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qu'on établit des chaires pour l'Agriculture. L'abbé Rozier avait proposé de former une école pratique dans le parc immense et inutile de Chambord. Sous la Convention, le C. Grégoire a provoqué avec ardeur l'établissement de fermes départementales. Le C. Sylvestre a insisté dans plusieurs écrits sur l'utilité de l'instruction pour les cultivateurs-pi priétaires et sur les moyens qu'il a cru les meilleurs pour rendre cette instruction avantageuse et applicable aux différentes branches de cet art. Le C. Cels a démontré, dans ses mémoires, la nécessité d'enseigner publiquement l'économie rurale. Ces vues n'ont pas été combattues. On y a applaudi, mais on s'est contenté d'y applaudir. On est convenu que le plan présenté par le C. Talleyrand est un ouvrage lumineux; on ne l'a pas soumis à la discussion.

Celui de l'abbé Rozier est resté enseveli dans les cartons des comités, les discours des C. C. Grégoire, Sylvestre et Cels ont été imprimés, voilà tout; et après tant de plans divers pour la régénération physique et morale de la France, on a cru avoir tout fait pour l'agriculture en la délivrant dans la nuit éternellement mémorable du 4 août 1789, d'une partie des entraves dont l'avait gorottée le régime féodal. Ce n'était pas assez d'émanciper les serfs, il fallait les éclairer. La liberté est un bienfait, mais sans l'instruction, la liberté n'est pas complète. L'ignorance est encore une servitude.

« Les éléments de l'Agriculture sont pour l'humanité entière les éléments de la vie, et pour la France en particulier, les éléments de la richesse et du bonheur. Et cependant, au commencement du 19e siècle, nous en sommes réduits à demander que ces rudiments de la Société fassent enfin partie de l'éducation sociale ».

Au même moment, les hommes les plus éclairés signalaient l'utilité de l'expérimentation et de l'observation des faits pour assurer les progrès de l'Agriculture. Sir John Sinclair, membre du Parlement et fondateur du Bureau d'Agriculture en Angleterre, réclamait l'institution de fermes expérimentales, en vue « de fixer les principes sur les principes sur lesquels doit être réglé l'art agricole (1). >>

A. Young, l'agronome et l'économiste qui nous a laissé des « Voyages en France » si instructifs et si curieux, demandait des études d'agriculture comparée, véritables leçons destinées à instruire les cultivateurs. « Mon but, disait-il, est de généraliser toutes les connaissances locales, de mettre sous les yeux de chaque cultivateur tous les procédés différents pratiqué sur des terres semblables à la sienne, afin qu'il puisse voir dans cet exposé les défauts de sa propre culture, et apprendre à y remédier. Ces

(1) Projet d'un plan pour établir des fermes expérimentales, par Sir J. Sinclair, baronnet, manuscrit envoyé à l'Institut par Otto, commissaire de la République, en l'an VIII. Voir le rapport de Cuvier à cet égard.

L'Institut approuva les idées de Sir J. Sinclair.

leçons ne seront point les assertions gratuites d'un auteur ou les opinions isolées d'un individu; elles seront, pour chaque fermier, le résultat de la pratique journalière de son confrère, fermier comme lui, dans un autre canton... »

Le Premier Empire ne fit rien cependant pour instituer l'enseignement de l'Agriculture ou hâter le développement de la production rurale en perfectionnant ses méthodes. Nul enseignement ne fut institué, nulle station expérimentale ne fut créée.

C'est encore l'initiative privée et le patriotisme intelligent de quelques homme d'élite qui devaient assurer la voie, concevoir et

créer.

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En 1819, Mathieu de Dombasle fondait une Société qui avait pour but 1° La création d'une exploitation d'une ferme modèle expérimentale: 2° l'institution d'une école destinée à former en même temps des directeurs de culture et des agents d'exécution. La ferme-modèle devait montrer et démontrer par l'exemple la valeur des méthodes nouvelles les plus perfectionnées; elle devait servir également à tous les essais qui contribuent aux transformations de ces méthodes et aux progrès qu'elles permettent de réaliser.

