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«tion se trouvent pour la plupart à l'étranger, que leur influence domine dans les assemblées générales et que ce « soient les grands capitalistes du dehors, avec certains finan«ciers du pays liés à eux par toute sorte d'intérêts et plus ou « moins dans leur dépendance, qui règlent le sort de nos « chemins de fer les plus importants, c'est là un fait certaine«ment humiliant pour la Suisse... Un tel état de choses est «malsain... L'on a donc grand sujet de recourir à la natio<<nalisation pour soustraire les principales voies ferrées aux <«< influences étrangères. » (Message du rachat, p. 96.)

Il serait intéressant de savoir dans quelle proportion le capital étranger, si honni, a participé aux divers emprunts émis par la Confédération helvétique tant pour le rachat lui-même que pour la construction des lignes nouvelles, les travaux complémentaires et l'acquisition de matériel roulant depuis le rachat, et dans quelle mesure les titres correspondant à ces emprunts sont détenus par des portefeuilles étrangers. Nous ne croyons pas nous tromper en pensant qu'un très grand nombre de ces titres se trouve en dehors de la Suisse (1).

Mais les promesses nationalistes des promoteurs du rachat devaient être mises en échec d'une façon beaucoup plus grave.

Il y a quelques semaines à peine le Conseil fédéral appuyait auprès du Parlement et faisait voter par lui la Convention du Gothard. On sait quelle émotion cette affaire a soulevée en Suisse. Voici en deux mots comment elle se présentait. Pour la construction du réseau du Gothard des subventions avaient été versées par l'Allemagne et l'Italie. Ces subventions étaient données par ces deux Etats à fonds perdu, mais la Suisse, l'Allemagne et l'Italie devaient participer proportionnellement aux revenus dépassant 7 0/0 du capital versé par la Compagnie du Gothard; celle-ci se réservait la faculté d'appliquer aux tarifs des surtaxes de montagne pour les parcours atteignant une pente supérieure à 15 0/0; ces surtaxes devaient être réduites, ainsi que les tarifs eux-mê

(1) C'est également l'avis de M. Secrétan, député au Conseil national suisse. « Les obligations fédérales qui ont servi à payer les chemins de fer sont presqu'en totalité à l'étranger... » (Revue politique et parlementaire, numéro du 10 août dernier.)

mes, si les revenus dépassaient 8 0/0 du capital. Cette dernière éventualité ne s'est jamais réalisée.

Lorsque la Suisse entreprit le rachat de ses chemins de fer, les gouvernements allemand et italien demandèrent au Conseil fédéral quelle serait l'influence du rachat du réseau du Gothard sur les rapports de droit existant entre ce réseau et les deux Etats subventionnants. Le Conseil fédéral répondit que le droit de rachat était un droit souverain, mais que toutes les obligations incombant à la Compagnie seraient assumées par la Confédération. En outre, le gouvernement suisse proposa aux gouvernements allemand et italien d'échanger leurs droits au superdividende au-delà de 7 0/0, qui n'avait eu d'effet que cinq fois, et à la réduction des tarifs au delà de 8 0/0, contre une réduction de 20 0/0 des majorations de montagne. A ces propositions l'Allemagne et l'Italie répondirent seulement le 11 février 1909, deux mois et demi avant le rachat, en contestant le droit pour la Confédération de racheter le réseau du Gothard et en proposant la réunion d'une conférence.

Cette conférence se tint au cours de l'année 1909, et, si la Suisse put y faire admettre son droit de rachat, elle dut payer fort cher l'adhésion de l'Allemagne et de l'Italie à ses propositions. La réduction des surtaxes fut portée à 35 0/0 à partir du 1er mai 1910, à 50 0/0 à partir du 1er mai 1920, et d'autre part la Suisse dut se résigner à subir sur l'ensemble du réseau fédéral une lourde hypothèque au profit de l'Allemagne et de l'Italie. Il fut précisé que le trafic du Gothard devrait toujours jouir des « mêmes bases de taxes et des << mêmes avantages qui sont ou seront accordés par les «< chemins de fer fédéraux à tout chemin de fer qui existe déjà ou qui sera construit à travers les Alpes. En ce qui « concerne le transport des voyageurs et des marchandi<< ses d'Allemagne et d'Italie, pour et à travers ces deux « pays, la Suisse s'engage à ce que les chemins de fer fédé<< raux fassent bénéficier les chemins de fer de l'Allemagne et « de l'Italie au moins des mêmes avantages et des mêmes « facilités qu'elle aura accordés, soit à d'autres chemins de «fer en dehors de la Suisse, soit à des parties et à des sta«tions quelconques de ces chemins de fer, soit enfin aux sta

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«tions frontières suisses. Les chemins de fer fédéraux ne peuvent entrer dans aucune combinaison avec d'autres che« mins de fer suisses par laquelle ce principe se trouverait « violé. »

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Ces dispositions limitent incontestablement la souveraineté de la Suisse; elles ont pour effet de donner à l'Allemagne et à l'Italie un contrôle permanent sur toutes les mesures d'ordre commercial que prendrait l'administration des chemins de fer fédéraux. C'est là une extension considérable de la servitude qui ne pesait antérieurement que sur le seul réseau du Gothard. Grâce à la Convention qui vient d'être ratifiée par le Parlement suisse, après les Parlements d'Allemagne et d'Italie, ces deux derniers Etats obtiennent sur tout le réseau suisse le traitement de la nation la plus favorisée. On comprend l'émotion que cette Convention a provoquée en Suisse.

