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récent semble indiquer qu'en pareil cas on n'hésiterait pas, malgré la loi, à suspendre l'amortissement.

Lorsqu'il y a cinq ans, en effet, le réseau traversa la crise financière dont nous parlerons plus loin, le Conseil fédéral, dans son Message du 14 mai 1909, déclarait : « Selon les rè«gles générales de la comptabilité et de l'administration il « ne peut être question d'éteindre une dette ou d'amortir une «perte sans que les résultats de l'exploitation en fournissent « les moyens. Si l'amortissement s'opère malgré l'insuffisance «< des ressources dont on dispose, l'amélioration apparente du << bilan sera compensée par les soldes passifs à inscrire dans «<les comptes. Elle n'a donc pas grande valeur. Dans le cas «< où les résultats de l'exploitation continueraient à ne pas «< suffire pour permettre d'opérer l'amortissement légal, il y « aura lieu d'examiner si cet amortissement ne doit pas être suspendu jusqu'à l'époque du rétablissement de l'équilibre « des recettes et des dépenses. >>

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L'amortissement n'apparaissait plus au gouvernement, à cette époque, comme une opération en quelque sorte automatique, ainsi qu'elle l'est par exemple en France, mais comme une opération facultative, subordonnée à la situation financière du réseau. Advienne une crise plus sérieuse que celle de 1898, les dispositions de la loi de 1897 risqueraient fort d'être oubliées !

Une autre disposition de cette loi est restée jusqu'ici lettre morte. D'après l'article 8, en effet, le 20 0/0 du surplus des excédents, une fois qu'il a été fait face au service des intérêts et de l'amortissement de la dette, devait être versé dans un fonds de réserve spécial jusqu'à ce que ce fonds ait atteint la somme de 60 millions. Ce fonds devait permettre de faire face aux dépenses d'exploitation, aux intérêts et à l'amortissement du capital en cas d'insuffisance des produits de l'exploitation. Le 80 0/0 devait être employé à la réduction des tarifs et à l'extension du réseau. Ces deux catégories de versements n'ont pu être effectués, et jusqu'ici le fonds de réserve prévu par la loi n'a pas reçu la moindre dotation.

Enfin, il convient d'observer que tandis qu'avant le rachat la Confédération s'efforçait de faire verser par les Compagnies des sommes toujours plus importantes au fonds de re

nouvellement, les chemins de fer fédéraux, pour diminuer les charges du compte profits et pertes, ont modifié les bases de calcul antérieurement adoptées et diminué l'importance de ces versements.

III.

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En ce qui concerne les tarifs, le Message du 25 mars 1897 s'exprimait en ces termes :

« L'amélioration des tarifs, qui ne manquera pas de se pro«<duire quand les chemins de fer seront nationalisés, fait « concevoir de grandes espérances. » (Page 59.)

C'est une loi du 27 juin 1901 qui réalisa la réforme des tarifs. Il est bon d'en préciser la portée, que l'on a souvent exagérée.

Antérieurement au rachat, les prescriptions réglementaires pour les tarifs de transport de tout genre étaient déjà les mêmes sur tous les réseaux; le classement des marchandises avait été également uniformisé; toutes les marchandises étaient taxées d'après les mêmes principes. Les taxes ellesmêmes étaient uniformes pour les bagages et les animaux vivants, pour certaines collectivités de voyageurs, ainsi que pour certaines marchandises bénéficiant de tarifs exceptionnels, notamment pour les céréales. Seules différaient, selon les réseaux, les taxes pour le transport ordinaire des voyageurs et des marchandises.

La loi du 27 juin 1901 a eu simplement pour objet de réaliser l'uniformité de ces taxes. On se tromperait en effet si l'on confondait cette réforme avec une réduction générale des tarifs. Elle fut beaucoup plus modeste. Le gouvernement se contenta d'étendre à tout le réseau les taxes les plus faibles perçues par les anciennes Compagnies. Si pour certaines parties de la Suisse cette unification a entraîné des réductions de tarifs appréciables, cette mesure n'a procuré à d'autres régions que des avantages insignifiants. Au total la réduction des recettes était évaluée par le Message du rachat à 8,65 0/0 pour le trafic-voyageurs, et à 3,34 0/0 pour le trafic-marchandises. En fait, la réforme de 1901 a abouti à une diminution de recettes de 3 millions pour le trafic-voyageurs et de 1 million 1/2 pour le trafic-marchandises, ce qui représente une diminution de 3,21 0/0 par rapport à l'ensemble des recettes

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de l'exploitation de l'exercice 1901. Pour le trafic-voyageurs la diminution a porté presque exclusivement sur les billets d'aller et retour. Après, comme avant la réforme de 1901, les tarifs suisses demeuraient très élevés. Et la Zeitung des Vereins, organe officieux des chemins de fer allemands, pouvait écrire, en 1909, que « les chemins de fer fédéraux suisses ont, tant pour les marchandises que pour les voyageurs, « les tarifs les plus élevés de tous les grands réseaux de <«<l'Europe centrale » (en y comprenant la Belgique et la France).

Malgré l'élévation de ces tarifs, malgré les promesses faites au moment du rachat, il a suffi que, vers 1909, la situation financière du réseau devînt assez critique, pour que le Conseil d'Administration des chemins de fer et le Conseil fédéral songeassent à recourir au relèvement des tarifs afin de rétablir l'équilibre financier compromis.

