux

L'Allemagne en est à ce résultat inouï d'avoir dans la Méditerra née « une flotte de navires marchands plus importante que la nô+ tre. ». (P. Baudin, Journal officiel 1905. Doc. Par., p. 687).

En conclusion, qu'il s'agisse du mouvement général des navires. fréquentant les ports français ou du nombre et de l'importance des Compagnies régulières de navigation installées dans ces ports, c'est toujours le pavillon étranger qui l'emporte chez eux. Leur caractère international s'affirme de plus en plus.

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On trouvera peut-être que pour étabir ce caractère, il n'était pas besoin d'entrer dans d'aussi longs détails sur le degré de fréquentation des ports français par tels ou tels navires, par telles ou telles Compagnies régulières de navigation, que le chiffre global des entrées et des sorties des bâteaux en France suffisait par lui-même à faire ressortir l'utilisation internationale de nos ports, et que la description de la décadence de notre marine marchande a d'ailleurs été entreprise assez souvent pour ne laisser subsister aucun doute à ce sujet.

Mais encore qu'il ne soit pas inutile d'insister de toutes les façons sur cette déchéance, pour essayer d'intéresser le public à sa conjuration, il convient, surtout, au moment où les pouvoirs publics et les représentants de nos grands ports de commerce semblent dẻcidés à faire aboutir dans un commun accord les réformes et les transformations dont ils ont besoin, d'examiner si les mesures qui seront prises en leur faveur pourront avoir une heureuse répercussion sur le développement du mouvement de nos navires dans leurs bassins et le long de leurs quais.

Il serait en effet profondément regrettable que l'amélioration de nos ports n'eût d'autre résultat que d'accentuer encore leur caractère cosmopolite au détriment du pavillon national.

Les progrès considérables réalisés depuis quelques années par les ports de l'étranger tels que Hambourg, Brême, Amsterdam, Rotterdam, Anvers, Liverpool, etc., ont mis en évidence l'infériorité incontestable de ceux qui chez nous doivent remplir le grand rôle économique auquel la nature les destine et qui est intimement lié à la prospérité générale du pays. Ce rôle n'est pas le même pour tous. Suivant leur situation, ils sont ports de pêche ou ports de cabo

plus grandes possèdent 152 et 112 vapeurs (AIMÉ DUSSOL. Revue de la Société de géographie commerciale de Paris.)

tage, ports de transit pour les voyageurs ou ports de commerce mondial. Quelques-uns ne rentrent que dans une de ces catégories; d'autres au contraire peuvent être rangés sous la totalité de ces rubriques.

Enfin l'importance des opérations qui s'y déroulent régulièrement permet de les diviser en grands ports, ports secondaires et petits ports, et suivant la nature de leur trafic on peut encore subdiviser les deux premières catégories en ports régionaux, ports industriels ou commerciaux. Pour les uns en effet, toute leur activité dépend des forces productives et du pouvoir de consommation de la région qu'ils désservent. (par exemple Dunkerque); pour les autres au contraire (Le Havre, Bordeaux, Marseille) qui sont par-dessus tout des grandes places de commerce maritime, le rôle régional s'efface devant le rôle industriel ou commercial qui constitue leur caractère principal et leur donne une physionomie particu lière.

Mais quelle que soit la fonction de chaque port, elle doit être soutenue et encouragée pour maintenir ces organismes à la hauteur de leurs similaires à l'étranger, et aucun d'eux ne doit être négligé dans la voie du progrès ouverte à tous. Le programme Freycinet en 1879 avait eu pour objet de les améliorer simultanément. Il répondit, comme l'a dit M.. Hersent (1), aux besoins du moment, car jusque-là on avait très peu fait pour nos installations maritimes. On a trop critiqué. depuis lors l'éparpillement des ressources financières qui en est résulté. Dans une certaine mesure, il se justifiait par les intérêts très divers auxquels il était alors urgent de donner satisfaction.

On peut reprocher seulement à l'Etat d'avoir manqué de discernement dans ses programmes de travaux et dans la répartition des crédits, de ne pas avoir fait une plus large part aux grands ports, d'avoir jeté des millions dans certains, comme ceux de Boulogne, Calais et la Pallice (2), dont le trafic ne comportait pas tant de dépenses. Mais la véritable erreur, suivant M. Hersent, a été l'inaction dans laquelle on s'est reposé après la réalisation de la plus grande partie du programme Freycinet, sans penser aux nécessités toujours nouvelles du commerce et à son accroissement normal, en même temps qu'aux transformations continues de notre outillage maritime. Le grand tort c'est de ne pas avoir complété assez à temps le

(1) Mise au point de notre outillage maritime. Communication faite le 10 avril 1908 à la Société d'encouragement pour l'industrie nationale. (2) Le port de La Pallice, a dit M. de Rousiers, est grandiose et lamentable comme serait un magnifique musée dans le désert.

programme Freycinet par un nouveau programme adapté aux besoins nouveaux.