Une autre disposition de la Convention constitue encore une grave concession à l'étranger: c'est celle aux termes de laquelle, pour toutes les commandes de matériel nécessaires à la ligne du Saint-Gothard, notamment par l'électrification de cette ligne, la Suisse prend l'engagement d'ouvrir un concours accessible à l'industrie de tous les pays. Par cette disposition la Suisse s'interdit de réserver ses commandes à l'industrie nationale. Quoique d'un caractère général, cette concession bénéficiera surtout à l'industrie allemande, fortement organisée au moyen de ses cartels pour s'assurer l'avantage dans les concours auxquels il sera procédé.

« Jamais, disait au Conseil National, M. Alfred Frey, négo«ciateur des traités de commerce suisses, aucune nation, à « moins qu'elle n'ait été jetée à genoux, n'a encore accordé « à un autre Etat, sans réciprocité, de façon perpétuelle, le « traitement de la nation la plus favorisée. »... « C'est pis « qu'un traité de Francfort. » Dans son Message de 1897, le Conseil fédéral déclarait qu'une administration unique des Chemins de fer de l'Etat serait « beaucoup plus forte vis-à«vis de l'étranger » et «< » et « qu'on a grand sujet de recourir à <«< la nationalisation pour soustraire les principales voies fer«rées aux influences étrangères. » De cette déclaration on ne peut pas ne pas rapprocher cette constatation du rappor

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teur de la Commission du Conseil National chargée de l'étude de la Convention du Gothard. « On avait dit aux citoyens qu'après le rachat les chemins de fer suisses seraient au peuple suisse. Aujourd'hui, ils constatent que cette natio<<nalisation du Gothard, qui devait couronner le grand œu« vre, aboutit à la dénationalisation de tout le réseau. »

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De cet examen d'ensemble de l'œuvre du rachat peut-on conclure de bonne foi que cette opération ait été profitable au peuple suisse? A-t-elle été du moins avantageuse pour le budget de la Confédération? C'est ce que nous allons voir en étudiant succinctement les résultats financiers de l'exploitation du réseau racheté.

III

Le tableau ci-dessous indique quels ont été ces résultats :

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Entrée du Gothard dans les comptes des C. F. F. à partir du 1er mai 1909

Fr. Fr. 72.843 405 29.943 77.587.053 31.826 80.156.945 32.846 87.407.906 35.629 96.450.389 39.168

Fr.

Fr.

38.318.912 15.752 65,53 37.044.731 15.195 67,68 40.520.424 16.604 66,42 45.429.667 18.517 67,49

46.484.602 18.877 69,22

100.958.946 40.990 | 41.170.368 16.715 72,82

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Ce qui frappe surtout dans ce tableau, c'est l'élévation des dépenses d'exploitation. C'est en 1908 que le coefficient d'exploitation, qui traduit le rapport de la dépense à la recette, a atteint son chiffre le plus élevé (plus de 72 0/0). A ce moment le réseau fédéral traversa une crise financière qui attira l'attention du Gouvernement. Pour y remédier l'administration du réseau proposait, nous l'avons dit, un relèvement important des tarifs; on songea même à la suspension de l'amortissement. Le Conseil National sut résister à cette politique et, tout en admettant un certain relèvement des tarifs, il manifesta son intention bien arrêtée de n'accepter les autres propositions de l'administration qu'après que celle-ci se serait efforcée de réaliser de sérieuses économies. Ces économies furent obtenues en diminuant le nombre des agents, en réduisant les parcours des trains, en supprimant ou en retardant les travaux non urgents, en ralentissant le renouvellement du matériel ainsi que les travaux d'extension et d'amélioration. Cette politique était courageuse, car elle aboutissait à l'abandon d'un grand nombre des promesses faites si imprudemment au moment où on voulait obtenir le vote du rachat. Elle produisit d'heureux résultats; grâce à elle, des relèvements de tarifs purent être en grande partie ajournés. Il faut donc rendre au Conseil National suisse l'hommage que mérite sa sagesse. Mais combien de Parlements seraient capables de l'imiter?

Malgré l'effort d'économie fourni par l'administration, le coefficient d'exploitation, qui dépasse actuellement 66 0/0, est encore très élevé. Certes, il supporte avec avantage la comparaison avec celui de notre réseau d'Etat (90 0/0 pour le réseau racheté, 93 0/0 pour l'ancien réseau). Mais il est sensiblement plus élevé que celui des Compagnies françaises qui varie, selon les réseaux, de 54 à 61 0/0.

Aussi, avec un trafic sensiblement plus important que celui des réscaux français concédés, le réseau des chemins de fer fédéraux suisses ne recueille-t-il pas un produit net beaucoup plus élevé que celui de nos cinq grandes Compagnies. La recette kilométrique du réseau fédéral a atteint, en 1912, 75.000 francs (1), contre 55.400 francs seulement pour les (19) La recette kilométrique est très élevée en Suisse. Elle dépasse non

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