L'Ecole supérieure destinée à former des chefs comportait l'enseignement de la théorie agricole, c'est-à-dire l'explication des faits et l'utilisation dans ce but de toutes les connaissances scientifiques qui éclairent la pratique, non seulement dans une ferme ou une région, mais dans toutes les fermes et dans toutes les régions. Dombasles, à ce propos, faisait justice d'un préjugé et disait :

Il est un genre de pratique que possèdent généralement les fermiers et qui est, en effet, celle du chef d'exploitation. Celle-ci n'a pas pour objet l'emploi des muscles du corps, mais se fonde sur certaines facultés de l'intelligence qui se développent par l'exercice et l'observation personnelle des faits. C'est ce qu'on peut nommer la pratique intellectuelle, et elle consiste dans l'habitude de l'application des théories ».

Et Dombasle ajoute, en complétant ces explications qui ont tant de valeur sous sa plume:

« Il ne faut pas qu'on s'y trompe: les hommes mêmes qui ne lisent pas, possèdent des théories qui se transmettent traditionnellement.

La difficulté de les appliquer est beaucoup moins grande pour ceux qui ne font qu'imiter les procédés en usage autour d'eux, et cependant il n'est aucun de ces cultivateurs qui, après avoir exercé l'agriculture

pendant quelques années, ne comprenne tout l'avantage que lui donne,. dans toutes ses opérations, la pratique qu'il a acquise.

« On peut juger par là combien il importe dans ces établissements destinés à former des chefs d'exploitation, d'initier autant que possible les élèves à la pratique agricole. Les théories peuvent s'apprendre par la lecture ou par des cours oraux, mais on épargnera bien des mécomptes aux débutants, si, à défaut de la pratique proprement dite que nul ne peut acquérir qu'en dirigeant lui-même les opérations d'une ferme, on leur a du moins inspiré des idées nettes sur son importance, et si pour l'observation souvent répétée des faits agricoles on les a mis au moins sur la voie qui doit les conduire à devenir d'habiles praticiens ».

Le grand agronome marque ainsi clairement le caractère de l'en.. seignement supérieur de l'agriculture et en précise le rôle.

Les agents d'exécution eux-mêmes ne doivent-ils pas profiter d'un enseignement et surtout d'une instruction spéciale par l'exemple? Dombasles a répondu en créant une section particulière pour former des contre-maîtres, c'est-à-dire des ouvriers d'élite, ayant des des clartés de tout, disposés à observer, et accoutumés à réfléchir. En somme, la ferme et l'école de Roville avaient un triple objet : Elles permettaient d'instituer la culture expérimentale; elles servaient à former des chefs capables d'organiser et de diriger, aussi bien que des auxiliaires aptes à comprendre en exécutant.

Telle est l'histoire de la première école agricole qui ait réellement fonctionné dans notre pays. Nous aurons prochainement l'occasion de compléter cet exposé en parlant des autres écoles qui se proposèrent le même objet.

III. REVUE DES QUESTIONS MARITIMES

Par RENÉ LABRUYÈRE, Contrôleur de la Marine

Transformation des méthodes de recrutement de la flotte. rie navale; ses poudres, ses canons, ses canonniers. d'amirauté. Le contrôle de l'exécution du budget.

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Insuffisance des moyens de recrutement des équipages de la flotte. Nous avons eu l'occasion d'écrire que la question du recrutement des équipages de la flotte était une de celles qui inquiétait le plus justement le département de la marine. Jusqu'à ces dernières années, en dehors de l'engagement volontaire, nos marins

provenaient presque exclusivement de l'inscription maritime. Or, cette source de recrutement s'est révélée comme insuffisante pour satisfaire aux besoins de la flotte. Par suite de l'entrée en service des nouveaux dreadnoughts, les demandes des escadres en matelots de spécialité ont augmenté dans des proportions considérables. Nos Courbet qui entrent en service, et comportent en effet un effectif de 1.078 hommes remplaçent, dans la ligne, des cuirassés dont l'effectif ne dépasse pas 600 hommes. Or, loin de diminuer le nombre même de nos navires s'accroît conformément à l'exécution du programme naval.