Pendant que nous restions l'arme au pied, les autres nations n'ont pas cessé d'améliorer leur outillage, de créer des grands ports modernes qui, en attirant à eux les principaux courants du trafic, ont d'autant mieux fait ressortir notre situation fâcheuse.

Dans la campagne menée depuis plus de vingt ans pour et contre «l'autonomie des ports », les partisans et les adversaires de ce régime, tout en faisant la part des diverses causes extérieures (ouverture des grandes voies de communication maritimes, fluviales ou ferrées, création ou absence de zones franches, abondance ou manque de fret lourd, facilités plus ou moins grandes d'escale, législation économique, etc.), qui ont contribué au développement de certains ports de l'étranger et au ralentissement de l'activité des nôtres, s'accordent unanimement à déclarer que c'est dans la supériorité ou l'infériorité de l'aménagement des ports pour la navigation moderne qu'il faut surtout chercher la cause de la prospérité des uns et de la décadence des autres.

Ceux qui par l'abri naturel ou artificiel de leurs rades, la profondeur naturelle ou acquise de leurs eaux, la longueur de leurs quais, les dimensions de leurs bassins de radoub, les progrès de leur outillage terrestre et maritime ont su offrir à tous les navires, sans limitation de leur nombre et de leurs dimensions, un mouillage sûr, un accès facile à toute heure de marée, un déchargement et un chargement rapides des marchandises et des passagers, des moyens de réparation aussi prompts que perfectionnés, ont bénéficié d'un pouvoir d'attraction sans cesse grandissant, et sont devenus des places maritimes internationales et d'entrepôt européen de premier ordre. Ceux au contraire qui n'ont pas su se plier aux transformations de l'architecture navale, qui sont restés ligottés, enserrés dans leur ancien cadre, dans leurs anciennes limites, qui en un mot n'ont pas satisfait aux conditions que la nouvelle marine marchande était en droit d'exiger d'eux, ont vu progressivement décroître leur trafic en comparaison des autres.

C'est là, nous dit-on, l'histoire des ports étrangers et des ports français.

Partout, on affirme la nécessité primordiale de transformer les conditions nautiques de nos grands ports, de les outiller rapidement et complètement suivant les exigences modernes, pour leur permettre de lutter contre les progrès redoutables de la concurrence internationale.

Le désaccord commence seulement dans la discussion des voies et

moyens à employer pour réaliser cet objet. Les uns n'ayant plus confiance dans l'Etat pour mener à bonne fin une œuvre de relèvement sans cesse compromise par la faiblesse et l'intermittence de l'action des pouvoirs publics, par les lenteurs de l'élaboration et de l'exécution des programmes de travaux, par l'insuffisance des ressources budgétaires, demandent que comme à l'étranger, l'Etat transfère ou délègue ses pouvoirs à des organes locaux, corps constitués ou syndicats autonomes administrant eux-mêmes, entretenant et agrandissant les ports au moyen de leurs propres ressources. Les étatistes tout en préconisant une réforme des rouages administratifs ou des procédés financiers en vue d'arriver à supprimer les lenteurs, les complications et les entraves budgétaires, réclament le maintien de l'intervention de l'Etat qui seule peut assurer la prédominance de l'intérêt général sur les intérêts privés.

Mais dans les arguments pour et contre le régime administratif qu'il convient de donner aux grands ports, afin qu'ils puissent effectuer rapidement tous les travaux d'amélioration de leur outillage, on ne voudrait pas seulement trouver des raisons de croire que ces travaux leur assureront un rang digne du passé et comparable à celui des ports modèles de l'étranger; on voudrait aussi y trouver des raisons d'espérer qu'ils profiteront à notre pavillon, et que nous le verrons bientôt se multiplier dans nos bassins et le long de nos quais agrandis.

Or, il semble que l'étude de la statistique du mouvement annuel des marchandises et des navires dans les premiers ports du monde et surtout dans les ports européens entraîne plutôt les esprits vers le développement de l'activité maritime de nos ports que vers celui de l'activité de notre marine marchande, qu'elle suggère plutôt le désir d'y attirer en foule les navires étrangers que nos propres navires. On s'attache peu, en effet, à la question de savoir si certains ports, qui excitent l'envie, ne s'accroissent pas, comme Hambourg ou Liverpool par exemple, au bénéfice du pavillon national, tandis que d'autres comme Anvers ou New-York se développent au profit des pavillons étrangers. On ne cherche pas comment les deux premiers ont atteint ce résultat éminemment favorable à tous les intérêts en cause. On dirait qu'on ne poursuit qu'un objectif recevoir des visites de navires de plus en plus nombreuses, de plus en plus fréquentes, pour arriver à égaler les ports rivaux dans leur trafic.

Les Chambres de commerce du Havre et de Dunkerque se plaignent, nous dit M. Brindeau de ne pouvoir donner des places à quai à des Compagnies de navigation qui les demandent pour l'é

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