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dans sa garnison peut résumer sa situation en disant: « A travail intensif, salaire moindre ! »>

Certains avantages professionnels, énumérés dans le Rapport sur le budget de la Guerre pour l'exercice 1910, sont devenus des banalités.

La gratuité des soins médicaux n'est pas un bien grand privilège. Quand l'officier est sérieusement malade, même à la suite d'un accident arrivé en service commandé, il entre à l'hôpital, où il subit une retenue sur sa solde. Il se trouve alors payé tout autant que n'importe quel membre d'une Société de Secours mutuels.

Les facilités pour les déplacements en chemin de fer sont aujourd'hui accordées à de nombreux fonctionnaires et il y a lieu de remarquer que le quart de place est calculé d'après les anciens tarifs qui étaient plus élevés que ceux d'aujourd'hui.

En ce qui concerne les retraites le document parlementaire en question parlait « des avantages considérables résultant du régime des pensions militaires ».

En réalité, ce régime comporte deux privilèges que n'ont pas les titulaires des pensions civiles. Ces privilèges consistent dans la faculté donnée aux officiers de faire liquider leur retraite dès qu'ils ont trente années de services, c'est-à-dire avant d'avoir atteint l'âge de 55 ans, et dans le fait de pouvoir cumuler leur pension avec le traitement viager de la Légion d'honneur.

Mais en revanche, les tarifs des pensions militaires n'ont aucun rapport avec les soldes d'activité. Ils sont inférieurs à ceux des pensions civiles qui sont fort équitablement réglées.

Le bâton de maréchal, pour la majorité des officiers sortant des grandes écoles, paraît devoir être le grade de commandant. Ce grade assure, à l'âge de 56 ans, une retraite de 3.300 francs, auxquels s'ajoutent 250 francs de traitement de la Légion d'honneur. On comprend que la perspective de 3.550 francs de rente viagère ne paraisse pas aussi brillante ni aussi enviable que le disent les documents officiels.

Cette insuffisance du taux des pensions de retraite est encore aggravée par la jurisprudence quand il s'agit de la réversibilité sur les veuves et les orphelins.

Dans une carrière où, par obligation professionnelle, on

peut être appelé à toute heure à faire le sacrifice de sa vie, les pères de famille devraient pouvoir laisser les leurs à l'abri du besoin. Or, les pensions de veuves ou secours d'orphelins ne sont égaux à la moitié de la pension du chef de famille que si celui-ci est tué ou blessé mortellement sur le champ de bataille. Dans tous les autres cas le tarif est calculé au tiers de ladite pension (1).

Le Parlement semble avoir compris l'injustice des textes draconiens en vigueur lorsqu'il a voté la loi du 29 mars 1912, qui accorde aux veuves et orphelins des victimes de l'aviation les mêmes pensions et secours que si la mort avait été causée par des événements de guerre. Il est équitable d'aller plus loin dans cette voie. Les victimes des sous-marins sont aussi dignes d'intérêt que les victimes de l'air et, même sur la terre ferme, on peut trouver, en temps de paix, une mort aussi glorieuse que devant l'ennemi.

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Pour

Projets d'augmentation des soldes et des pensions. améliorer la situation matérielle des officiers, on a proposé d'augmenter les soldes.

Le gouvernement a déposé un projet de loi qui doit entraîner une augmentation de dépenses de 72 millions par an.

D'autres projets, émanant de l'initiative parlementaire, ont été soumis, en même temps que le projet gouvernemental, à l'examen de la Commission du budget de la Chambre des députés.

Dans cette question, il faut se méfier de la surenchère et ne demander au pays que des sacrifices dont le bien fondé ne soit pas douteux. Il faut aussi opérer avec méthode et notamment poser en principe qu'il existe, dans la hiérarchie militaire, deux grades pour lesquels les appointements de-· vraient être en rapport avec l'autorité qu'ils confèrent et les responsabilités qu'ils imposent.

Ces deux grades sont celui de capitaine et celui de colonel.

(1) C'est-à-dire 1.300 francs pour une veuve de capitaine et 1.333 fr. pour une veuve d'officier supérieur.

Tout capitaine devrait pouvoir arriver à un traitement annuel de 6.000 francs et un colonel devrait avoir 12.000 francs d'appointements. Ceux des chefs de bataillons et lieutenantscolonels, grades intermédiaires, seraient compris entre les deux chiffres ci-dessus. Au-dessous du grade de capitaine on trouve des débutants dans la carrière militaire. S'il existe aujourd'hui des vieux lieutenants, c'est un fait anormal qui disparaîtra quand l'avancement sera bien réglé. Chaque carrière ayant des débuts peu rémunérés, les lieutenants et sous-lieutenants pourraient se contenter de traitements compris entre 250 et 360 francs par mois. Cela paraît suffisant pour la valeur sociale qu'ils représentent, tant qu'ils sont titulaires de ce grade.

Les tarifs proposés par M. Messimy sont ceux qui répondent le mieux à ces données rationnelles du problème à résoudre. D'après ces tarifs la solde progressive des capitaines irait de 5.400 à 6.600 francs et celle d'un colonel serait de 10.200 francs. En y ajoutant 2.160 francs de frais de service prévus pour tout emploi occupé par un officier supérieur de ce grade, on arrive au chiffre de 12.360 francs.

