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cinq grands réseaux français concédés, soit un avantage de 35 0/0 pour le réseau suisse. En regard de cette recette, le produit net kilométrique de 1912 a été de 25.200 francs pour le réseau fédéral contre 23.550 francs pour les réseaux de nos cinq grandes Compagnies; soit un écart de 7 0/0 seulement au désavantage de nos réseaux concédés.

Il s'ensuit que malgré les conditions exceptionnellement favorables résultant pour le réseau fédéral de l'importance de son trafic, les résultats financiers de sa gestion ne sont pas des plus brillants.

Sur les 10 exercices qui se sont écoulés de 1903 a 1912, 3 se sont soldés en perte, si l'on tient compte des soldes des exercices antérieurs. Et, si l'on envisage chaque exercice en lui-même, on constate que 5 exercices sur 10 se sont soldés par un déficit (1). La médiocrité de ces résultats n'a pas permis, nous l'avons dit, de constituer le fonds de réserve prévu par l'article 8 de la loi de rachat. Quant à la réduction des tarifs et à l'extension du réseau, qui devaient aux termes du même article être réalisés au moyen des excédents, il a fallu y renoncer. Loin d'avoir été réduits postérieurement à la réforme de 1901, les tarifs ont même été quelque peu relevés, nous l'avons vu.

Sous quelque aspect qu'on l'envisage, le rachat des chemins de fer suisses n'apparaît pas comme une opération des plus heureuses. Elle a coûté beaucoup plus cher qu'on ne l'avait prévu. Et d'autre part, si d'incontestables progrès ont été réalisés depuis la reprise des réseaux par la Confédération, tant au point de vue technique qu'au point de vue commercial, ainsi qu'en ce qui concerne la situation du personnel, progrès que les Compagnies auraient pu, elles aussi, réaliser si elles n'avaient pas été rachetées, il n'en est pas moins vrai que les promesses imprudentes des promoteurs du rachat n'ont été tenues que dans une faible mesure. Et

seulement celle de la France, mais également celle de l'Allemagne (68.800 fr. en 1911-1912). Elle atteint presque celle de la Belgique (76.300 fr. en 1912).

(1) En tenant compte des prélèvements, opérés après la clôture du compte, ayant le caractère de dépenses d'exploitation.

que dire des conséquences politiques du rachat, de cette servitude économique que la Convention du Gothard fait peser, à perpétuité, sur toute la Confédération ?

D'autres administrations, d'autres gouvernements auraientils pu mieux faire? Nous ne le pensons pas. L'administration du réseau fédéral suisse est aux mains d'hommes très distingués, qui ont tiré du merveilleux développement économique de la Suisse le meilleur parti qui leur était possible. Le gouvernement suisse est composé d'hommes sages et réfléchis; ils ont fait, eux aussi, tout ce qu'ils ont pu pour que la nationalisation du réseau ferré fût profitable à la Confédération. Ils ont même fait, à notre avis, ce que les gouvernements d'autres pays n'auraient jamais pu faire. Mais il est pour ainsi dire sans exemple que le rachat d'un grand réseau de chemin de fer n'ait pas produit de sérieux mécomptes et que l'exploitation des chemins de fer par l'Etat, toujours très coûteuse, ne donne pas des résultats financiers inférieurs à ceux que procure l'exploitation par les Compagnies. La Suisse ne fait pas exception à cette règle.

MARCEL PESCHAUD.

LES ÉCLAIREURS D'ESCADRES

Différents journaux ont annoncé que le ministère de la Marine allait demander au Parlement les crédits nécessaires pour la construction immédiate d'un certain nombre d'éclaireurs d'escadres.

Ce n'est pas la première fois que l'opportunité de la création de ce nouveau type de bâtiments est envisagée en France. Dans les avant-programmes établis en 1905 et 1907, qui ont servi à justifier la mise en chantier des Danton et des JeanBart, la marine avait signalé qu'il serait utile d'adjoindre aux escadres quelques bâtiments légers à grande vitesse; mais elle reconnaissait en même temps que notre infériorité numérique en bâtiments de combat obligeait à faire porter l'effort de construction sur les cuirassés, et elle ajournait sine die l'époque de la réalisation de ces estafettes.

De même dans la loi-programme promulguée le 30 mars 1912, il est prévu des éclaireurs. La flotte, une fois entièrement constituée doit en comprendre dix; le tableau annexe des mises en chantier à faire avant 1920 en comporte six, à raison de deux par an à partir de 1917. On continuait donc, il y a dix-huit mois, à considérer qu'il y avait d'autres constructions plus urgentes à entreprendre.