Il en résulte que le chiffre des marins et officiers mariniers prévus au budget passe de 55.595 en 1911 à 57.463 en 1912 et à 60.505 en 1913. Il faut s'attendre à ce que la marine réclame en 1920 la présence d'environ 85.000 marins sous les drapeaux si elle veut armer ses navires dans les proportions indiqués aux articles 3 et 5 de la loi du 30 mars 1912, tout en maintenant à 7 0/0 la proportion supplémentaire d'effectif reconnue nécessaire par cette loi pour parer aux indisponibilités de toute nature (congés, maladies, absences, permissions, remplacements, à l'extérieur, etc., etc.). Comment l'inscription maritime pourrait-elle faire face à cette situation nouvelle, quand le chiffre des inscrits levés dans les quartiers tend à fléchir? Ce manque d'équilibre entre les ressources séculaires fournies par les arrondissements maritimes et les nécessités des cadres à la mer a produit cette « crise du personnel » que l'on a dénoncée si souvent. Elle a été heureusement conjurée en partie par l'élan magnifique des recrues du contingent métropolitain qui ont été admises au nombre de 4.391 cette année à servir à bord des bâtiments de l'Etat. Pour montrer à quel point les méthodes de recrutement de l'armée de mer se sont trouvées transformées, il suffit de rapprocher ce dernier chiffre de celui des inscrits levés en 1911 qui est de 4.136, inférieur par conséquent de 255 unités à l'appel du contingent. Encore sur ce chiffre de 4.136, 1.310 inscrits étant dispensés comme soutiens de famille, n'avaient qu'une seule année de service à accomplir!

Une réforme de l'Inscription maritime s'imposait et nous avions déjà eu l'occasion de dire qu'un projet avait été déposé en ce sens en 1909 sur le bureau de la Chambre des députés. Par une ironie singulière, le nouveau texte avait été conçu pour mettre les rè gles de l'Inscription maritime « en harmonie avec le service de deux ans ». Or, la loi de 1905 a été abrogée, sans même que le projet du ministre de la Marine ait eu les honneurs d'une discussion: il était donc caduc avant d'avoir été voté. La véritable rai

son des retards apportés à la solution du problème de l'Inscription maritime tient à ce que celui-ci est double Il intéresse à la fois le recrutement de la flotte et l'organisation sociale des inscrits.

Si le Parlement était décidé à voter facilement ce qui se rapportait au premier point, par contre tout ce qui touchait aux statuts des inscrits eux-mêmes, était susceptible de soulever les plus graves controverses, car les travailleurs de la mer forment une corporation puissante, jalouse de ses droits et ils ont dans les deux Chambres des partisans résolus. Instruit par l'exemple du passé, le gouvernement, tout en déposant un second projet unique pour remplacer l'ancien sans détruire l'harmonie générale de la réforme, a, fort à propos, demandé au Parlement de disjoindre les articles concernant l'état social des inscrits et de voter ceux qui visaient le recrutement de la flotte. C'est ainsi que le projet a été voté partiellement, par lambeaux, et presque sans débats. Tel qu'il est, il satisfait pour le moment aux principales exigences. Il est probable en outre que ce qu'il en reste ne verra pas de sitôt le jour du palais Bourbon.

Les réformes accomplies. Ce qu'il faut à la flotte avant tout, c'est une maistrance vigoureuse et solide, c'est-à-dire un corps de sous-officiers instruits, actifs et dévoués qu'on ne peut obtenir que par voie d'engagement à long terme, ou de rengagement. Sous l'empire de l'ancienne législation, l'engagement maximum que l'on pouvait contracter ne dépassait pas cinq ans, sauf pour les mousses qui, exceptionnellement, pouvaient être gardés jusqu'au départ de leurs classes. Il en résultait que les apprentis, formés à grand frais dans les écoles de spécialités, quittaient la marine avant d'avoir rendu des services en rapport avec ce qu'ils lui avaient coûté. En portant à dix années la durée maximum de l'engagement des mousses, et en prévoyant un lien de sept ans pour les autres, la loi du 8 août 1913, nous assure un recrutement beaucoup plus sûr. Il ne suffisait pas d'attirer les jeunes gens sur les vaisseaux, il fallait encore les y retenir. Il existait, à ce propos, une anomalie choquante entre la situation des sous-officiers de l'armée de mer et celle des sous-officiers de l'armée de terre. Ces derniers pouvaient bénéficier de la retraite proportionnelle à quinze ans de présence et obtenir des emplois civils plus ou moins avantageux, selon leur instruction: Cette faculté n'était pas ou

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