La dépense à prévoir serait bien inférieure à celle que comporteraient certaines propositions d'après lesquelles la solde d'un lieutenant pourrait atteindre 5.600 francs. Il ne faut pas perdre de vue que ces officiers subalternes sont au nombre de 11.000 pour la seule armée métropolitaine et que l'augmentation proposée aurait une répercussion considérable sur les appointements alloués aux officiers de complément lorsqu'ils sont sous les drapeaux.

La dépense serait également moindre que les 72 millions annuels demandés par le gouvernement qui, sans doute pour n'oublier personne, prévoit une augmentation de solde pour les généraux aussi bien que pour les sous-lieutenants. Cependant ces derniers doivent recevoir une augmentation automatique en passant lieutenants au bout de deux années de grade.

Quant aux officiers généraux, si leurs émoluments de 18.900 francs et 12.600 francs paraissaient insuffisants, il serait plus logique d'augmenter les frais de service qui s'ajoutent à la solde lorsqu'on est pourvu d'un commandement. Il

semblerait également équitable d'augmenter certaines indemnités. Un officier, déplacé pour le service isolément ou avec troupe, ne devrait jamais y être de sa poche comme cela se voit souvent.

Mais, ainsi que le disait M. Clémentel, dans son Rapport sur le budget de la Guerre, de l'exercice 1910, « il est logique qu'il y ait, pour tous les grades, un rapport régulier entre le taux de la solde d'activité et celui de la pension de retraite. >>

L'augmentation des soldes doit fatalement entraîner celle des pensions qui, d'après les tarifs actuels, n'atteindraient pas 50 0/0 des appointements proposés.

Là encore, il convient d'opérer avec méthode. Le plus simple paraît de placer les officiers rendus à la vie civile sous un régime qui se rapprocherait le plus possible du droit com

mun.

Le droit commun consiste à pouvoir obtenir une pension égale aux 3/5 du traitement d'activité.

Ce taux pourrait être atteint, dans chaque grade, par un officier entré dans l'armée à 18 ans et retraité par limite d'âge, c'est-à-dire ayant fourni le maximum de service actif. Les 3/5 de la solde d'activité se trouveraient ainsi acquis respectivement avec 35 annuités pour un capitaine, 38 pour un chef de bataillon, 40 pour un lieutenant-colonel et 42 pour un colonel. Les officiers prenant leur retraite avant d'avoir atteint ce chiffre d'annuités verraient leur pension diminuée d'autant. En revanche, ceux qui auraient des campagnes à leur actif, les verraient décompter jusqu'au maximum de 50 annuités actuellement prévu.

Les campagnes sont la rançon d'une usure physique prématurée, il est juste qu'elles rapportent une augmentation ae la retraite.

En calculant d'après les tarifs de solde du projet Messimy on aurait des pensions comprises entre 3.132 et 3.840 fr. pour le grade de capitaine, 4.056 et 4.440 fr. pour celui de commandant. Elles atteindraient 4.580 francs pour les lieutenantscolonels et 6.120 francs pour les colonels.

Ces pensions pourraient être majorées jusqu'à 4.590 francs

REVUE POLIT., T. LXXVIII.

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pour les capitaines, 5.000 francs pour les commandants, 5.230 francs pour les lieutenants-colonels et 6.720 francs pour les colonels (1).

Tel est l'effort budgétaire nécessaire et suffisant pour rémunérer les services des officiers de toutes armes.

On a objecté au projet Messimy qu'il risquait de causer une dépense inutile, si elle devait être inefficace pour entraîner des vocations et retenir des bons serviteurs au service du pays.

En ce qui concerne les vocations, il est facile de répondre qu'on n'a jamais choisi la carrière militaire comme un métier lucratif, et que l'essentiel est d'octroyer des soldes permettant de tenir son rang honorablement. Quant au fait de retenir des bons serviteurs dans les rangs de l'armée, il n'y a pas de limite possible à la loi de l'offre et de la demande.

Ce n'est pas plus avec 600 francs qu'avec 500 francs par mois qu'on retiendra un capitaine auquel ses études techniques et sa qualité d'ancien polytechnicien feront offrir un traitement triple par l'industrie privée.

Outre l'augmentation des tarifs de solde, M. Messimy propose l'allocation aux officiers ayant des charges de famille d'une indemnité annuelle de 500 francs pour chaque enfant âgé de moins de seize ans.

Quand le principe très humain de cette allocation aura été admis, on pourra maintenir celle-ci jusqu'à l'âge de 18 ans, car c'est surtout entre 16 et 18 ans que les frais d'éducation sont élevés.

L'Administration de la Guerre faisait remarquer en 1912, à propos de ce genre d'indemnité, qu'il s'agissait là «< d'une innovation de principe dont l'application devait, en équité, être faite à tous les personnels au service de l'Etat ».

La question est soumise à l'examen d'une Commission interministérielle. En attendant que cette Commission ait terminé ses travaux, on pourrait accorder aux militaires pères de famille une exonération partielle ou totale des frais d'ins

(1) Actuellement, les pensions sont de 2.300 à 3.900 francs pour les capitaines, 3.000 à 4.000 pour les commandants, 3.700 à 5.000 fr. pour les lieutenants-colonels, 4.500 à 6.000 pour les colonels.

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