Aujourd'hui, on déclare que les récentes manœuvres ont prouvé la nécessité absolue de ces bâtiments, et, comme conséquence, on demande à les construire sans plus tarder.

C'est là une affirmation un peu vague, et qui, même si elle était appuyée par des faits précis et des raisonnements exacts, ne suffirait pas pour justifier la mise en chantier sollicitée.

REVUE POLIT., T. LXXVIII.

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Il est en effet toujours facile de démontrer l'utilité de ce que l'on ne possède pas, et il est hors de doute que des éclaireurs peuvent rendre des services. Mais, avant de décider la commande de tel ou tel type de bâtiment, on doit se demander non seulement s'il est utile, mais s'il est plus ou moins utile que tel autre type.

Autrement dit, il faut examiner, en supposant déterminé le montant des crédits consacrés à la Marine, quel est le programme de constructions qui la fortifie davantage.

Ce que nous voulons essayer de montrer, c'est que les éclaireurs projetés coûteront très cher et rendront relativement peu de service.

Sans se livrer à des considérations de haute stratégie navale, il n'est pas mauvais de se rendre compte tout d'abord, en s'aidant du simple bon sens, de ce que serait très probablement la prochaine guerre navale que la France aurait à soutenir. Nous disons « très probablement », parce qu'en pareille matière les combinaisons politico-diplomatiques peuvent bouleverser toutes les prévisions. Il n'en est pas moins vrai que c'est en se fondant sur les prévisions actuelles que l'on doit concevoir le programme de la flotte.

Il y eut une époque où la France pouvait envisager l'éventualité d'une guerre navale lointaine, comportant la recherche de l'ennemi à travers les Océans. En est-il de même aujourd'hui ? Songeons-nous à nous mesurer avec le Japon ou les Etats-Unis ?

La lutte à laquelle nous devons nous préparer sera une lutte européenne. Si, par hasard, une escadre ennemie se dirigeait vers l'Extrême-Orient avec l'intention d'y attaquer nos possessions, nous la laisserions faire, trop heureux de voir l'adversaire diviser ses forces; le sort des colonies se réglera en Europe, car, si même une expédition militaire arrivait à prendre pied sur un sol colonial français, elle ne pourrait évidemment s'y maintenir qu'à condition d'être ravitaillée et soutenue par sa métropole, c'est-à-dire à condition que celle-ci soit maîtresse de la mer. La nation qui

sera victorieuse dans les eaux européennes fera ensuite ce qu'elle voudra; mais il faut d'abord qu'elle ait annihilé la flotte ennemie.

Cette conception est universellement admise aujourd'hui et, pour s'y conformer, toutes les puissances concentrent leurs escadres au lieu de les éparpiller à la surface des mers. L'Allemagne a toujours eu ses navires réunis à proximité de ses côtes. L'Angleterre renforce de plus en plus ses divisions de la mer du Nord et de la Manche, ne laissant dans la Méditerranée que le minimum indispensable pour assurer ses communications avec Malte et les Indes. Quant à la France, elle vient de réunir tous ses bâtiments de combat dans la Méditerranée, et ne conserve dans le Nord que ses flottilles.

Il résulte de là que le problème de la recherche de l'ennemi se trouvera considérablement simplifié, et que l'éclairage des escadres à grandes distances deviendra de moins en moins utile. On n'a pas besoin d'une meute de chasse à courre pour chasser dans un parc clos.

Dans les grandes manœuvres, par la force même des choses, en subdivisant les escadres en partis A., B., C..., en cherchant à varier le thème des opérations, on complique les questions de prise de contact par rapport à ce qu'elles seront en réalité. Nous ne pouvons songer à diviser nos forces el nos adversaires ne le feront pas davantage. S'ils arrivent, un moment, à nous distancer, ils en profiteront peut-être pour bombarder quelque port; le mal ne serait pas grand, et encore ce serait de leur part un gaspillage de munitions qu'ils pourraient regretter au moment du combat.

En réalité, les deux flottes ennemies ne s'éviteraient pas : elles auraient le même désir, l'une comme l'autre, de frapper un grand coup, et de se débarrasser si possible de l'adversaire en une seule fois. Au moment de ce choc décisif à quoi serviront les éclaireurs ?...

Mais, nous dira-t-on, d'autres puissances possèdent des éclaireurs.

Voyons un peu ce qu'il en est; pour cela nous sommes

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