Ce relèvement devait être réalisé sous la forme de l'augmentation du prix des abonnements généraux et des billets d'aller et retour; le prix de ces derniers aurait été relevé de 20 à 30 0/0.

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Le Président du Conseil d'Administration, M. von Arx, déclarait dans son rapport sur la question « qu'on s'était trompé <«< dans la loi sur les tarifs en adoptant pour la double course <«<les taxes les plus basses des anciennes Compagnies ». Et le Conseil fédéral, dans son Message, observait que « tout regrettable qu'il soit de devoir constater qu'une partie des espoirs conçus lors du rachat ne peut pas être réalisée, il « n'est pas possible d'éviter ce relèvement... ». Le Conseil National protesta contre ces propositions. Sa commission fit observer que « le rachat des chemins de fer avait été opéré « pour obtenir de meilleurs horaires et des tarifs de transport « moins élevés... ». S'il fallait recourir à une diminution du nombre des trains et à un relèvement des tarifs « ne serait-ce « pas avouer qu'on avait mal calculé et que le programme du «rachat apparaît irréalisable »?

L'opposition du Conseil National a permis de faire ajourner l'adoption des propositions tendant au relèvement des billets d'aller et retour; elles sont encore pendantes devant les Commissions. Mais les prix des abonnements généraux ont été

relevés, depuis la fin de l'année 1909, de 8 à 18 0/0, selon les différentes catégories d'abonnements. Certains d'entre eux avaient été déjà augmentés en 1901 et en 1906. Ces abonnements représentent environ 12 0/0 du total des recettes du trafic-voyageurs. L'aggravation des charges imposées au public n'est donc pas négligeable. Et il en est résulté que les régions desservies, avant le rachat, par les Compagnies dont la tarification avait été prise pour base de la réforme de 1901, ont maintenant, en ce qui concerne ces tarifs une situation moins bonne qu'avant le rachat. Ajoutons d'ailleurs que ce relèvement des abonnements généraux n'a pas donné les résultats financiers que l'on en attendait.

IV. Parmi les promesses faites au peuple suisse au moment du rachat l'une de celles sur lesquelles on insista le plus fut celle d'un meilleur service des trains. « C'est surtout lorsqu'il est réclamé des améliorations dans les services « locaux qu'on constate combien les Compagnies redoutent « d'augmenter leurs frais d'exploitation; il faut emporter de «haute lutte la création de tout nouveau train. Et pourtant

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il serait possible de donner satisfaction au commerce sans << grands frais... » (Message du rachat, p. 55.) Le Conseil fédéral promet, si les réseaux sont rachetés, la création de nouveaux trains, et un plus grand nombre de places dans les trains.

Il faut reconnaître que ces promesses furent tenues; elles le furent même avec une générosité électorale telle que quelques années plus tard l'administration devait se préoccuper sérieusement de la question. Une étude fut faite, en 1908, à la suite de laquelle la Direction générale proposa une réduction d'environ 750.000 kilomètres-trains (en ce qui concerne le nombre des trains), et d'environ 6 millions 12 de kilomè tres-essieux (en ce qui concerne la composition des trains), soit au total une économie supérieure à 1.800.000 fr.

En 1909, le très distingué Président du Conseil d'Administration des chemins de fer fédéraux, M. von Arx, dénonçail comme la principale raison de la crise financière du réseau l'appétit insatiable du public. » dans ses exigences concer

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nant le service des trains. Si cela est vrai, il faut reconnaître que cet appétit avait été bien imprudemment déchaîné par la fameuse formule des partisans du rachat: « les chemins de fer suisses au peuple suisse ».

Dans son rapport au Conseil fédéral sur les comptes de 1908, le Conseil d'Administration des chemins de fer s'exprimait en ces termes : « Il semblait que dès le moment où un « réseau passait entre les mains de la Confédération, il devait « être donné satisfaction immédiate à toutes les revendica«tions, à toutes les réclamations, à tous les vœux dont les Compagnies avaient refusé de tenir compte. » Mais à qui la faute? N'était-ce pas le Conseil fédéral qui, dans son Message sur le rachat, avait promis au public que la nationalisation des réseaux ouvrirait pour lui la période de l'âge d'or des chemins de fer? « L'administration, subissant l'influence « de l'opinion publique, ainsi que des pressantes recomman«dations des autorités cantonales et fédérales, ne s'est peut«< être pas toujours opposée avec toute l'énergie voulue aux «<exigences dont elle était assaillie?» Certes, la situation d'une administration d'Etat vis-à-vis de requêtes présentées par des personnalités politiques n'est guère enviable; il lui est bien difficile de les écarter. Mais n'est-ce pas là l'un des vices essentiels du système des exploitations d'Etat; et n'est-ce pas pour l'Etat l'un des principaux avantages des exploitations concédées que de pouvoir faire endosser par les Compagnies l'impopularité des refus nécessités par le défaut d'intérêt de certaines sollicitations ainsi que des ajournements motivés par la situation financière des réseaux? Il sera toujours difficile à un réseau d'Etat de faire des économies ; et il ne faut pas s'étonner qu'aux observations du Conseil d'Administration des chemins de fer fédéraux rappelées plus haut le Conseil National ait répondu par l'organe de sa Commission qu'il ne fallait « recourir à une réduction « du nombre des trains qu'avec beaucoup de prudence... Le «rachat des chemins de fer par l'Etat a été opéré précisé«ment pour obtenir de meilleurs horaires... Les promesses « les plus expresses et les plus explicites ont été faites à cet égard pour persuader le peuple...

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